Shanghaï est situé à quelques lieues dans les terres, sur un affluent
médiocrement important du Yang-tse, et c’est pour cette raison que
les Anglais ont désiré posséder Kiang-yn, position fortifiée, au-dessous
de Chin-Kiang ; mais la Chine ne veut livrer à aucune puissance
étrangère cette clef du Yang-tse, et Kiang-yn n’est encore
qu’une station de passagers. En revanche, si à Shanghaï l’influence
anglaise est chaque jour plus fortement contrebalancée par les progrès
des nations rivales, la France ne peut qu’espérer y améliorer une
situation de second plan, déjà meilleure.
Hankéou, c’est le point central, à la limite du fleuve inférieur et
du haut fleuve. Là, bien que, commercialement, les Russes et les
Allemands aient pris le pas sur nous, nous sommes en très bonne
posture, en meilleure posture même, on l’a vu, que les Anglais.
Tchoung-King, c’est le haut fleuve ouvert, par le Yunnan et le
Tonkin, à l’influence française.
L’avenir est moins à Shanghaï qu’à Hankéou, où les Russes et les
Français, unis, peuvent faire la loi, et à Tchoung-King, où notre
empire indo-chinois peut, si nous savons utiliser sa situation et ses
ressources, nous assurer la prééminence.
Lentement, les Français l’ont compris. En même temps que leurs
explorateurs, avec une ténacité digne de leurs rivaux anglais, arrachent,
chaque année, un de ses secrets au haut fleuve, leurs missionnaires
de commerce, leurs ingénieurs, leurs administrateurs, étudient
les ressources du sol et du sous-sol dans les pays, montagneux d’ordinaire,
que le haut fleuve arrose, et se préparent à jeter une ligne de
chemin de fer, toute française, à travers le Yunnan, du Tonkin au
Yang-tse. Enfin, l’on annonce qu’aux compagnies de navigation fluviale
(anglaises, chinoises, japonaises), la maison Racine-Ackermann,
de Shanghaï, va en ajouter une, française comme elle, qui, par paquebots
jusqu’à Hankéou, par plus petits vapeurs jusqu’à Itchang,
montrera le pavillon français à l’entrée de la région des rapides.