discussion, s’il était prouvé ; c’est que Baudouin Ier,
pendant les quelques mois qu’il a passés sur le trône,
n’a pas dû ni même pu prendre le titre
qui eût blessé, dit-il, l’amour-propre des croisés,
la veille encore ses compagnons et ses égaux. Il
ajoute que l’empire fut dévolu par les barons à qui
bon leur semblait, mais que sans doute ils n’eurent,
en aucune façon, la pensée de se donner un maître,
un autocrate ; que Baudouin, en un mot, était bien
pour les Grecs un empereur, mais que pour les
croisés il était toujours le comte de Flandre, le
chef de l’armée, et rien de plus. Dans cette situation,
il est vraisemblable, ajoute enfin le B°" Marchant,
que le premier empereur latin n’aura pas pris le
titre J'«i7<T0T«f, et sans doüte, dans son embarras,
il aura eu recours à la fabrication des monnaies
pieuses et anonymes.
Je vais essayer de combattre ces raisonnemens :
d’abord j ’avoue que je ne saurais me décider à
donner à deux princes différens les monnaies présentant
au droit une effigie couverte de la cotte de
maille et le casque en tête, tenant une croix et une
épée ; si l’une est de Baudouin Ier, les autres sont
du même prince, cela me paraît à peu près incontestable.
Je ferai remarquer d’ailleurs que l’intervention
du titre aa jtpot par lequel le Bon Marchant
traduit la lettre n qu’il rencontre souvent dans les
monnaies des Baudouin, est une nouveauté tellement
insolite, tellement inconnue dans la langue monétaire
des byzantins, que cette traduction, quelqu’in-
génieuse qti’elle soit, ne peut être adoptée comme
certaine. Il n’est pas douteux que Baudouin Ier ait
fait frapper des monnaies dès qu’il se sera vu maître
du trône ; c’était une espèce de prise de possession,
qu’il n’aura pas manqué de mettre en usage. Ces
monnaies sont très-probablement celles à l’effigie
armée, et je n’hésite pas à les attribuer toutes,
sans exception, à Baudouin de Flandre. Qu’il ait
tardé à prendre le titre S'unoint, cela est possible;
mais qu’il y ait renoncé complètement, voilà ce
que je ne saurais accorder.
Les monnaies frappées par Baudouin, n’étaient
pas faites seulement pour les croisés, qui constituaient
évidemment la très-petite minorité des habitans de
Fempire ; elles étaient plutôt faites pour les sujets
grecs de Baudouin. Celui-ci pouvait-il négliger d’inscrire
son titre ¡fêiTOT»? sur les espèces courantes,
quand il savait parfaitement que les Grecs étaient tous
prêts à lui contester ses droits? Pouvait-il leur laisser
ainsi une excellente raison de lui refuser un titre dont
il devait très-certainement exiger l’emploi de leur
part? Il n’est pas possible que les croisés aient pu
trouver mauvais que le maître qu’ils imposaient aux
Grecs, leur ait dit, je suis votre maître ; or le meilleur
moyen de le leur faire savoir, c’était d’inscrire
le titre <Tî3-to7«î sur les monnaies de l’état.
Je conclus donc, contrairement à l’opinion du
Bon Marchant,, que Baudouin de Flandre, plus encore
que ses successeurs dont le trône était déjà plus
affermi, aura dû tenir aux titres significatifs de la
toute-puissance ; donc, les monnaies offrant le titre
S'iff7rorn( ne peuvent pour cela être refusées à Baudouin
de Flandre. Plus d’un mois s’étant écoulé
(du 12 avril au 16 mai 1204) de la conquête au