Ce jour-là même, nous sommes repartis pour Woosung, où
nous avons mouillé vendredi; j ’ai immédiatement regagné
Shanghaï sur le Takou, pour commander les vivres. Mes
boeufs sont arrivés juste au moment où nous faisions route
pour le Yang-tse, et l’on a stoppé pour les attendre. En
route donc pour le Yang-tse!
IV
DES ILES CHUSAN A NANKIN (avril IÇOI)
Il semble que peu à peu l’on se détache de la France, de la
famille, des amis. Quelle émotion, il y a six mois, si un
courrier ne m’avait pas apporté de lettres ! Maintenant, souvent
des journaux seulement, et je m’y fais; moi-même
j ’écris moins, je crains de songer moins aussi à tous ceux
que j ’ai laissés là-bas. C’est une bonne école d’égoïsme que
l’éloignement de tout ce qu’on aime.
Arrivé vendredi matin au bas de la rivière de Shanghaï,
le temps de passer un vêtement civil, je file à Shanghaï. A
six heures du soir, j ’ai eu l’idée d’aller à trois kilomètres
dans la campagne dire bonjour à un ami; pluie torrentielle,
je glisse sur le sentier et je plonge jusqu’aux cuisses dans
un marigot. Je vais au camp de l’artillerie demander à dîner.
Le lendemain matin, lever à cinq heures — depuis cinq
jours, c’est la règle, —- arrivée à bord à dix heures seulement,
à cause de la brume; déjeuner, et puis au lit. Le clairon'a eu
beau sonner à ma porte, poste d’appareillage et poste de
mouillage, je ne me suis réveillé que ce matin, où j ’ai eu le
plaisir de me retrouver sous les forts du Yang-tse, à côté
d’une ancienne connaissance, la flotte chinoise. Deux officiers
du génie, que nous avons emmenés, visitent en ce moment
les batteries et mesurent les parapets; du bord nous
voyons qu’on leur fait les honneurs d’un exercice : exercice