environ 100 kilomètres au-dessus de Nankin, et à 363 kilomètres de
Shangkaï. C’est une sous-préfecture de Taï-ping-fou, ville murée, à
demi ruinée, qu’on découvre sur cette même rive entre Nankin et
Wuhu, et qui est interdite aux étrangers ; mais c’est une des plus
importantes sous-préfectures de Chine. Sa population est d au moins
80,000 habitants. ( V a u l s e r r e ; C o t t e a u : 100,000 ; G o t h a : 103,000.)
Edm. Plauchut, qui décrit avec complaisance, en 1878, sa rue principale,
longue d’une lieue, et qui vante la salubrité de son climat,
assure que la population est polie pour les étrangers. L’émeute
du 12 mai 1891 donna un .cruel démenti à son optimisme ; cm vit la
populace, ce jour-là, déterrer et mutiler le cadavre du P. André,
enterré dans le jardin de la résidence.
Le vaseux Wuhu n’a pas laissé, on l’a vu, à tous les voyageurs le
même souvenir qu’à M. Plauchut. Mais on a vu aussi quelle était
l’importance commerciale et industrielle de ce gros bourg, ouvert
par la convention de Che-fou (1876) et reliée par des canaux aux districts
du thé et de la soie. « Sa ficelle rouge, dit la Note de 1884, est.
connue dans tout l’empire ; depuis doux siècles on vante ses couteaux
et autres objets en acier ; on y fabrique d’excellent papier pour
l’écriture et le dessin. » Wuhu a presque dépassé Chin-Kiang pour
le commerce du riz. Comme à Chin-Kiang, on y trouve une usine
allemande pour le traitem ent des oeufs de cane et le dessèchement de
l’albumine.
Si l’on remonte le fleuve, 60 kilomètres environ au-dessus de Wuhu,
sur la rive gauche, on voit se dresser les murailles blanches crénelées,
et la haute porte noire de Nganking, dont le front se prolonge
sur plus d’un kilomètre, avec une montagne, taillée en dents de scie,
à l’arrière-plan. (W e u l e r s s e .) C’est une ville aérienne,^ bâtie sur
trois assises ( d e B e z a u r e ) , peuplée d’au moins 40,000 âmes (c’est
le chiffre du recensement de 1878), située à 60 lieues environ de Nankin.
Le Ngan-Hoeï, dont Nganking est la capitale, était, pour Marco
Polo, une province « mult plantureuse », où abondaient les riches
marchands. Comme toutes les villes de cette vallée, Nganking a été
plus d’une fois prise et ruinée. Le 26 février 1853, elle fut emportée
par les Taï-ping. Quand lord Elgin y passa, en 1858, elle était assiégée
par les Impériaux. C’est seulement en 1861 qu’elle fut reprise : les
Impériaux y égorgèrent hommes, femmes et enfants jusqu au dernier.
Nganking a toujours passé pour hostile aux étrangers. En 1865,
une émeute en chassa les jésuites, et le P. de Carrère dut s’enfuir
par-dessus les murailles : il obtint, deux ans après, une réparation
et un - terrain pour construire un établissement nouveau. Mais,
en 1869 encore, au momeflt des examefis littéraires, époque d’effervescence
patriotique et religieuse, la maison des jésuites fut pillée'.
Plus paisible, leur situation ne semble pas y être devenue beaucoup
plus forte : « Là tout est à créer... La ville de Nganking repousse la
vérité qui lui est offerte. » ÇEteUtions de la mission de Nankin, Chan-
ghaï, 1875, in-8», 154 p., t. I er, 1873-1874. Au t. II, 1874-1875 : « Les
habitants do Nganking sont moins hostiles qu’autrefois. » Mais pas
un adulte n’a été conquis.) Le Tche-Kiang et le Kiang-sou, voisins
de la mer, sont, bon gré mal gré, accessibles aux influences européennes;
mais le Ngan-Hoeï, le Kiang-si et le Hou-nan leur opposent
encore une barrière qu’elles franchissent pourtant le Hou-pe. en se hâtant vers
Le Kiang-si s’étend surtout autour et au sud du lac Poyang.
Sa capitale Nan-tchang est sur le lac même, dans une plaine ceinte
de montagnes. La seule de ses villes qui intéresse cétte étude est
Kieou-Kiang ou Kiu-Kiang, port ouvert par la convention de 1862,
rive droite. Pour le P. Gaillard comme pour Léon Roussët, la désignation
de Kiu-Kiang est le résultat d’une erreur ; c’est Hou-Keou, vraie
route géographique du Yang-tse à Canton, qu’il eût fallu ouvrir.
Depuis, Hou-Keou est devenu port d’escale. De Kiu-Kiang à l’embouchure
du Yang-tse (740 kilomètres) et de l’embouchure à Canton, lë
voyage est long; par Hou-Keou, il est considérablement abrégé. Mais
la position de Kiu-Kiang a aussi ses avantages. Située un peu au-
dessus de l’émissaire du Poyang, elle s’enrichit par le transit des produits
du Kiang-si, thés noirs, tabacs et porcelaine : le P. Gailllard
lui donne un chiffre d’affaires de 18,562,941 francs. Puis, le pays où
elle se dresse au sortir d’un coude marqué du fleuve, qui cesse de descendre
vers le sud-ouest et se relève vers le nord-ouest, au pied d’une
colline qui forme promontoire, ou sur cette colline même, est très vert,
bien arrosé par des eaux courantes. La montagne commence presque
immédiatement au-dessus des quais.
Il est douteux que jamais Kiu-Kiang, grande ville et grand marché,
au x v h g siècle, d’après le P. Martin Martini, ait compté 500,000 habitants,
comme l’assure M. de Vaulserre; mais il est certain que sa population
est aujourd’hui bien inférieure à ce chiffre. (G o t h a , 36,000 ;
V a u l s e r r e , 50,000; G a i l l a r d , 55; C o t t e a u , 60; Marcel M o n n i e r , 70.)
Les Taï-ping ont passé par là. Y passant à son tour, en 1858, Oliphant
n’y voit plus qu’une rue en ruines, deux ou trois pauvres
boutiques, pas plus de 400 âmes en tout. Seuls restaient debout un
faubourg et une pagode hors des murs. Une grande partie du com-
meroe de Kiu-Kiang se fait encore dans le faubourg. On a protégé
par une digue le quartier européen, et planté le quai. Mais les maisons
de commerce européennes sont encore rares à Kiu-Kiang. Les
Anglais seuls y sont établis solidement. On peut croire cependant à
l’avenir de ce port', qui est une escale nécessaire entre Nganking et
Hankéou, comme entre Hankéou et Canton par la route du Poyang.
vn
LE HOU-PE : OUTCHANG ET HANKEOU
Quand, après avoir suivi bien des replis du fleuve, au-dessus de
Kiu-Kiang, on voit fumer, sur la même rive, les cheminées d’Ou