
Ut litè de VHtrb '.er,
Le feul moyen d’être vraiment Botanifle , con-
fifte non-feulement à fe procurer la connoiflance
de tout ce que l’on a écrit fur la Botanique même,
fur l’hiftoire & les principes de cette Science,
enfin , lur les cara&ères généraux & particuliers
des plantes j mais encore à voir & à examiner un
très-grand nombre de plantes , afin d’en pouvoir
faire une étude approfondie. Or , quelqu’adivité
que l’on puifTe avoir, quand on vifiteroit fans
celle tous les jardins que l ’on peut avoir à fa d it
pofitîon : quand on courroit tous les jours à la
campagne pendant beaucoup d’années çonfécuti-
ves, ou quand on feroit de longs voyages dans
des contrées diverfes oc les plus éloignées , onr.e
verroit pas autant de plantes , & fur-tout on n’en
verroit pas autant à-la-fois qu’on en peut voir
dans un Herbier un peu confidérable. Comment
d’ailleurs, fans cet Herbier, pouvoir comparer
entr’elles les plantes que l’on trouve dans un
temps , & celles qu’on a rencontrées foit ailleurs ,
foit dans une autre faifon, une autre année , un
autre climat ? Enfin , fans un Herbier, comment
pourra-t-on fe rappeler des plantes qu’ on a obfer-
vées , ,des remarques particulières qu’on a faites
à leur égard j & de l’afpeét que chacune d’elles
nous a préfenté ?
Quelque grand & quelque riche que puifTe
être un jardin de Botanique , il ne peut , à beaucoup
près, nous offrir une quantité de plantés
auffi confidérable que celle qu’on trouve dans
les Herbiers des Botaniftes. La raifon en eft Ample
; dans les jardins de Botanique les mieux feignes
, on perd continuellement des plantes qui
périffent foit par des contre-temps des faifons ,
foit par la difficulté & quelquefois même l’im-
p.ofïibiîité de les conferver ; & lice s jardins fe
ibutiennent cependant dans l’entretien d’ un certain
nombre d’efpèces, ce n’eft qu’au moyen d’une
fucceflion continuelle de nouvelles acquisitions.
JVîais dans un Herbier bien foigné, jamais les
' pertçs ne viennent diminuer le nombre des
plantes qui le compofent, nombre fans cefle augmenté
par les acquifitiohs nouvelles. Tout y eft
confervé, & l’on fent, d’après cela, qu’en peu
de temps la différence entre la richefle d’un Jardin
de Botanique qui perd néçeflairement toujours ,
& celle d’un Herbier foigné & fuivi qui conferve
toîjt , devient tpès.-çonfidérable.
Enfui te , quelque grand que. foit l’avantage
qu’offre un Jardin de Botanique pour l’obferva-
tion , fur un Herbier où les plantes ne fe voient
néceffairement que dans un certain état d’imper-
fe&ïon ou d’altération , leurs parties s’y trouvant
plus ou moins comprimées , applaties , & les
odeurs, fou vent même les couleurs des fleurs
étant difparues ; tous ces défauts néanmoins font
bien compenfés par la facilité qu’offre VHerbier
de yoir & d’examiner les plaptes dans tops les
temps , dans toutes les faifons , de les avoir fous
fa main & à fa difpofition , de pouvoir rapprocher
toutes celles que l’on veut comparer •, en un
mot , de pouvoir y çflayer ou y établir l ’ordre
général & les diftributions particulières que l’on
jugera convenables. Dans les jardins d’ailleurs,
aïnft qu’à la campagne , on ne peut voir qu’un
certain nombre de plantes à-la-fois , darts l’état
propre à être obfervées , & ce nombre n’eft pas
bien confidérable , à caufe des diverfes époques
du développement & de la floraifon des plantes.
Au lieu que dans l'Herbier , comme je viens de
le dire , on en peut voir & examiner un très-grand
nombre dans le même temps.
Quoique la plante examinée .fur le vivant dans
un jardin ou à la campagne , fe préfente à l’Ob-
fervateur dans le meilleur état pour être étudiée
& connue , & fur-tout pour l’examen de fa fructification
, il ne faut pas croire pour cela que les
■ plantes bien deflechées d’un Herbier n’offrenc
d’autre reffource au Botanifte qui les poflcde ,
que le moyen d’examiner, de çonnoîtrë & de
décrire les parties du port de ces plantes. En
e ffet, il eft certain que lorfque les fleurs de ces
plantes ne font pas d’une petitefîe extrême, on
peut , en les mettant pendant quelque temps
dans de l’eau tiède , ramollir leurs parties , les
ouvrir enfuite , les écarter avec la pointe d’un
ftylet ou d’une épingle , & y voir leur véritable
Bruâure 5 en un-mot , y obferver le nombre , la
forme & la pofition des parties qui les compofent,
comme fi ces fleurs étoient fur un individu vivant.
