taies, élève de l’Ecole d’Extrême-Orient, qui, le 12 juillet,
enleva aux Chinois un de ces drapeaux fantastiques dont
ils aiment a faire un étalagé inoffensif. Ce Pelliot ne doutait
de rien : quelques jours après, son absence prolongée
pendant une demi-journée entière nous jetait dans une mortelle
inquiétude : il était allé voir un peu les mandarins,
qui n osèrent pas, sans doute, le retenir, et on le vit revenir
content de sa petite promenade.
Je ne vous raconterai pas par le menu les incidents du
siège. Votre compatriote breton, le lieutenant de vaisseau
Darcy, en a écrit le récit détaillé. Il y eut, d’ailleurs, quelque
monotonie dans les attaques, qui se succédèrent jour et nuit,
presque à heure fixe : le matin, à l’aube; puis, vers midi, vers
sept heures du soir, vers minuit. Avec quels sentiments nous
conduisîmes nos premiers morts au petit cimetière improvisé
ou ils devaient dormir, s’ils n’en étaient pas arrachés par la
férocité des Chinois vainqueurs ! Près d’eux, nous marquions
en esprit notre place. Avec quelles angoisses nous voyions
décroître notre réserve de provisions! Très vite, les rares
boeufs et moutons réservés pour les femmes et les enfants
furent consommés, et le cheval devint jusqu’à la fin notre
nourriture presque exclusive, avec quelques pommes de terre
et un peu de riz moisi. Après les cinquante-quatre jours de
siege régulier, il ne nous restait plus que cinq ou six chevaux.
L ’eau ne manqua pas, du moins..., l’eau de pluie, car,
trois fois, à des moments critiques, une pluie torrentielle'
refroidit l’ardeur de nos ennemis.
Sur le fond du drame quelques épisodes se détacheraient.
Le 13 juillet surtout, veille de notre fête nationale, nous fut
pénible. Ce jour-là, impétueuse attaque sur toute la ligne.
C’est qu’à Tien-Tsin se livraient des combats acharnés; nous
en recevions le contre-coup. Le soir, à sept heures, une mine
creusee sous la chambre à coucher de ma maison fit explosion,
et là maison entière, qui était un des postes avancés
du quartier, sauta, ensevelissant deux marins sous ses
décombres. Dans la journée même, j ’avais causé avec ces
braves gens.
Profitant du désarroi où cette explosion nous a jetés,
les Chinois s’avancent, incendient les ruines, d’où le feu
se communique à trois autres maisons déjà en partie détruites
par le bombardement des jours précédents. ;Plus rien
ne reste de ces maisons ni du parc qui les entourait, ni des
appartements particuliers de M. Pichon. Quelle nuit! Nos
marins, pour garder une ligne de défense possible, durent
abandonner la moitié du sol de la légation et notamment le
petit cimetière où sont ensevelies les premières victimes françaises.
Eh bien, la fête du 14 juillet n’en a pas moins été
célébrée à Pékin. Seulement, il n’y avait pas d’illuminations.
Et puis, de temps à autre, la comédie tempérait le drame :
elle a toujours sa part en Chine. Certes, nos Chinois, vraiment
« emballés », s’occupaient alors assez peu de perdre
ou de sauver la face. Dès le début du siège, leurs obus
avaient mis le feu à la magnifique bibliothèque de cette
académie des Han-lin, dont ils sont si fiers. Mais le naturel
de la race, à travers tout, reparaissait. Après le gigantesque
effort des 13 et 14 juillet, une accalmie se produisit, à notre
grand étonnement, et nous en profitâmes pour améliorer nos
moyens de défense, surtout les barricades et les contre-
mines. C’est que, le 14 juillet, les Français et les Japonais
venaient d’enlever la cité chinoise de Tien-Tsin. Le gouvernement
chinois avait pris peur. Aussi, du 16 au 27 juillet, l’im-
peratrice fait prendre de nos nouvelles, nous fait parvenir,
avec une amabilité touchante, pastèques, melons, pêches, aubergines,
concombres, sans oublier les cornichons, enfin de
quoi faire le plus substantiel repas du monde. Et, toujours,
l’amicale proposition de nous expédier sur Tien-Tsin; et