nofor, que devant lui s’apparut une ftatue , ou image
grande à merveille 8c haute , 6c étoit fon régard
terrible 8c horrible. L e chief étoit de fin 01* : la poitrine
, 8c les bras étoient d’argent : le ventre 6c les
cuifles d’arrain : les jambes etoient de fer, 8c partie
des pieds étoit de terre, 8c partie de fer: dit en fur-
plus l’Hiitoire que une pierre fut féparee d’une montagne
fans mains, 8c fcrit cette ftatuë, ou image ez
pieds 8c fut emmenée comme en cendres, ou en flamtative,
par attrempence. Et felon ces quatre vertus
appropriées aux quatre vertus Cardinales , fe peu,
vent appliquer les quatre points de la reformation
du Royaulme qui tant de fois ont été propofés 8c fans
fruit jufquesicy.
L e premier point eft du bon gouvernement du
R o y 8c de fa perfonne, 8c de fon hoftel en comprenant
la Reyne, 8c tout le fang Royal ; quant au chief.
L e deuxieme point eft de ^K.Ui **lULUlUUUIk.^V.ulliiuv j »------- - ------ « ---------------------1 la def--ë-n---f-e- -d--e-- -f-o--n Royaulmeche.
Puis s’éleva, 8c fufcita un Roiaume , quiA me contre fes ad verlaires etrangers, & privés; quant à
eftoit perdurable 8c fans fin. L a lignification littérale
eft des 4. Roïaumes principaux. L e 1. Roiaume
fut des Aflyriens ou desChaldées en Orient, au
quel régna Belus 8c puis Ninus 8c Semiramis , 8c
après Nabuchodonolor. L e a. Roiaume fut desMe-
diens ou de Perfe , plus en Midy, ou régna Cyrus, 8c Afluerus. L e 3. Roiaume fut des Gregeois, plus
vers Septentrion, ou régna Alexandre le grand. L e
4. Roiaume fut des Romains, plus vers Occident, ou
régna Jules Cefar, 6c Oétavien 6c autres. L a pierre
qui fut feparée de la montagne fans mains figni-
fie notre Seigneur Jefus-Chrilt, qui fut nai de la
Vierge fans operation d’homme, lequel régné 8c régnera
fur tous autres Roiaumes , 6c auquel fubjette
la poitrine 6c aux bras, qui figurent la Chevallerie.
L e troifiefme point elide la Juftice que chacun aift
ce qu’il doit avoir, par bonne foy , 6c par raifon;
6c c’eft appropriement quant au Clergié.
L e quatrième point eft dü domaine du R o y , 6c c’eft
par aucune appropriation ; quant àlaBourgeoifie, lâns
forcloire les autres Eftats. E t par oes quatre points
de reformation , 6c pour la conservation de ces quatre
parties qui conftituent le Royaulme parfaitement
prions quand nous'dïfons Rex cfrc. Dan.11.4.
Dit en apres l’hiftoire que Nabuchodonolor oublia
fon fonge 6c fa vifion , 6c fit appeller tous les
Sages de Babylon; mais ils ne Iceurent dire, ou reveler
cette vifion, ainçois foluërent le R oy en difant
toute autre Seignorie eft. Cujus regni non erit finis. B Rex in fempiternum vtve. Dan.11.4. R o y vivés pardu-
L a lignification myftique pourroitêtre félon les Poètes
des 4. aages , ou*4.feifons, ou 4.fiécles. L ’un
fiecle premier fut d’or, lous Saturnus. Le fécond,d’argent,
fousJupiter.Le troifieme,d’airain toûjours en empirant.
Et le quatrième, de fer 6c de terre. 1 .*J\£ctam.&
in Bficol. Eclog. 4. & in Boet. L a lignification morale
fe fait par les Doéteurs 6c expofiteurs en maintes
maniérés 6c en elpecial par M. Richard de S. Viétor
moût foubtilemeat. Mais prenons une morale lignification.,
ou application, qui eft plus à nôtre propos
préfent, ôc conformement a la fentence d’Arillote 6c
de S. Paul 6c de Plutarque, qui comparent un Roiaume
à un corps humain , 8c à fes membres. E t di-
fons que vous, Sire, ‘ÔC votre Roiaume pouvésêtre
figurés par cette ftatue 6c image qui étoit grande,
6c merveilleufe 6c terrible à regarder. Pareillement
eft le Roiaume de France grand 6c merveilleux en
dignité, en excellence 6c puiflànce, 6c autorité. Vous,
qui êtes R o i , êtes le chief d’or avec tous ceux de
vôtre fang Roïal : car en vous eft valeur 6c autho-
rité ; 6c defious vous font trois Eftats, c’eft à fçavoir
rablement : car il n’eft fage qui vous puifle dire cette
vifion fors feulement les dieux qui n’ont point conv
en t io n avec les hommes. Et depuis Daniel empêtra
par oraifon la cognoilfance de cette vifion , 6c
fon expofition.
