s’étend non loin de l’hôtel, je l’ai mené à Foochow-road, cette
rue pleine de boutiques chinoises, de maisons de thé à balcons
spacieux, de chaises à porteur, de lanternes dites vénitiennes.
Nous sommes même entrés dans un café-concert où
quelques jeunes Chinoises chantaient en s’accompagnant sur
des cithares étranges.
Dans le fond, de vagues Chinois étendus fumaient l’opium.
Ils étaient là depuis longtemps et devaient y rester longtemps
encore : on assure qu’avant la vingtième pipe la
félicité du fumeur d’opium n’est pas complète. Ils n’ont
même pas la peine de bourrer leurs pipes : on prend un grain
d’opium réduit à l’état de pâte, on en applique un morceau,
percé au centre, sur un trou pratiqué dans un long tuyau, on
approche le tuyau d’une lampe, et voilà. Nous avons bu
chacun le plus minuscule des bols de thé, mais nous nous
sommes énergiquement refusés à fumer les pipes qu’on nous
destinait et à nous essuyer avec les linges chauds parfumés
selon le rite traditionnel.
A neuf heures et demie, réception au Consulat général; à
dix heures, tout le monde reconduit à l’embarcadère le général
et sa suite. Bruyante ovation. La plupart de ces officiers
avaient l’air stupéfaits de se trouver à ce point chez
eux dans la bonne ville anglaise de Shanghaï. Mais que
vont-ils faire là-bas, puisqu’on évacue Pékin? Vive l’Allemagne!
Voilà, du moins, un pays qui sait ce qu’il veut.
C’est avec les Allemands que nos marsouins fraternisent
ici le plus volontiers. Mais, plus volontiers encore, ils
rossent le guet anglais. Il est vrai qu’un journal anglais
a eu l’impudence d’écrire qu’ils n’avaient pas l’air bien
guerriers. Nos marins bretons, surtout, cognent sur les
« Saxons » avec une volupté où entre beaucoup d’àta-
visme. Ces rivaux pourtant sont quelquefois frères d’origine,
mais frères ennemis jusqu’à nouvel ordre...