1901-1902. — Dans l’automne de 1901, sur VOlry, construit à Shanghaï,
le lieutenant de vaisseau ïïourst remonte le fleuve, suivi de
près et dépasse par la canonnière Ta-Eiang, qui porte les-enseignes
de vaisseau de Boucheron et Monnot, et arrive à Tchoung-King, fin
décembre 1901. Pendant l’automne do 1902, le lieutenant Hourst stationne
à Tchoung-King. Sa mission complète et rectifie le travail
hydrographique du P. Chevalier. Le 31 janvier 1904, à la séance de
la Société de topographie, il a rendu compte de cette exploration.
Le Yang-tse supérieur ou inférieur a été parcouru, sans doute,
par d’autres Européens que les Français et lës Anglais : on pourrait
citer le baron de Hubner (Shanghaï), Prjevalsky (1871-1885), le
pandit Kriehna (1879), le czarèvitch Nicolas, aujourd’hui l’empereur
Nicolas II (1891 : il ne monta que jusqu’à Hankéou), l’Américain
Hockhill (1892.) C’est bien, pourtant, l’Angleterre et la
France qui sont en présence sur le haut fleuve, Tune essayant de
rattacher à la Chine, par la Birmanie, ses possessions de l’Inde,
l’autre tendant à rejoindre les hautes vallées du Yang-tse par le plateau
du Yunnan, où elle a obtenu la concession d’une ligne de chemin
de fer venant du Tonkin. Il est,vrai que la prolongation des lignes
de chemins de fer birmans dans la direction de la Chine a été reconnue
pratiquement impossible : vallées profondes, montagnes à
pic, fleuves impétueux, semblent offrir des-obstacles si insurmontables
que lord Curzon, vice-roi des Indes, a publiquement déclaré,
par deux fois, que son gouvernement n’accorderait aucun appui matériel
ni même moral à une entreprise de ce genre. Mais, d’autre part,
renoncer à la possession de la vallée du Yang-tse, cé serait renoncer
à tout espoir de domination sur la Chine.
L auteur du livre si curieux China in transformation, Archibald
R, Colquhoun, écrit : « Of the Chinese rivers the Yangtze is indisputably
the most important, being the main artery, indeed the only
real channel for trade betwen eastern and western China. » L’accès,
par le Yang-tse, au Setchouen, reste « the commercial or political
objective of England. » C’est là que sera décidée la question de Ta
suprématie de telle ou telle nation européenne dans la Chine centrale.
Or, les ambitions coloniales de la France ont de la continuité
dans 1 intention, mais, dans l’action, plus de nervosité agressive que
de suite raisonnée. Mais, pour l’Angleterre, c’est une question vitale
« a question of vital importance, a matter of life and death » de
maintenir et de consolider définitivement sa suprématie dans le
bassin du Yang-tse. C’est aux Français qu’il appartient de montrer
si cet Anglais a raison de leur refuser désormais tout génie colonial
(Frenchmen cannot colonise). Sur l’importance du Yang-tse comme
voie de pénétration, ils ne sont pas d’un autre avis que Colquhoun.
Les auteurs de La Chine gui s’ouvre, MM. Pinon et de Marcillac,
l’affirment aussi, pour participer à l’essor économique de l’Empire, il
faut atteindre l’artère qiii lui porte la vie et la fécondité. « Pour
nous, Français, le noeud de la question d’Extrême-Orient est sur le
Yang-tse, au Setchouen. » Même note dans le livre de M. Weulersse,
observateur incapable de céder à un entrainement irréfléchi : « Souvenons
nous que notre avenir est compromis, si ce n’est pas un chemin
de fer français, aboutissant à Haïphong, qui atteint le premier les
ports du haut Yangtse... Sur le bas et le moyen Yangtse, développer
notre commerce et notre influence au mem-e titre que les autres puis- .
sances; — profiter de la-base d’opérations privilégiée que nous
fournit l’Indo-Chine pour atteindre le haut Yangtse ; — tel nous
paraît être le programme d’une politique française sage et prévoyante.
»
L’absence de tout bâtiment de guerre français dans les eaux du
Yang-tse pendant les années 1898 et 1899, a produit un effet d’autant
plus déplorable que les consuls Haas et Dautremer avaient réclamé
avec plus d’énergie un stationnaire français à Hankéou. Le voyage
de VAmiral-Chumer leur a donné une satisfaction tardive.
Il ne s’agit plus de savoir s’il doit y avoir pénétration européenne
en Chine : cette pénétration a commencé dès lè moment où les traités
de Nankin (1842-1844), ont ouvert au commerce européen, avec
Amoy, Fou-tcheou et Ning-po, Shanghaï. Les traités de Tien-tsin
(1858-1861-1864) ajoutèrent à ces villes, avec Chefou, trois villes
importantes de la vallée du Yang-tse, Ghin-Kiang, Kiu-Kiang et
Hankéou, auxquelles la convention de Chefou joignit Wuhu etltchang
(1876). En 1899, Nankin a été ouvert définitivement. D’autres
villes importantes du haut fleuve, comme Tchoung-Kmg et Shase,
l’ont été à la suite de la guerre avec le Japon (1895). Il faut, d’ailleurs,
ne pas séparer des « treaty ports », où les Européens ont
le droit de résidence, les ports d’escale, comme Nganking et Ta-tung,
qui ne peuvent tarder à devenir ports a traite. Cela étant, et la concurrence
commerciale entre les nations européennes étant engagée,
la question d’influence et de prééminence politique se pose. I
Or, le Yang-tse, véritable mer intérieure, qui joue le rôle d’une
mer de pénétration, est aujourd’hui, incontestablement, le principal
véhicule des influences européennes. Tout le cours inférieur de ce
fleuve représente la partie la plus peuplée et la mieux do tco de la
Chine. Le mouvement commercial y est considérable. Exportation :
surtout les thés, les soies, l’huile, lé riz, le chanvre, la porcelaine, la
cire, les peaux. — Importation : tissus de coton et de laine, opium,
métaux travaillés. A ces richesses connues s’ajoutent, surtout dans
la région du fleuve supérieur, bien dés richesses latentes ou inexploitées,
comme les mines de mercure, dans le Koeï-tcheou ; de pétrole,
dans le Setchouen. De plus, le haut fleuve touche, d’une part au
Yunnan, voisin du Tonkin français ; de l’autre, à la Birmanie, voisine
de l’Inde anglaise.
Trois points essentiels se détachent sur cet immense bassin : Shanghaï,
Hankéou, Tchoung-King.
Shanghaï, c’est le bas fleuve. Ce n’en est pas le Gibraltar, car