type même de ces villes chinoises qui nous montrent nettement
toutes les circonstances de leur origine et de leur développement.
Comme toutes les villes assises dans la vallée du
bas Yang-tse, Wuhu n’a qu’une raison d’être, c’est le fleuve
qui traverse l’Empire du Milieu dans sa plus grande largeur,
et le commerce que le fleuve facilite.
Wuhu est à la porte de la vallée moyenne. L ’influence
des crues et des courants rend en amont de ce point la
navigation plus difficile que dans la partie inférieure du
cours, où le Yang-tse, coulant librement dans une plaine
sans limites, s’il y rencontre quelques obstacles naturels,
n’y trouve qu’un prétexte à allonger sa route. L ’étape de
Wuhu est donc obligatoire pour les grosses jonques du
cours inférieur. Ici commence le règne des jonques à fond
plat, de dimensions plus réduites, partant plus maniables,
et l’on voit changer le type de la marine fluviale. Ici, bien
des marchandises transbordent obligatoirement : c’est un
entrepôt.
La topographie n’est pas moins favorable au développement
d’une ville. De grands arroyos se jettent là dans le
Yang-tse, et forment des ports naturels pour cette flottille
de jonques, l’âme de tous les transports en Chine, où
presque toutes les communications se font par eau. Sur le
bord même de ces arroyos, des collines s’élèvent, rapidement
assez hautes pour mettre leurs habitants à l’abri des crues
du fleuve. Comment s’étonner dès lors que la ville se soit
bâtie en bordure des arroyos où se concentre tout le mouvement
commercial? Elle y trouvait une situation commode,
à la fois, pour le négoce et sûre pour les hommes comme
pour les marchandises.
Wuhu est en pleine période de croissance. On voit, en
débarquant sur la berge du fleuve, dans la laisse de terrain
que l’inondation recouvre chaque année, les huttes des émigrants,
attirés par le mouvement, par les chances de gain que
leur offre ce noeud de navigation ente les arroyos et le
fleuve. Ces huttes sont tout ce qu’il y a de plus rudimentairé;
les roseaux font tous les frais de l’édiflce; c’est un logis à la
portée de tous, quelque miséreux qu'ils soient, logis que
l’inondation se chargera — fort utilement —- d’assainir de
temps à autre L ’habitant de cette demeure primitive n’a pas
besoin d’un long bail : malgré le mépris qu’en bon Chinois il
doit avoir pour toute sorte de confortable, il lui sera facile,
quel que soit le métier qu’il exerce, de changer avantageusement
de maison.
Il trouvera aisément, dès qu’il aura mis de côté quelque
argent, en dehors des limites atteintes par les plus hautes
eaux, une petite échoppe, une pièce de quelques mètres carrés,
qui lui suffira pour exercer son industrie et loger sa
famille, si nombreuse qu’elle soit. C’est le deuxième échelon
de la vie du coolie chinois; cette maison aura pour tout mobilier
quelques planches et quelques escabeaux. Le travail
aidant, notre homme a réussi à constituer une petite boutique.
Avec la patience qui caractérise sa race, il va étendre
ses moyens, il devient commerçant en titre ou petit patron
employant quelques ouvriers, le plus souvent ses parents.
Alors il rentre dans la catégorie, la plus générale, des gens
des villes.
C’est indéfiniment, par les longues rues interminables,
que nous voyons se développer la ville chinoise avec ses
boutiques qui se ressemblent toutes entre elles dans chaque
corps de métier. Les kilomètres succèdent aux kilomètres;
les rues, dont la principale a plus d’une lieue, suivent les
mouvements tortueux de l’arroyo, et le promeneur se lasse
avant d’avoir épuisé la série des enseignes aux signes cabalistiques
qui vantent au passant les mérites du commerçant,
la maestria de l’artisan. Sur l’arroyo se continue la