toujours notre détermination étrangement obstinée de nous
confiner dans ces ruines où sifflent les balles.
Et voici que de violents combats se livrent à nouveau, au
nord de Tien-Tsin, où les armées chinoises se sont reformées,
et que le gouvernement chinois reprend l’espoir de vaincre
les troupes alliées. Les assauts recommencent de plus belle.
Admirable d’impudence, King nous demande des « explications
» : c’est nous qui avons commencé! De notre côté,
cependant, on attendait avec une si ferme confiance la
colonne libératrice, que, dès les premiers jours de juillet, on
avait vu les projections électriques, entendu les coups de
canon qui signalaient cette prétendue marche en avant. Et,
vingt jours après, on apprenait que la marche n’était même
pas commencée.
Pendant le premier mois de siège, aucune communication
avec le dehors, pas même avec la mission du Peï-tang, située
de l’autre côté du palais impérial. C’est seulement après l’armistice
que, sur une dizaine de courriers envoyés avec mille
précautions et à prix d’or, nous avons eu deux ou trois
courtes réponses nous apprenant qu’enfin l’on songe à nous.
Alors King lui-même se fait aimable, et nous promet de
nous approvisionner, pourvu que nous consentions à cesser le
feu contre ces pauvres impériaux ou Boxers pour qui nous
sommes si durs, Et, le soir même du jour où il se fond en
tendresses, l’assaut se renouvelle, plus furieux que jamais.
Bons comédiens, ces Chinois! quelquefois aussi, mais plus
rarement, bons tragédiens!
Le dénouement était proche, et pas n’était besoin que le
général Gasselee nous écrivît : « Haut les coeurs ! » On
entendait au loin le canon. Le 14 au matin, du haut de la
muraille, que les Chinois n’essayaient même plus de nous
interdire, on voyait s’étendre et se rapprocher la fumée de la
fusillade. A deux heures de l’après-midi, ce qu'on entend, ce
n’est plus le canon, c’est le clairon. Les rues étaient libres,
nos agresseurs ayant mis autant de furie dans la fuite que
dans l’attaque. Quelle joie de nous évader hors de l’enceinte
étroite de nos ruines ! Hélas ! nous ne devions trouver autour
de nous dans Pékin, et pendant plusieurs mois encore, que
des maisons incendiées ou pillées, des rues empestees de
cadavres.
Mais quelle joie surtout d’accueillir, le 15 août au matin,
les troupes françaises entrant dans Pékin (1)! Avec elles,
nous allons, le 16, délivrer la.mission du Pei-tang. Notre
plus douce vengeance fut, quelques jours après, de traverser
le Palais d’hiver avec cinq à six mille hommes de troupes
internationales, musique et drapeaux en tête, par un soleil
qui faisait resplendir les lacs du palais de l’impératrice, couverts
de nénuphars en pleine floraison.
Epilogue ï— comme on dit dans les romans. Le 14. juillet
1901, anniversaire de la délivrance, au jour meme ou nous
sommes, on vit une chose assez nouvelle. Le chemin de fer
de Pékin a Pao-ting-fou vint aboutir, par l’ouest, tout près
des légations, plaçant les Chinois devant cette situation du
fait accompli qui a seule quelque valeur a leurs yeux. Pour
l’y faire aboutir, il fallait traverser la muraille qui enclôt la
ville tartare, et cette enceinte immense a plus de dix mètres
de'hauteur sur une quinzaine de largeur. Le génie avait
résolu d’y pratiquer une brèche à la mélinite (charge de
100 kilogr.). Invités par M. Bouillard, ingénieur en chef de
la ligne, M, et Mmo Pichon, M. et Mme d’Anthouard, de
(1) V o i r l'Entrée des alliés à Pékin, p a r le g é n é r a l F r e t , Revue des Deux-
Mondes, 1er ja n v ie r 1904.' S u r P é k in , c o n s u l te r , a v e c le s l i r ç e s c ité s a la Bibliographie, i>e R o c h e c h o u a r t (ch. v , P é k in e t se s e n v iro n s ) ; M a r c e l M o i^
n i e e (ire p a r t ., ch . i er, Sur la route de Pékin. L a capitale d vol d oiseau/.
A c h . POXJSSIELGXJE t c h . v à VIII) e t JAMEIEL (3® e t 4e p a r t .) , Dr B r e t s c h n e id e e , Recherches archéologiques et historiques sur P ékin et ses environs, t r a d .
C o ll in d e P l a n c y , P a r i s , L e r o u x , 1879, g r . in -8° d e 13j p . ; M a u r ic e P a l é o -
l o g u e "et le c om te d'URSEL, a r t . d e l a R e « u e d c s Deuæ-Aiondes l . , _févriLr
e t 15 n o v em b r e 1886, 1er a v r i l 1889; B o n in , De P ékin a la Mer h o ltc
travers l'Asie (G é o g r ., t . X X I I I , 1901 : p . 284-302).