taient là-dessus pour faciliter une digestion trop lente! « A
demain! » m’a dit le gros mandarin qui a vu Paris. Nous
sommes très bien ensemble, ce gros barbu et moi. Mais j ’attribue
modestement cette haute amitié aux quelques mots
d’allemand que j ’ai tirés avec effort du fond de ma mémoire.
Laissant le commandant et sa suite reprendre leurs chaises
pour retourner à bord, nous sommes restés à la Mission,
M. Paqué et moi, et nous nous sommes promenés longuement
dans le petit jardin de curé, pendant que le P. Chevalier
lisait son bréviaire et que le soleil se couchait. Avec
plaisir et de bonne heure nous avons fait comme le soleil.
Ma chambre est au fond d’un grand couloir froid et sonore,
où chaque pas résonne lugubrement. Mon lit est très dur,
et fait à la chinoise, c’est-à-dire avec un drap cousu à une
couverture ouatée, dans laquelle on s’enroule; pas moyen de
se « draper ». Auprès du lit il y a une cuvette minuscule,
mais point de savon. Ma foi! sur le Yang-tse comme sur le
Yang-tse! Je dormirai bien tout de même.
LA SORBONNE CHINOISE —* LA CANGUE — LE NAN-MEN
J’ai dormi, et l’on a dû me réveiller à six heures pour la
messe du P. Chevalier, qu’entendent croyants et incroyants.
Ce spectacle vaut qu’on y assiste. Notre hôte officie revêtu
des ornements sacerdotaux du culte catholique, plus ou moins
drapés et parés à la chinoise, mais pas trop différents, enfin,
du costume orthodoxe. Seulement, une longue tresse lui
pend dans le dos, et il est coiffé d’une sorte de cube de soie
noire, brodé d’or, qui est, m’a-t-on dit, l’ancien chapeau de
cérémonie chinois. Nous sommes sur le bas-côté, séparés par
une grille du reste de l’assistance. Les indigènes sont nombreux.
Petits Chinois et petites Chinoises chantent ou plutôt
piaillent à l’envi, en latin, je pense (mais je ne garantis rien),
et sans presque jamais s’interrompre.
Ainsi sanctifiés, nous nous permettons d’aller, à dos d’âne,
visiter une pagode élevée à la mémoire d’un mandarin célèbre
pour son intégrité. « C’est si rare ! » dit ce fumiste de
Zi. Dans l’intérieur de la pagode, nous n’avons pu admirer
que trois beaux brûle-parfums en bronze. Tout autour, sont
groupées des centaines de petites poupées, couvertes de poussière,
sans autre originalité que celle des têtes, bien caractéristiques
de la race. Le Kong-Youen, ,que nous avons parcouru
ensuite, présente un tout autre intérêt.