plus violemment hostile aux Européens. Ce qui se passait
dans la région de Pékin pouvait se passer dans les villes
les plus rapprochées où les Européens avaient des intérêts.
Aussi notre arrivée à Shanghaï fut-elle accueillie avec enthousiasme
par la colonie française, en butte, depuis quelque
temps, à de nombreux actes d’hostilité, sans gravité
encore, de la part de la basse population chinoise. Les
alertes avaient été assez sérieuses pour que notre consul
général crût prudent de demander pour nos nationaux la
protection de deux bâtiments de guerre hollandais mouillés
dans le Whang-pou.
Les appels réitérés de notre représentant à Shanghaï
n’avaient pu jusqu’alors recevoir satisfaction de la part
de l’amiral, qui, très occupé dans le Nord, s’était vu dans
l’impossibilité de détacher de sa trop faible division les
bâtiments si instamment réclamés pour assurer la sécurité
de nos établissements dans la région du Yang-tse. C’est seulement
après l’arrivée des renforts venus de France que le
chef de nos forces navales fut en mesure d’envoyer dans
cette région deux croiseurs et deux canonnières, permettant
ainsi d’organiser un service de surveillance devenu
nécessaire, et de recueillir sur l’attitude des populations
des renseignements précieux en ces temps troublés.
Depuis longtemps, le pavillon français n’était plus aperçu
qu’à de très rares intervalles sur le grand fleuve, où . les
croiseurs anglais semblaient régner en maîtres. Les Allemands
et les Japonais venaient d’y faire leur apparition
avec quelques petits bâtiments il importait que, le plus
tôt possible, la France fît preuve de sa force, aux yeux de
populations pour qui, seule, la force compte; qu’elle affirmât
sa sollicitude pour ses établissements du Yang-tse; qu’elle
appuyât de façon énergique les réclamations de ses nationaux,
missionnaires ou commerçants, si éprouvés pendant la
dernière crise. La présence de nos navires de guerre dans
le bassin du Yang-tse était impérieusement exigée par les
circonstances, d’autant plus qu’on prêtait à une puissance
européenne la prétention d’assumer à elle seule la
surveillance et la garde de cette grande voie de pénétration
au coeur de l’Empire du Milieu.
Comprenant que nous ne pouvions nous désintéresser de
cette question capitale, le gouvernement de la République
décida de coopérer dans la plus large mesure aux efforts
tentés par les Puissances alliées pour maintenir la tranquillité
et le bon ordre dans le pays où les Français ont le
plus d’intérêt peut-être à les sauvegarder. Des troupes venues
du Tonkin furent débarquées à Shanghaï en même temps
que les troupes envoyées par l’Angleterre; elles furent suivies
peu après par des détachements allemands et japonais.
D’autre part, nos bâtiments s’échelonnèrent dans le
fleuve, jusqu’à Hankéou, où deux canonnières françaises
sê trouvèrent en permanence.
Le vice-amiral Pottier, nouveau commandant en chef de
nos forces navales dans l’Extrême-Orient (la Marine française
vient de le perdre en août 1903), chargea Y Amiral
Charner du commandement supérieur à Shanghaï et dans
le Yang-tse. De là nos séjours successifs et prolongés à
Shanghaï, nos promenades sur les côtes et autour des îles
voisines, enfin nos deux explorations du Yang-tse même.
La première ne dépassa pas Nankin; la seconde atteignit
Hankéou, Hanyang et Qutchang, trinité de grandes villes
qui seront bientôt, après l’achèvement du chemin de fer de
Pékin à Hankéou, le vrai centre, au moins commercial, de
la Chine. Pour ce second voyage, l’amiral Bayle arbora son
pavillon sur le Charner : il s’agissait de poser la première
pierre du quai de France, à Hankéou, c’est-à-dire à près de
300 lieues de la mer, à l’entrée de la région des rapides;