Qui fe vauroit icy arrefter pour declairer que les
fages de Babylon entendoient par ces Dieux, 6c par
telles paroles felon Platon, 6c de Apulëius. Ce feroit
matière appartenant à Clers, ôcàl’Efcole. Sy m’en
pafleray, 6c prendray icy une vérité. C ’eft que homme
quelconque ne puet parvenir à parfaite connoiflàn-
ce comment un Royaulme fe doit gouverner, 6c avoir
vie civile , 6c pardurable, finon par la révélation de
Dieu; laquelle révélation il nous a faite en la Sainéte
Eferiture. Pourtant difoit le Sage en la perfonne de
Sapience. Rer me Reges régnant & Legum tondit or es
jet (la décernant. Prov.vm.If. J*
Je porroye cecy declairer pour monftrer les erreurs
6c l’ignorance qui ont été ez Philofophes, ôc Roys
payens ; qui fe font entremis bailler loys 6c réglés pour
gouverner la chofe publique, comme Platon, Socrade
Chevallerie, de Clergie, 6c de Bourgeoifie, qui C t e s , 6c T u lle , 6c autres. Car au moins ont tousfailly
r— r-— :C— Hg g Aa ^ en ce point, qu’ils ne mettoient point la fin de leur gouvernement
en D ieu , mais en vaine gloire, ou renommée
, ou à autre fin temporelle, 6c terrienne, comme
le declaire|S. Auguftin. Libro V. De Civit. 6c ailleurs in
quadam Ep. Non pour quant doit chacun R oy , 6c
Prince foufmettre ; tout à Dieu qui eft le R o y des
Roys y felon ce que fignifie la pierre qui toucha cette
ftatuë 6C la confroiflà, 6c emmena comme en cendre;
pour monftrer que ce n’eft rien de domination
terrienne fans lu y , nez que de cendre, fy fe doit tou-
teviens humilier deflbubs luy comme cendre par réputation,
comme faifoit Abraham, qui difoit. Loquar
adDominum meum cum Jim pulvis & cinis. Gen. XVI11.
ttj. Sy eft moult bel ce falut, 8c tel comme on doit
faire à chacun R oy Tres-Chreftien Rex dre. R o y , vo-
ftre vie ne foit finie. C ’eft à entendre que tellement il
gouverne foy 6c fon Royaulme à l’honneur de Dieu, 8c
en l’obéïflance deflbubs lu y , que il puifle regner par-
durablement, alioquin quod altum eft hominibtts, abominât
10 eft apud Deum. L u c .x v i . i f . Et potentespatenter
font lignifiés par les trois autres parties de cette ftatue.
E t en autre fimilitude font figurez par les trois
fleurs de lis d’or en vôtre ecu d’azur 6c Celeftial.
Eftat de Chevallerie eft comparé à la poitrine , 6c
aux bras qui font d’argent pour leur vigueur , 6c
ftrenuité : felon ce que j’ay oy réciter, que le bon
Glaiquin difoit, que quand il approchoit de fes ennemis
, toute la poitrine lui elargifloit, 6c fe tour-
noit comme en cueur ; 8c en courage.
L ’Etat de Clergie fe figure par le ventre 6c par les
cuilfes qui font d’airain, qui eft métail bien fonnant
Pareillement doit eftre en Clergie clameur , 8c fon
de vérité. Quafi tuba exalta vocem tuam. Ifo. lvi 11.
1. E t femble que le ventre ne fafle point de labeur,
mais il nourrit les autres membres felon l’introduction
que fit un Orateur, laquelle je pafîe.
Etat de Bourgeoifie ,6c des bons marchands 6c labo-
reurs , eft figure par les jambes, qui font de fer, 6c
par les pieds, qui font partie de fer 6c partie de terre
, pour leur labeur 8c humilité en fervir 6c obeîr.
Nous avons par ainfi quatre parties principales en ce p) tormentapatientur. Sap .vi.7 . Nous avons veuqueles
Royaulme. L e R oy qui eft le chef d’or, ou eft valeur
8c authorité. Chevalerie ou eft vigueur pour
confondre adverfité. Clergie ou eft clameur de vérité.
Bourgeoifie ou eft labeur 6c humilité. L e R oy ha
vertu dominative, par Juftice. Chevalerie ha vertu de-
fenfive, par force. Clergie ha vertu illuminative, par
prudence. Bourgeoifie ha vertu fubftantative, ou porplus
vils, 6c abominables ont efté Roys,ou Empereurs;
mais c’étoit à leur mort pardurable, 6c damnation.
Sêquitur propôjîtio principalis.
