pérés, tandis qu’au sud des montagnes qui bordent la rive droite
du Yang-tsç, commencent la faune et la flore tropicales. Enfin,
comme voie de pénétration au coeur des régions les plus riches et les
plus peuplées de 1a. Chine, le Yang-tse reste sans rival.
Le principal trait d’union naturel entre les deux grandes artères
fluviales de la Chine est la vallée du Han, la plaine d’Albalec Mangi,
de Marco Polo, prise entre le Tsing-ling et le Ta-fa-chan. C’est par
sa position à l’embouchure du Han dans le Yang-tse que Hankéou est
à la veille de devenir le vrai centre commercial de la Chine.
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CRUES ET INONDATIONS — COURANT ET RAPIDES
Moins changeant et destructeur que le Hoang-Ho, le Yang-tse
n’en a pas moins aussi ses caprices et ses colères. Une lettre qu’a
bien voulu nous adresser, de Chin-Kiang (28 janvier 1903) le P. Chevalier,
supérieur de la mission française, donne comme un sommaire
de ce qui peut être écrit à ce sujet.
« C’est toujours ce beau fleuve majestueux, aux îles nombreuses,
aux eaux si rapides, surtout de juillet à septembre, époque de ses
grandes crues ; perfide aussi par ses bas-fonds de sables mouvants qui
constamment se déplacent et sont un véritable danger pour la navigation.
Les coups de vent y sont terribles, et malheur alors aux
barques, aux jonques du plus fort tonnage, qui n’ont pu trouver à
temps un abri contre la tempête. La marée se fait sentir dans le
fleuve jusqu’à Ta-tong, port d’escale dans la province du Ngan-hoëi,
à 540 kilomètres de là mer. J ’ai parlé des crues : oelle de la saison
d’été est considérable. Ici, à Chin-Kiang, elle est de 4 à 5 mètres ; à
Wuhu, de 7 à 8 mètres ; à Kiu-Kiang, de 12 à 13 ; à Hankéou, de 9 à
15, et à Itchang, de 15 à 18. Ces crues sont assez régulières et sont
surtout causées par la fonte des neiges des montagnes du Tibet.
Mais si, par malheur, les pluies de juin sont diluviennes, comme cela
est arrivé en 1901, alors c’est l’inondation avec ses désastres. J ’eus
l’occasion, à la fin de cette même année, de remonter le fleuve sur
le Chasseloup-Lcmbat, jusqu’à Wuhu. Le spectacle était lamentable.
Toutes les digues ayant cédé, les eaux avaient envahi une étendue
immense de pays, entraînant dans leur courant rapide débris de
maisons, cadavres d’hommes et d’animaux, cercueils enlevés de leurs
tombes. Au dire des vieillards, rien de semblable ne s’était vu
depuis soixante à soixante-dix ans. Les récoltes, celle du blé, déjà
emmagasinée, et celle de l’orge, encore sur pied, étaient perdues. Les
victimes se comptaient par milliers, surtout dans la province du
Kiang-si : fuyant le débordement dés eaux, ces malheureux paysans
étaient arrêtés, puis emportés par les torrents qui se précipitaient
des montagnes. Bien difficile fut la navigation durant ces mois de
juillet et d’août, et beaucoup de steamers allèrent s’échouer en pleins
champs de riz : deux y restèrent pendant deux ou trois mois. E t
l’hiver fut rude à ceux qui avaient survécu, malgré les secours en
nature et en argent qui leur furent distribués. Pour ne parler que
de notre préfecture de Chin-Kiang et de ses 4 sous-préfectures, nous
recueillîmes la valeur de 107,000 taëls en argent et 93,100 en nature.
Le taël valant 3 francs à cette époque, c’est plus de 600,000 francs
que nous pûmes nous procurer d’un peu partout pour nourrir les
affamés d’abord,‘puis réparer les digues et acheter les semences. Vous
jugerez, d après cela, qu’entre les belles qualités du Chinois la générosité
n’est pas la moindre. »
Reprenons quelques points de cette lettre pour les préciser.
Orues et inondations. — Les crues périodiques commencent en mai
et atteignent leur maximum en juillet ; en octobre, les eaux commencent
à baisser ; la saison d’hiver est la saison des basses eaux. L’intensité
. de ces crues varie, selon les divers points du bassin, de 8 à
20 métrés. Selon la Mission lyonnaise, ces crues sont fréquemment
de 16 à 24 mètres ; là première a lieu en juin ; la seconde, en août ;
la décroissance des eaux commence en septembre. Aussi les plaines
basses, commme est celle d’Hankeou, ont-elles été souvent inondées,
quelquefois plusieurs années de suite : en 1869, deux inondations successives,
en juin et juillet, puis en septembre, rendirent les rues de
cette ville impraticables autrement qu’en barques : c’est en barque
qu’alors le P . Clerc passait par-dessus les murs du jardin qui entourait
le consulat français. En 1870 et 1872, inondations nouvelles, un
peu moins fortes. On a vu plus haut ce que fut l’inondation de 1901,
qui semble avoir rappelé celle de septembre 1842. De temps immémorial
il en a ete ainsi. On fait remonter à Yu, empereur de la première
dynastie (2,200 ans av. J.-C.) l’établissement de chaussées et de
digues sur toute la longueur du Kiang. Les Ephémérides de Nankin,
après une année de grande sécheresse, où les eaux du Kiang furent
très basses (190 av. J.-C.), mentionnent, dans l’été de 185, un débordement
du fleuve.
Orages. ^ Marée. — Dès 1616, le P. Trigault se montre surtout
effrayé des tempêtes et des naufrages dont ce fleuve est coutumier.
Le P . St. Chevalier, notre contemporain, a publié une étude sur les
typhons du Kiang. M. de Rochechouart nous a laissé une courte description
de la tempete qui l’assaillit à Kiu-Kiang, à son retour du
Poyang (1869) : « C’était comme une véritable grosse mer, et les
navires roulaient comme aux jours où l’on double un cap avec le vent
contraire. » Cette comparaison du Kiang avec la mer est si naturelle
Çju on la retrouve dans toutes les relations. C’est, en effet, une sorte
de mer intérieure, soumise, du reste, à l’action de la marée jusqu’à
540 kilomètres de son embouchure. Le témoignage donné ci-dessus est
précis, mais ne concorde pas avec les assertions de Reclus (360 kilo