fonctionnaires, des hommes du peuple. Il étudie son influence et
ses conséquences dans la pratique ; il en règle minutieusement les
m anif estations.
Il y a, oertes, beaucoup dei « forme » dans ces manifestations extérieures
des sentiments dq famille, mais il est certain qu’une sorte de
religion de la famille se maintient encore dans toute la Chine (voir
Dabry de T h iersan t, La Piété filiale en Chine, Paris, Leroux, 1877,
in-16) ; que, du père, elle remonte aux ancêtres, ou descend au frère
aîné. Dans chaque maison, une salle est consacrée aux esprits des
ancêtres, et la famille s’y réunit dans les occasions importantes. Ce
culte des ancêtres, c’est-à-dire du passé toujours vivant, est bien celui
qui convient à un peuple si attaché à la tradition; mais il a sa grandeur.
Les Chinois remarquent, avec un étonnement où il y a du
mépris, que ce culte est/ inconnu des Européens.
Dans la famille ainsi constituée sous la forte autorité d’un chef
qui, lui-même, est lié par l’autorité des traditions ancestrales, quelle
peut être la situation faite à la femme?
Les Chinois eux-mêmes sont en désaccord sur ce point. Tcheng-Ki-
tong assure qu’elle a le droit de vendre ou d’acheter, d’aliéner les
biens en communauté, de marier ses enfants en leur donnant telle dot
qn’il lui plaît. Ly-Chao-Pee, dans une conférence faite à Chartres le
6 juin 1878 sur la Condition de la femme en Chine (Chartres, Gar-
nier, 1878, in-8°), montre au contraire, que dès l’âge de 7 ans, les
filles reçoivent de leur mère une éducation distincte, tout artistique
et superficielle, qu’elles se marient à partir de 12 ans, restent pupilles
toute leur vie et ne s’occupent pas de commerce. H est vrai que le
divorce ne leur est pas interdit.
« La vérité, dit Eùg. Simon (La Cité chinoise, l re partie. La famille;
libr. de la Nouvelle revue, 1885, in-18) et que, sans être aussi
apparente qu’en Europe, la place de la femme chinoise dans la civilisation
est au moins aussi considérable. La femme, c’est la maison,
en Chine comme dans tous les pays civilisés, et peut-être plus réellement
qu’ailleurs; c’est elle qui, par le mariage, rend l’homme citoyen
et lui donne toute sa valeur. » Mais il ne faut pas oublier
qu’on la marie sans consulter son goût personnel; que, femme, elle'
est sous l’autorité de sa belle-mère, et que son autorité vient surtout
des enfants mâles qu’elle donne à la famille. « La femme est
comme la racine de la famille; elle en devient la reine lorsqu’elle a
poussé un ou plusieurs rejetons. » (Paul A ntonini, Les Chinois peints
par un Français, Ollendorff, 1886, in-18.) Son rôle extérieur est
bien discret : « La femme la mieux louée, dit un proverbe chinois,
est celle dont on ne parle pas. » E t le sort des filles pauvres, qui ne
trouvent pas à se marier est lamentable. M. Maurice Courant (En
Chine, ch. n) remarque qu’il n’ÿ a pas en Chine d’écoles publiques
pour les filles, dont l’éducation familiale s’arrête vers 10 ou 12 ans.
Une femme chinoise célèbre, Pan-Hoei-pan, auteur d’ouvrages
historiques, poétiques et scientifiques, a composé le Niu-Kiétsi-pieu
ou les Sept Articles des devoirs de la femme : « L’état d’une femme
étant un état de faiblesse et d’abjection, elle doit se tenir humblement
dans cet état que lui assigne la nature, avoir un respect sans
bornes pour son mari, se rendre aimable à lui par sa vertu, son mo1
deste savoir, non seulement lui obéir, mais obéir à toute la famille de
soEn nm taoriu. t »cas, les devoirs de la femme paraissent être plus clairs et
plus nombreux que ses droits. Mais elle aime ses enfants. Beaucoup
de choses contradictoires ont été dites sur la manière dont les
enfants sont traités en Chine. « Pour ce qui est des enfants masculins,
dit Bard, jamais on ne les abandonne, puisque le but de l’existence
des Chinois est d’avoir des fils pour leur rendre les honneurs
funèbres. Les filles sont rarement abandonnées, à moins d’impossibilité
absolue de les nourrir, et bien souvent, dans ces cas-là, elles
sont vendues pour suppléer à l’infériorité numérique des femmes dans
certaines provinces. » « Il n’y a pas de peuple au monde où les pères
se montrent plus caressants et plus doux à l’égard de leurs enfants. »
(De Lanessan.) Cependant, au temps de Marco Polo, l’E tat devait
recueillir 20,000 enfants abandonnés, chaque année, par leurs parents
trop pauvres pour les nourrir. Aujourd’hui encore, d’une part, les
expositions de petits cadavres sont fréquentes ; d’autre part, les expositions
d’enfants vivants, surtout de filles, devant les hospices ou
ailleurs, ne sont pas rares.
Quant aux infanticides proprement dits, on en a beaucoup exagere
le nombre. Tout ce qu’on peut dire, avec Léon Rousset, s’appuyant
sur Medhurst ( The foreigner in far Cathay), c’est que la Chine, vu
le chiffre énorme de sa population, pourrait soutenir, sur ce point,
sans désavantage, la comparaison avec la plupart des pays de l’Europe.
W. Milne (La Vie réelle en Chiner trad. Tasset, 2e édit., H achette)
1860 (1859), in-12, ch. m ) l’avait déjà affirmé. Mais il faut
noter surtout deux témoignages, celui des missionnaires de Pékin au
xviii0 siècle (Mémoires, t. V, 1780) et du P. Hue (L’Empire Chinois,
Gaume, 1857, t. II, ch. ix). Les missionnaires se refusent à rendre
la nation tout entière responsable des crimes de quelques-uns, crimes
déterminés le plus souvent par la misère, et peu nombreux proportionnellement
à la population. « Pendant plus de dix ans, dit le
P. Hue, nous avons parcouru l’empire chinois dans presque toutes ses
provinces, et nous devons déclarer, pour rendre hommage à la vérité,
que nous n’avons jamais aperçu un seul cadavre d’enfant. »
Le même missionnaire rend hommage aux qualités sociables des
Chinois : « Les Chinois bien élevés sont réellement aimables, et leur
société n’est pas dépourvue de charmes. Leur politesse n’est pas fatigante
et ennuyeuse comme on pourrait se l’imaginer : elle a quelque
chose d’exquis, de naturel même, et elle ne tombe dans l’afféterie que
chez ceux qui ont la prétention de faire les élégants, sans avoir les
usages du grand monde. » Cette politesse peut verser dans l’exces,
mais est délicate dans son principe. Désireux de ne pas importuner