point extrême, sinon pour les canonnières, du moins pour
les cuirassés.
L ’importance de cette mission confiée à 1 'Amiral-Charner
fut encore accrue par l’obligation où il se trouva, d’un côté,
d’administrer les troupes, au fur et à mesure qu’elles débarquaient;
et, de l’autre, de faire parvenir au corps expéditionnaire
du Petchili et aux navires de l’escadre française
un matériel considérable qu’on pouvait se procurer
seulement à Shanghaï. Cette lourde tâche incomba surtout
au commissaire de 2* classe Félix Hémon, officier d’administration
du Charner. Il eut à faire face à ces services multiples,
qui s’ajoutèrent à son service du bâtiment, et il s’y
consacra tout entier, avec une ardeur, une intelligence, un
dévouement tels que l’on put subvenir à tous les besoins,
satisfaire à toutes les exigences. Par malheur, ce labeur
incessant, sous un climat débilitant et dans un pays malsain,
ruina la santé de ce jeune officier; peu de temps après
notre retour en France, il succomba à l’hôpital maritime de
Brest (20 avril 1902), à 27 ans, laissant à ses anciens chefs
et camarades le souvenir le plus inaltérable et l’exemple
du sentiment du devoir le plus haut placé.
Tous l’aimaient pour sa droiture, pour sa simplicité et sa
bonté. Les nombreux fournisseurs chinois qui passaient par
son intermédiaire des marchés importants avec l’Etat, apprirent
à connaître, avec sa courtoisie, son intégrité délicate.
L ’un d’eux s’avisa un jour, quand le Charner quittait
Shanghaï, de lui envoyer, avec ses souhaits de bon voyage,
une caisse de friandises. Notre ami regarda cet envoi comme
un affront personnel. Nous réussîmes à calmer son indignation,
mais non à l’empêcher de retourner le malencontreux
envoi au négociant, dont la surprise dut être profonde.
A la gare de Brest, en face de cette rade d’où le Charner.
était parti, moins de deux ans auparavant, pour faire route
vers l’Extrême-Orient, M. Lorenchet de Montjamont, commissaire
général de la Marine, dit ce que valait ce jeune officier,
plein d’avenir et de vie, coeur et intelligence d’élite,
qui avait su « se montrer à la hauteur d’une tâche particulièrement
délicate, chargé qu’il fut, à Shanghaï, d’assurer le
ravitaillement de toute l’escadre de Chine ».
En le donnant à la France, ses parents n'ignoraient pas
quel sacrifice elle pouvait un jour exiger d’eux et que, lorsqu’elle
l’exige, c’est à peine si l’on a le droit de se plaindre.
Ils ont voulu que ce livre, loin d’être un cri de désespoir, fût
une déclaration de foi patriotique et d’immortelle espérance.
Leur dernier bonheur serait qu’il contribuât à relever quelque
courage ou à susciter quelque dévouement. Ce souhait sera
exaucé. Elles ne peuvent être que réconfortantes dans leur
gaieté, ces pages où un petit Français a laissé un peu de
son âme.