Cette fois, c’est le maréchal de Waldersee qui passe :
j ’ai assisté vendredi à son arrivée, non sans quelques distractions,
car j ’avais peine à trouver trois cents poêles à charbon
qu’il fallait expédier à Takou. Il a débarqué sur la concession
française, où est le débarcadère de la société allemande
de navigation. Une compagnie d’infanterie de marine
rendait les honneurs : elle occupait fout le terrain jusqu’au
pont qui sépare la concession française de la concession
internationale. Après, venaient les troupes allemandes avec
leurs tambours et leurs fifres, les volontaires allemands ;
enfin, les Hindous, aux rouges habits d’opéra-comique. Le
temps était superbe, et il y avait grande affluence de curieux
Chinois.
Le lendemain matin, toute la garnison a été passée en
revue au champ de courses. Nos marsouins ont bien défilé,
quoiqu’un peu mollement, ce qui n’est pas habituel. Il est
vrai que ceux-ci arrivent du Tonkin, et ont déjà un long
séjour colonial, souvent dans des postes où la discipline
se relâche. L ’artillerie, avec ses grosses mules, a fait bon
effet : nous sommes les seuls qui ayons ici dé l’artillerie.
Voici l’ordre de marche : Allemands, Français, volontaires,
Anglais à la queue, parce qu’ils n’ont pas de troupes blanches.
Ils étaient un peu vexés, les Anglais, mais ils se
rattrapaient en acclamant leurs Hindous. Que s’est-il passé
à cette revue? Depuis, les officiers Allemands ont défendu
à leurs hommes de frayer avec les Anglais. Tous les soirs,
en revanche, une trentaine d’Allemands dînent avec nos
marsouins, dont ils admirent le robuste appétit : ils paraissent
préférer notre cuisine à la leur.
Bons soldats, ces Allemands; leurs maniements d’armes
font battre mon coeur d’ancien pousse-cailloux, et nos pauvres
marsouins, sous ce rapport, ne sont pas à la hauteur.
Mais leur fameux pas de parade est plutôt ridicule, comme
les gestes démesurés et cadencés de leur tambour-major.
Quelques Chinois né se gênaient pas pour en rire; mais
l’impression générale peinte sur leurs visages, cest le na-
vrement. Nous finirons par leur apprendre le patriotisme.
Ils se consolent en faisant circuler sous le manteau des
espèces d’images d’Epinal qui annoncent et décrivent la
grrrande défaite des Européens, préparée — trait caractéristique
de la race — par les a ruses » du général chinois,
explosions de mines, embuscades, surprises.