Or eft bien, nous avons mis, 6c coloquez les fon-
demens de cette propofition comme erï quarreure ;
ftcut tetragonum Jine vituperio, felon les quatre principales
parties de la ftatuë, qui lignifient vous, Sire,
qui
qui elles le ch ie f, 6c les trois Eftats defious vous ;
Chevallerie, Clergie 6cBourgeoifie. Venons à édifier
fur chacune de ces quadratures aucunes veritez,
6c considérations : Et fur le premier je depefcheray
trois principaux points de mes inftruétions fcellées,
Nous avons dit, que le chief de notre image, eft le
R o y , auquel eft l’or de valeur , 6c d’authorité, 6c
de vertu dominative. Si difons ainly.
L a premiere Confideration. L ’autorité Royale
ne doit point foutenir*, ou fovorifer partialitez en fon
L ’un eft de loüer Juftice , 6c authorité , ou Roy. Royaulme : mais doit demeurer feignourifant fur tous
L ’autre de loüer vérité en nôtre Foy ; l’autre de loüer ^en juftice 6c équité : cette confideration veut dire,
loyauté 6c bonne foy.
L a première confideration eft quant au premier
collé de notre fondement, qui d i t , que le chief de
nôtre image myftique’ôc figurative eft le R o y , auquel
eft l’or de valeur 8c autorité , fi difons ainly.
Rex in fempiternum vive. Dan. 11.4- V ray e ft, qu’au-
parayant c’eft bon, ce me femble, que je preigne un
efeu contre le t ra it , 8c les fagettes de male bouche
6c de obloquution, 6c perverle interprétation. Ceft
efeu me prefente le R oy David, qui dit, que Mife-
ricorde Vérité 6c Juftice fontfuers, 6c gardes de pais.
Mifericordia & Veritas obviaveruntftbi, fuftitia & c . Pial.
lxxxiv .11. Si faut qui veut parler de paix qu’il ne blef-
f e , ou chafle hors aucune de ces trois vertus ; car paix
s’en partiroit.il convient donc tellement parler de bonne
paix,que Milericorde y foit,queVérité y foit,que Juftice
y foit. Et cecy nous eft figuré au tiers chapitre de
Daniel par Daniel, 6c fes trois Compagnons, Ananias,
Azarias, 6c Mifaël; felon le fens Moral.Nabuchodono-
for R oy figure franc vouloir en l’homme. Daniel fignifie
bon, 6cfaintdefir, auquel paix eft promife, felon
le chant des Anges./» terrapax hominibtts e^c.Luc.11.14.
Les trois compagnons deDaniel lignifient les trois ver-
Theologiques, F o y , Elperance 6c Charité, ou lignifient
les trois vertus delius dites, Mifericorde, V é rité
, 6c Juftice. Or avient que Nabuchodonolor
de fon franc vouloir fe tourne à la fois à orgueüil,
6c tyrannie , 6c veult que on adore fo y , 6c fon idole;
mais les trois compagnons de Daniel le refufent. Et
combien que Nabuchodonofor s’efforce de lesardoir
en la fournaife de convoitife 6c de propre amour ;
que l’authorité Royale doit tenir le droit chemin, le
chemin Royal, à l’exemple du foleil, au quel eft comparée
l’authorité Royale. Thronus ejus fient Sol. Pfi
lxxxvi 11.38. Les làges Aftrologiens dient, que le
foleil va toujours la droite ligne, qui fe dit Eciypti-
que , fans tourner au zodiaque ç a , ou là , à dextre,
ou à feneftre. Sur quoy fut dit à la loüange d’un
Prince Romain Fabricius, que il ne declinoit plus hors
du droit chemin de juftice, nez que foleil de fa ligne
Eclyptique. Autre exemple avons de ce en la balance.
Mais cette confideration nous dit pieça Platon
que recite Tulle lib. 3. De ojficiis. Qui curant unam
partem civitatisy alia dimifsâ, rem pernitiofarfiinducunt,
feditionem. Se un R o i, ou un Prince en la domination
fe tourne d’une part, 6c laifle l’autre, il nourrit
chofe très pernicieufe , c’eft à Içavoir , fedition.
B Exemple du chief s’il fufeitoit un bras du corps â la
deftruétion de l’autre, qui feroit aufly bon 6c aufly làin,
8c profitable, ce feroit crueufe chofe, à la deftruétion.
