seigne Douguet et l’aspirant Herber. Lui aussi, Herber sera
tué sur le toit de la légation de France, le 29 juin, pendant
un des plus furieux assauts qu’elle ait subis. Qui
pouvait prévoir un avenir si prochain? Nous attendions la
légendaire colonne Seymour.
Cependant, dès le 12,-des communications étaient coupées,
et le quartier des légations, barricadé, gardé à toutes
les issues par des postes armés, prenait sa physionomie de
ville assiégée. On ne pouvait pas dire que les Boxers occupassent
Pékin, mais on les devinait partout, et, bientôt, les
réguliers chinois nous combattirent ouvertement. Leur première
victime fut le baron de Ketteler, ministre d’Allemagne,
assassiné quand il se rendait au Tsong-li-Yamen.
Ce même jour, le 19, le gouvernement chinois nous informa
qu’il considérait comme une déclaration de guerre la prise
des forts de Takou, emportés, la veille, par les amiraux,
et nous somma de partir dans les vingt-quatre heures,
nous offrant, d’ailleurs, une garde pour nous permettre de
gagner Tien-tsin.
Cette garde ne nous rassurant point, il fut décidé que
nous resterions. Dès le 20, les femmes et les enfants sont
conduits à là légation d’Angleterre, plus solide à tous égards
que la nôtre. A l’entrée d’un pont qu’il fallait traverser, les
premières balles sifflent à nos oreilles. Ce sont les hostilités
qui s’ouvrent.
Notre légation a pour défenseurs un peu plus de
400 hommes bien armés, et 350 autres personnes, dont une
centaine de volontaires (1), armés, eux, de façon très inégale.
Je ne compte pas environ 2,000 Chinois chrétiens, réfugies
dans le quartier, et qu’on employa aux travaux de
défense. Laissez-moi vous présenter quelques-uns des volon-
(1) Selon M. Pichon, 409 hommes et 80 volontaires.évalue les forces régulières à 82 hommes, 47 Français , D3a5 nAs ustorinc hJioeunrsn. al, il
taires. Mme et M. Chamot, Suisses d’origine, tenaient à Pékin
l’hôtel européen le mieux. fréquenté. M. Chamot produisait
son effet avec un fusil de chasse à l’extrémité duquel il avait
adapté un gros couteau de cuisine; Mme Chamot, non moins
résolue, ne se dessaisissait pas de sa carabiné.
L ’héroïne, c'était Mme de Rosthorn, femme du ministre
d’Autriche. Le baron de Rosthorn se conduisit, certes, en
homme de coeur, et, le 13 juillet, quand ma maison sauta, il
faillit, avec Picard-Destelan, que vous avez vu à Shanghaï,
rester enseveli sous les décombres. Mais Mme de Rosthorn,
avec une crânerie qui eût donné du coeur aux lâches, allait
jusqu’à prendre part aux entreprises tentées pour détruire
les barricades ennemies, et se faisait un jour serieusement
brûler par les tisons enflammés qui pleuvaient sur elle.
Le pêle-mêle des volontaires étrangers ne manquait pas
de pittoresque. C’étaient M. de Thomann, un gentleman
autrichien, l’un de nos morts; le P. d’Addozio, italien a la
longue barbe blanche; des Belges, agents du chemin de fer,
comme plusieurs Français, Bouillard, ingénieur; Greintjens,
interprète. Greintjens. fut tué d’un coup reçu à la gorge;
tués aussi le Français Wagner, agent des douanes, le
capitaine d’artillerie Labrousse, celui-ci victime de la plus
étrange destinée. Il était arrivé à Pékin la veille du jour où
Pékin cessa de communiquer avec le dehors; avec son ami,
le vicomte de Cholet, il se proposait de gagner la Sibérie,
et peut-être, à travers la Sibérie, l’Europe. C’est le 12 août
qu’il fut tué : le 14, il eût fêté avec nous l’a'rrivée des libérateurs
! Son compagnon, M. de Cholet, ne fut que blesse.
Dans ce petit groupe français, je n’oublierai pas deux
savants qui surent être des soldats, M. de Giéter, professeur
à l’Université chinoise, qui reçut une balle a la nuque, et le
jeune Pelliot, ancien élève de l’Ecole des Langues orien