Il n’est bruit que des pillages de Pékin. Heureux Shanghaï
! Ce sont, ici, les Chinois qui nous pillent.
Nous avons pourtant reçu, cet après-midi (30 décembre),
les Chinois catholiques et millionnaires (deux qualités rarement
unies en Chine) qui nous avaient reçus nous-mêmes
l’autre jour. Même, deux a dames » chinoises les accompagnaient.
Pour qui connaît les usages du pays, c’est un
fait extraordinaire. Non seulement il est contraire ici aux
idées et aux moeurs traditionnelles qu’un Chinois mène sa
femme chez des Européens; mais, à domicile, il s’abstient
même de la présenter au visiteur (1). Il y avait aussi toute
une nichée de petits Chinois joufflus, couverts de robes ouatées
: ces jeunes convives ont fait le plus grand honneur
à nos palmers et à nos petits-beurres. Tous ont paru charmés
de notre accueil, et flattés surtout, au départ, de voir leur
jonque, remorquée par notre canot à vapeur, passer devant
les bâtiments de guerre mouillés en amont.
L ’affaire de l’affrété le Wenchow, qui me préoccupe fort,
ne m’empêche pas de rêver à Nankin, au tombeau des Ming,
aux bêtes qui le gardent (sur une photographie que je rapporte
on me voit orgueilleusement campé sur le cou d’une
gigantesque tortue de pierre), à notre vieil ami le vice-roi.
Voici une autre photographie qui représente une porte du
palais vice-royal : par cette porte, les « soldats » chinois,
après une réception et représentation officielles, rentrent chez
eux... et dans la vie civile jusqu’à la première parade.
(1) En nous envoyant la photographie où l’auteur est de ces familles chinoises« le lieutenant dé vaisseau Evinr epajroéuseten té: «e nI lf aecset cdee rgtauienr rqeu qe ujiu asqitu j’àa mnaoitsr ee ud édpeasr tf edme mCehsi nceh,i nnooiuses sa àv obnosr dé.t é» le seul bâtiment
IX
LE JAPON ET HONG-KONG
ON REPART POUR LE YANG-TSE
Je suis Japonais depuis avant-hier soir, 10 février; mais
j ’ai payé cette naturalisation par une journée de fort roulis
et de tangage, qui avait mis par terre toute la domesticité
chinoise et annamite. Me voici dans l’île volcanique de
Kiou-siou, aux côtes étrangement découpées, et dans la
pointe de cette île la plus rapprochée de la Chine, ou plutôt
de la Corée; c’est, sans doute, à cette position extrême que
Nagasaki (la ville du Cap long) doit son surnom de « Brest
du Japon », qu’on ne nous a pas laisse ignorer.
Beau voyage, arrivée plus belle encore. La mer est très
bleue, ce qui nous change de l’eau jaunâtre du Yang-tse; les
collines sont très vertes. On sent le climat doux à souhait;
on devine le charme du pays; mais, le cul-de-sac ou nous
sommes, entre beaucoup d’autres bâtiments de guerre, est
assez éloigné de Nagasaki, dont on aperçoit seulement les
faubourgs, au fond d’une sorte de fiord encadré par des
hauteurs que couronnent des pins et semé d’îlots aux formes
bizarres. On assure que c’est le port le mieux abrite du Japon,
et l’on doit avoir raison, car, par moments, on se croirait
en promenade paisible sur un lac de Suisse, avec cette