Victoria, impératrice et reine. A Hong-Kong, pays anglais,
tout est fermé; tout est en deuil, officiellement du moins.
A i home, les Anglais se rattrapent peut-être. Mais, nous,
nous allons nous ennuyer ferme, aujourd’hui et demain :
deux dimanches anglais consécutifs à subir!...
De Nagasaki à Hong-Kong il y a loin comme de Paris
à Constantinople (i), avec une différence de température à
peu près égale. Il faisait doux à Nagasaki; il fait chaud à
Hong-Kong, et l’on voit à profusion dans les rues des fleurs,
des plantes vertes, des fruits. Certains coins de Hong-Kong
me rappellent Alger. Banians, figuiers, citronniers, orangers,
camphriers, abondent, sans parler des plantes qu’étale un
fort beau jardin public; et quand de la rade, encombrée de
navires, bordée d’un quai de près de deux lieues et de
rochers qu’on dirait bretons (2), on monte au « Pic »
(Victoria Peak), où, malheureusement, monte aussi un chemin
de fer à crémaillère, abominable quoique vertigineux,
(2,000 pieds au-dessus de la mer, un hôtel dans les nuages)
on a quelque peine à croire ce que vous racontent les
livres, qu’il y a une soixantaine d’années, quand les Anglais
prirent possession de cette île, au lendemain du traité de
Nankin, ils ont planté leur pavillon sur un rocher stérile.
Rudes hommes, ces Anglais, il en faut convenir.
Le principal temple de l’île est consacré à la déesse de la
Pitié. Ceci, vous le sentez, n’est pas une idée anglaise. Selon
la légende, c’est en Chine que cette déesse a fait sa première
apparition. Depuis, elle y est la patronne de tous ceux qui
souffrent. Une fière clientèle!...
Le Descartes et l’amiral Bayle sont enfin arrivés dans la
(1) Pas tout à fait, car de Nagasaki à Shanghaï que 850 kilomètres. on ne compte guère
da(n2)s « lDa e Bgrreotsa gronceh edres rPoluoguem faenua. cahu xe tf odrme eBs rféahnatat,s ttiaqnudesis, vqouues tdreasn scpoolrlitneenst bPlraonvcehnecse,. p» a(rWsemeuéleesr sdsee ,p ins maritimes, font plutôt songer à des coins de Chine ancienne et nouvelle.)
nuit du 7 février et nous sommes repartis aussitôt pour
Nagasaki, dotés d’un très aimable amiral, que nous ramènerons
à Shanghaï. Le doux climat du Japon s’est refroidi :
il y a deux centimètres de neige sur le pont...
Depuis ce retour de Shanghaï, je deviens paresseux, et,
d’ailleurs, je n’aurais rien , à raconter, à part un après-midi
passé au camp de l’infanterie de marine, avec retour par une
nuit très noire, le long des sentiers mal frayés de la campagne
chinoise, par les chaussées étroites jetées sur les marécages
ou les rizières; à part aussi quelques courses à Bub-,
bling-well, la promenade select, et à Saint-George’s-farm,
où l’on boit du vrai lait, en mangeant, sur une tartine, du
beurre qui n’est pas de conserve. Les Chinois, ayant horreur
du lait, ne traient pas leurs vaches et ignorent le beurre.
Quelquefois leurs médecins mettent les malades au régime
du lait, mais c’est le lait de... nourrice qui est coté sur le
marché.
Je secouerai bientôt cette torpeur, car il est certain que,
dans les premiers jours d’avril, nous remonterons le Yang-
tse, mais, cette fois, bien au-dessus de Nankin, jusqu’à Hankéou.
Notre absence durera cinq ou six semaines. En attendant,
je défends mon petit bagage contre les cancrelas, qui
pullulent.