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A P PEN D IC E DE L A T R O IS IEM E P A R T IE
LA RELIGION DES CHINOIS
Quand on a étudié la morale des Chinois, on a étudié leur religion
car leur religion se réduit à une morale, compliquée de pratiques dites
religieuses. Qu’y a-t-il au fond de la religion officielle de la Chine?
Le confucéisme. Or, Kong-fou-tseu, qui vivait cinq siècles avant
Jésus-Christ, ne fut nullement un fondateur de religion, et ne fut
même un réformateur qu’en un certain sens, car ses réformes consistèrent
le plus souvent à faire revivre les usages anciens. Véritable incarnation
de l’esprit chinois en cela, il regardait vers le passé plutôt que
vers l’avenir. Il put donc réglementer la religion de son temps, dans
ses rites extérieurs ; mais ses préceptes moraux furent tous ses
dogmes. E t ces préceptes n’ont rien de nouveau, rien même de fort
eleve . la modération, 1 humanité, la pieté filiale, le respect du passé,
la politesse, voilà les vertus essentielles que prônent les livres attribués
à Confucius ou'à son école (Tchong-Yong, Ta-Kio, Uiao-King),
et ajoutés aux livres sacrés déjà existants, car il ne détruit rien, il
revise et compose un corps de doctrine approprié au génie de sa race,
dont les défauts Sont les siens. Aucun peuple et aucun philosophe
n’ont moins aspiré vers ce que nous appelons l’idéal, n’ont moins rêvé
de Yau-delà.^ Cette vie leur suffit. « Les Chinois, dit l’amiral Jurien
de la Gravière, sont le peuple le moins spiritualiste de la terre. Us
ont à pleine le pressentiment d’une autre vie, et acceptent cependant
avec une singulière apathie l’idée de la mort. »
La tradition fait naître, un demi-siècle après Confucius, le philosophe
Lao-tseu, qui, lui, plus que Confucius, peut être donné pour un
fondateur de religion, car le confucéisme n’est que la doctrine morale
et rituelle officiellement suivie en Chine, tandis que le taoïsme est
bien une doctrine religieuse,'fondée sur le Tao-te-King (la Saison
primordiale, trad. Stan. J u l i e n , 18t>2. — Cf. Abel R é m u s a t , Mémoires
sur la vie et les opinions de Lao-tseu, 1820). A l’origine, cette doctrine
était toute contemplative et inclinait vers le mysticisme; elle
était donc, par la forcé des choses, la rivale de la doctrine bourgeoisement
médiocre de Confucius. Mais il y eut peu à peu divorce entre
le maître qui inventa la doctrine et les disciples qui l’appliquèrent.