ment du coin de l’oeil. Nous ne croyons pas que la France
soit d’humeur à laisser l’Angleterre se tailler ici une nouvelle
Egypte.
Pourquoi sommes-nous à Shanghaï et non pas sur le Peï-
ho ou sur le Yang-tse? Comme nous quittions la côte indochinoise,
un sémaphore nous a transmis l’ordre de nous diriger
sur Shanghaï. Coup de théâtre. On allume des chaudières
supplémentaires pour hier de quatorze à quinze
noeuds. Branle-bas de combat, tirs au canon, qui terrifient les
domestiques annamites embarqués à Saigon. Tout cela pour
nous heurter à une flotte anglaise impassible en face de forts
qui se moquent d’elle et de nous. Les choses ne se passeront
pas aussi gentiment, j ’imagine, si nous avons à remonter le
Yang-tse. Il y a sur le Yang-tse une flotte chinoise sérieuse,
des forts du système moderne le plus perfectionné, et qui
peut-être, eux, ne se tairont pas toujours. Il faudra voir ça.
Le temps est très chaud, et nous avons tous la peau irritée
par une exsudation continuelle; mais les nuits sont fraîches,
et le climat, en somme, moins humide qu’à Saigon. Au reste,
la besogne me prend tout entier : j ’expédie à Takou des
boeufs, des approvisionnements de tout genre, des pompes
à incendie. En récompense, je mange des fruits d’Europe,
de bonnes pêches, d’excellentes figues, quelques poirés et
pommes passables; mais plus de fruits exotiques tels que
mangues, mangoustes, letchis (i), bananes, ananas. Et c’est
grand dommage...
(l) Après le P. Martin Martini, le P. au Halde estimait datte, au noyau long et dur, mais couvert d’une chair mollieo rdto cnet ttlee gsoorûtte edset exquis. M. de Courcy définit le letchi un fruit « semblable pour la grosseur à
uranies ipne mtitues cparut n»e. Ielt ddiot nqtu lea lac hmaiarn rgousee , (cfe’ersmt ep aert seurrcecuurle qntue’,i l aé clari ts aveur du mangle ldae mMaanngilllee .e sLta l em farnugiot udsute p aa lélatu vgireors)s eeusrt bde’uanuec opuept itme ooinrasn dgéel iecta tuen qeu sea vceeluler dsuécmréeen t léignèfréermieeunrst aacuidxe . nLôetr ems,ê mmeê mauet eluers dmécalnadrea rliense sf,r upitlsu sd er oCuhgiense, dpélcuis
fpoentitt ecse peet nudna npt egur amndoi ncsa ss udcesc umleanntedsa.r iLneess , mcreumebs roesu dcoe nlfait ems,i sdsuio nS e-lyTochnonuaeisne.
y
Les Anglais ont débarqué deux bataillons d’Hindous. Aussitôt
nous avons mis à terre cinquante hommes. On fait ce
qu’on peut. Remontant la rivière, nous sommes venus mouiller
en face du Consulat général de France et de la concession
française, au coeur même de la ville, où était le Pascal,
que nous avons délogé. Je crains qu il ne la trouve mauvaise.
Les Chinois sont d’humeur tranquille, et d’esprit pratique.
Autour du campement anglais ils ont établi toutes sortes de
bars et de cantines : ces cabaretiers aux yeux taillés en
amande n’ont, certes, aucune envie de rejoindre les Boxers.
Quelques-uns font, le soir, tout le long de la rivière, en
jonques illuminées, de bizarres processions, où les coups de
gong ne sont pas épargnés. C’est, parait-il, pour chasser les
maüvais esprits : l’entendent-ils du choiera, ou de 1 Euror
péen? Mais l’Européen les enrichit; il est donc un ami, jusqu’à
nouvel ordre.
Il ne me déplairait pas de faire quelques promenades;
mais les environs de Shanghaï sont marécageux, coupes de
sentiers où deux promeneurs peuvent rarement marcher de
front, et les rives du vaseux Whang-pou sont semées de tombeaux,
ou plutôt de dépôts mortuaires, avec quelques bouquets
de bambous par intervalles. Il reste la large promenade
du Bund anglais, ou le quai de France, moins beau,
mais animé quelquefois par l’arrivée ou le départ d’un paquebot,
ou les flâneries dans Nanking-road, bordée de cottages,
ou les voyages d’exploration dans la ville indigène,
idéalement sale, ou enfin la traditionnelle partie de plaisir
au Jardin de thé de Bubbling Well (le « puits bouillonnant
», à l’eau chargée de gaz : Haï-Yen, oeil de la mer, disent
plus poétiquement lés Chinois), suivie du dejeuner dans le
restaurant des bords du lac, déjeuner obligatoire pour les fils
de famille, nombreux en Chine, qui dépensent gaiement leur
revenu.