Pareillement des autres membres recite Arillote,
au y. livre de fes Polit. Plufieurs maniérés de muta-
- tions de Royaulme. L ’Une eft quand le R oy ne va
le droit chemin de Juftice, en favorilànt aux aucuns
lans les punir, comme dit le Sage ; Regnum de gente
in gentem transfertur propter injufiitiam. Eccl i. X. 8. Et
met Arillote l’exemple du R oy Philippe Pere du R oy
Alexandre , qui pour cette caufe feut occis en plein
difner d’un noble juvençal, (fui fe nommoit Paulâ-
nias. Pour ce que le R o y n’avoit voulu faire juftice
d’un aultre ferviteur, qui l’avoit deshonoré. N o ta.
fufiinus. lib. 9. A ce feroit l’exemple de Ablâlon
6c ae David. Exemple aufly du Roy Achab , au
afin que ils inclinent à faire fa volonté, non.pascel- --------------- — ------- v --------
le de Dieu , 6c de là Lo y : neantmoins Dieu , 6c ^ quel feut dit. Quia dimijijli virum digi
morte, erit
fon Angel les en garde, 6c eft au milieu de la flam- anima tuaproanimaillius. 3-Reg.xx.42
me fans ardoir. Sire, cette Doélrine vous feulldite autrefoispa£
E t appert quatre vertus femblables au fils de Dieu, fez deux ans , avant que cette douloureufe guerre
C ’eft paix, quia Beatipacifici, ejuoniam Ftlii Dei vo- feut mife lus. On parloit pour voftre Clergié de
çabmtur. Matt.v.p. Si me femble que pour quel- France 8c pour voftre Univerfité , 6c feut la propo-
conque chofe je ne doy delaiflier que'je ne garde fition folemnellement accordée, puis avoüée. On
en ce*que j ’ay à dire vérité, 6c par elpecial de la Foy dit lorspar quatre fois que pour Dieu, Sire, vous vous
8c des bonnes moeurs : car faufleté contraire ne puet, donnifliez bien garde de croire quelconque confcil
6f ne doit venir en Traittié de paix; mais feroit com- qui voudroit voftre Royale perfonne foire partie, où
me le fer en la playe, qui jamais ne lafouffriroit ve- elle doit eftre Juge 6c Seigneur. Car il n’y avoit plus
nenir à guerifon, 6c combien que le proverbe ancien périlleux moyen a fubvertir voftre Majellé Royale,
d i t , que vérité engendre haine , 6c difeord*, Veri- 6c voftre Royaulme , que Dieu ne veille, que par
tas odiumparit. Non pour quant il vaudrait mieulx vous rendre partial, 6c nous avons trop fentu lave-
foutenir tel difeord , que laiflier vérité, comme di- rité de cette parole. Cent mille perfonnes en font
foit Jefus- Chrift le Dieu de paix à ce propos. K(on mortes , 6c voftre Royaulme appauvry 6c dommai-
venipacemmittere interram, fedgladium. Matt.x. 34. giédeplusde trois millions, 6c encore autant tiens-je,
Pareillement, dis-je, que mifericorde doit eftre gar- 6c encore fus pis, fe Dieu n’en euft heu milèricor-
dée avant juftice, 6c juftice avant mifericorde.Car l’une de. Si concluons pour cette confideration en difant.
fansl’autreeftfote, 6c dommageufe. Sy peut on bien 4 Vive le %oy, foit fans party,
reciter les fouifetez, les cruautez , les injuftices du Vn Roy fe perd cjui fe partit .
temps palfé , non mie pour les punir toutes , mais C ’eft-à-dire qui fe foit partie, où il doit eftre Sei-
pour s’en garder au temps-à venir, 6c eftre plus fa- gneur, 6cJuge.*
g e s , 6c plus advifez, pour mieux recognoiftre aufly
le mal ou nous avons efté , 8c la grâce que Dieu
nous a foitte, 6c que nous hayons plus la guerre, 6c aimions
paix, fans ce que nous nous laifliôns brûler 6c ar-
dre au feu de male convoitife ; mais que nous aimions le
bien commun, le bien de paix, 6c tendions principalement
que la vie du Roy civile 6c politique foitfons
denüement, Rex in fempiternum vive. Dan.11.4.
Ces chofes premifes , comme pour ma targe, 6c
mon efeu , je veüil édifier fur la première partie de
ce que eft premis pour fondement quatre confiderations.
E t pareillement fur chacune des aultres parties
, mais ce fera plus briefvement. I j j j j j
Venons à la deuxieme confideration, 6c difons.
L ’Authorité Royale ne doit point conftituer plufieurs
Cours Souveraines de fa Juftice, en laquelle eft la valeur
de fa vertu dominative.- Cette confideration appert
par fimilitude du corps , auquel ne doit avoir
qu’un chief principal. Raifon auflî avecques experience
monftrent, que aultrement foire feroit, 6c a été n’a-
gueres caufe de divifion 6c de toute injuftice, 6c fub-
verfion, 6c oppreflion des bons. Car incontinent que
on vouloit grever une perfonne pour avoir le fien, ou
pour haine, on le lançoit en prifon, 6c y étoit ibuvent
deux imois ainçois que on parlait à lu y , 6c puis on lui
faifoit jurer qu’il ne révélerait riensde ce que on faifoit,
T t 3 ôc