que les rails furent posés à nouveau : cette fois, le fong-
choei avait été vaincu par le seul adversaire qui puisse le
vaincre en Chine, l’intérêt commercial.
Samedi soir, à l’heure de la marée, nous avons passé la
barre, et dimanche matin nous sommes remontés jusquà
Shanghaï. Nous y avons trouvé les Chinois habillés de couleurs
moins pâles, plus voyantes : ce sont leurs habits d’hiver,
qu’ils mettent par-dessus les habits de demi-saison, ces
derniers eux-mêmes par-dessus les habits déte (i). D autre
part, les chapeaux de paille de l’infanterie de marine allemande
ont fait place aux casques à pointe de l’infanterie
allemande régulière. Ces casques à pointe ont jete un froid:
nos marsouins étaient moins gênés en face des chapeaux de
paille, qui n’évoquaient aucun souvenir. Au reste, les officiers
allemands font toujours montre d’une politesse excessive
: au bar de l'Hôtel des Colonies ils n’entrent ou ne sortent
jamais sans faire un plongeon du côté des officiers
français. Les Hindous ont aussi revêtu des pelures bariolées,
rouge, jaune, etc. Ils sont devenus si impopulaires dans
la population chinoise que la haine de l’Hindou se substituera
bientôt à la haine de l’Européen.
(1) « Le plus pauvre Chiuois a toujours une veste mouton ou de ouate de coton pendant l’hiver, et il n ’imdoaugbinléee p adse cpoemaum ednet les Européens peuvent vivre avec les étoffes légères qu’ils portent. » (Aventures
de Robert Fortune dam ses voyages en Chine à la recherche des ileurs
et du thé (1848-1850), traduit de l’anglais, Hachette, 1854, in-16.)
A P P E N D IC E DE L A PR EM IER E P A R T IE
LE CARACTÈRE CHINOIS — LA VIE DE FAMILLE ET DE SOCIÉTÉ
LES REPAS CHINOIS
Le caractère des Chinois est essentiellement pacifique et pratique.
Leur morale, toute familiale et sociale, prêche l’obéissance, la sagesse,
le renoncement. Les grands ennemis, ce sont les sens, les passions :
pour être heureux, il faut restreindre leur part au strict nécessaire.
Lisez le Taio-te-King de Lao-tseu (Stanislas Julien, Tao-te-King, le
Livre de la Voie et de la Vertu, traduction française ; Paris, Imprimerie
royale, 1842, in-8°) :
« Le saint homme fait son occupation du non-agir... Il fait en sorte
que ceux qui ont du savoir n’osent pas agir... Dès qu’il pratique
le non-agir, il n’y a rien qui lui soit impossible. » Ce saint homme
est opposé à l’homme agité par ses désirs, qui veut vivre avec intensité.
« Augmenter sa vie s’appelle une calamité... Celui qui agit
échoue ; celui qui s’attache à une chose la perd. De là vient que le
saint n’agit pas ; c’est pourquoi il n’échoue point. Il ne s’attache à
rien, c’est pourquoi il ne perd point... » Les trois vertus principales,
pour Lao-tseu, sont : l’affection, l’économie, l’humilité. L’amour de
la tradition routinière, l’horreur pour tout ce qui est étranger et nouveau
sont les fruits naturels d’une telle doctrine. « Si un autre
royaume se trouvait en face du mien, et que les cris des coqs et des
chiens s’entendissent de l’un à l’autre, mon peuple arriverait à .la
vieillesse et à la mort sans avoir visité le peuple voisin. » Il est inévitable
aussi qu’elle anéantisse tout esprit guerrier. Lao-tseu a dit :
« Lorsque deux armées sont en présence, c’est l’homme le plus compatissant
qui remporte la victoire. »
Il y a pourtant des traités chinois sur l’art de la guerre (A rt militaire
chez les Chinois, ou recueil d’anciens traités sur la guerre, tra duits
par le P. Amiot, revu par M. Deguignes, Didot, 1782, in-8°.)
Voici les Dix préceptes adressés aux gens de guerre par l’empereur
Yong-tcheng : « Il faut respecter ses parents; honorer ses aînés; être
en bonne intelligence avec les autres ; instruire ses enfants ; cultiver