vivaient et s’agitaient : seul, dans son tombeau délabré, le
Ming continuait à dormir
Ce Ming solitaire personnifie la grandeur et la décadence
de Nankin, car il régnait à la fin du XIVe siècle, et,
des le début du XVe, son fils Young-lo transportait la capitale
de Nan-King (capitale du Sud) à Pé-King (capitale
du Nord). Si nous allons à Pékin, nous verrons peut-être,
non loin de là, le vrai tombeau de la dynastie. Celui-ci
n est que le tombeau d un grand homme — et d’une grande
ville.
LA POPULATION CHINOISE — LA CHASSE AUTOUR
DE NANKIN
Après les ennuis divers de Shanghaï, je me repose avec
délices sur le Yang-tse. Presque oisif maintenant, je contemple
les clochettes aux pointes des toits, les camps chinois
dont j ’entends gronder les cymbales, la silhouette des
grands murs crénelés de Nankin, les feux qui serpentent
bizarrement, au coucher du soleil, sur les versants des collines,
pendant que ce boueux de Yang-tse-Kiang s efforce
de mériter son nom usurpé de Fleuve bleu. Et j’en suis
venu à trouver presque agréable le dandinement des femmes
sur leurs pieds atrophiés. Cette démarché incertaine vaut
encore mieux que le pas accéléré des misses anglaises. Les
enfants ont ici un air éveillé, qui plaît; la population est
accueillante, et l’hospitalité qu’elle offre aux promeneurs
européens n’est payée que s’ils tiennent a la payer.
Il est vrai que ces hôtes désintéressés, ces badauds dont
la curiosité n’est jamais satisfaite, sont d’humeur changeante
: un seul mot d’un seul meneur donne une expression
méchante à ces visages d’une naïveté enfantine. Jeudi dernier,
dans une des rues les plus fréquentées de Nankin, près
de la porte du Sud, nous étions suivis par plus de cent Chinois,
qui nous regardaient marchander par gestes des