mier étage, le temps de laisser un peu rafraîchir les bouteilles
(car nous avions apporté de la glace), et nous déjeunons
de bon appétit devant un beau panorama, les dépendances
du palais ne s’étendant pas sur moins de trois kilomètres.
A quelques pas de nous, les officiers italiens, dans
leur mess, faisaient un bruit épouvantable. Nous ne les
imitons pas : on ne crie pas beaucoup quand on mange
ferme. Attirés peut-être par notre discrétion, un évêque
français et quelques prêtres italiens nous font une visite,
discrète aussi : nous les recevons courtoisement, mais sans
nous laisser distraire de notre travail, ni de notre contemplation.
On ne déjeune pas tous les matins dans la
jonque de marbre du palais d’été.
Il faut distinguer entre, l’ancien palais d’été et le palais
actuel. Ce qu’on appelle, à tort, d’ailleurs, paraît-il, l’ancien
palais, est un endroit solitaire, où nous ayons erré au
sortir de la jonque : quelques ruines éparses autour d’un lac,
des sentiers à peine tracés au sein d’une végétation luxuriante,
voilà tout ce qui subsiste. C’est sauvage, et c’est
charmant. Le palais d’été actuel, ou plutôt le chapelet
de palais dont il se compose, est sur le flanc d’une colline
tout artificielle, travail d’Hercule, fait avec la terre
retirée du lac que voilent les lotus, au pied du palais; nous y
sommes montés, , tout doucement, par derrière, ce qui nous a
permis de descendre ensuite les quelques centaines de marches
qui conduisent, à travers une suite de bâtiments, du lac
au sommet de la colline.
Je comprends que les Italiens s’efforcent d’en écarter les
visiteurs! Tout a été détruit, saccagé ou enlevé : c’est honteux.
Le bouddha en bronze du palais supérieur a été dynamité,
et gît tristement séparé de son socle, un bouddha
d’au moins huit mètres de haut ! Presque tous les antres
socles sont veufs des statues ou images en bronze qu’ils soutenaient.
Quelques vases, trop lourds pour être emportés,
sont demeurés en place; mais on leur a cassé les anses. Les
tentures ont disparu; les glaces sont étoilées de coups de
fusil. Quand je suis sorti de là, je n’étais pas très fier
d’être Européen. Ç’a été un vrai soulagement que d’arriver
en bas, dans les jardins restés intacts et traversés par
les longues galeries couvertes où l’empereur passe sans
être vu. C’est parfois Trianon, un Trianon qui aurait de
la grandeur. Il n’est pas aisé de trouver chez nous* l’équivalent
de cette grandeur unie à cette grâce que l’art chinois a
réalisée.
Nous avons quitté trop tard le palais d’été, et nous
avons fait le voyage de retour trop lentement, à cause d’un
cheval déferré, pour avoir le temps de visiter le Peitang.
De loin seulement, nous avons entrevu la cathédrale et le
mur extérieur criblé de trous d’obus.
Il faut souvent marcher à la file indienne, à cause de
la boue épaisse qui rend impraticable «le milieu de la route.
Comme nous suivions ainsi une petite rivière, mon cheval,
petit et tranquille, a glissé des pieds de derrière en se retenant
par les pieds de devant à la rive. Jusqu’alors, il avait
été mon guide et mon appui (1) : cette fois, c’est moi qui
l’ai tiré de ce mauvais pas.
Désirant voir.de plus près Tien-Tsin, je décide de repartir
le lendemain dimanche. Au train, je retrouve le docteur,
et nous descendons dans un hôtel on ne peut plus moderne,
dont le seul inconvénient est de coûter 9 piastres par jour,
soit 24 francs, un peu çher pour nos modiques ressources.
C’est pour cela peut-être que cette ville commerçante de
(1) « Une complète rusticité et une grande résistance à sont les deux qualités qui distinguent la plupart des chelvaa ufxa timguoen,g otelsl.l es»
d e C o n t e n s o n , Chine et Extrême-Orient, X I I .)