Tl ne faut pour cela qu’un peu d’adrefle , de l’habitude
, du temps , & de la patience.
On voit par ce peu de remarques , combien eft
grande l’utilité d’un Herbier pour celui qui veut
acquérir des connoiffances véritables & étendues
dans l’étude des végétaux , 8c combien une çol-
leéUon de plantes sèches , comprenant d’une part
tout ce qu’on a pu recueillir dans les jardins & à la
campagne , & de l’autre tout ee qu’on aura pu le
procurer des pa'ys éttangers , foit par les Voya-
geurs , foit par fes .cortefpondances avec les per-
ïonnes livrées aux mêmes recherches, eft unobjçs
important pour un Botanifte,
Formation de l'Herbier.
La colleélion dont nous traitons maintenant
confifte donc en un nombre quelconque de plantes
sèches , confervdes dans des papiers , diftri-
buées ou rangées dans un ordre que l’on juge convenable
, & àcquifes de deux manières differentes.
L ’une de ces deux manières de fe procurer des
plantes séchés , réfide dans fon propre travail.*
c’eft en recueillant, préparant & deflechant foi-
même les plantes , qu’on fe forme un Herbier en
bon état, & qu’on devient vraiment Botanifte ;
parce que , outre la pofleffion des objets, ce moyen
forme infenfiblement le coup 4-oeil de celui qui le
met en ufage, & le rend capable de teconno.tre
au premier afpeft les plantes qui s
vue ; ce qui eft un avantage indépendant de celui
nui refaite de la connoiffance de leurs c^raaeres.
L’autre manière de fe procurer des plantes pour
Y Herbier, & qui conftitue un moyen que Ion
doit joindre au précédent, fe trouve dans 1 acqui-
fition de plantes toutes deffcchees ; plantes qu on
reçoit par les fuites des liaifons de correlpon-
dance qu’on a fu fe former , par des échanges en
objets analogues, ou par des communications
qui nous font faites. Avant de traiter de la manière
de préparer les plantes pour les conferver,
il importe que nous difions un mot fur la manière ;
de les recueillir.
Choix des individus pour la dejjïcation. Il n’eft
.point du tout indifférent de prendre tel ou tel
individu , lorfque l’on recueille des plantes pour
les deflecher ; & nous pouvons aflurer que lé choix
des plantes ou des morceaux de plante que l ’on
ramafle, mérite la plus grande attention, afin de
ne point prendre des individus altérés par certaines
circonftances , des morceaux déformés par
quelque caufe que ee foit ; en un m ot, des monf-
trofités qui nous tromperoient, fi nous déterminions
enfuite la forme & la proportion des parties
des plantes, d’après ces morceaux ou ces
individus de mauvais choix. En effet, fi l’on prend
pour fon Herbier la poiifle vigoureufe d’un jeune
arbre, foit en pépinière, foit ailleurs, on aura
dans cet exemplaire des feuilles au moins une fois
plus grandes que celles du même arbre prifes
,fur un individu parvenu à fa grandeur naturelle.
.Si l’on cueille une plante que le hazard peut faire
rencontrer dans un lieu fèc & montueux , & dont
le propre néanmoins foit d’habiter les lieux bas &
humides, on aura un individu en raccourci, maigre
, moins droit ou moins glabre qu’ il n’eft communément
, & qui s’offrira fous un afpeél qui ne
lui eft point naturel. La defeription que l’on pourra
faire enfuite d’après cet individu en quelque forte
altéré par les circonftances , paroîtra fautive &
fort mal faite, lorfqu’on la comparera avec les
caraâères que préfèntera la même plante prife
dans fon vrai lieu natal. Enfin , dans le même
buiflon, dans la même touffe,, lorfqu’ on eft dans
le cas de choifir un échantillon pour VHerbier ,
nous nous .fommes convaincus par l ’expérience ,
qu il ne faut pas prendre au hazard le premier
morceau qui fe préfente fous la main,* mais qu’il
eft néceffaired’en choifir un ou plusieurs qui aient
bien véritablement le port & les caraélères naturels
à la plante -, qui ne foient point mutilés par
des accjdens , par des furabondances de sève ou
par quelque mauvaife diftribution de fes canaux ;
qui ne foient point endommagés par des infeâes
en. partie dévorés par des beftiaux , &c. & c . &
nous pré^ifons au I.efteur qu’ à cet égard il ne réuf-
fira parfaitement dans fon choix des individus pour
l H e r b ie r que lorfque l’expérience & un peu
Potaniquc. Tonie III,
d habitude de voir , d’examiner & de préparer
des planres, lui auront formé ce coup-d’oeil sûr,
qu ont à ce fujet les Botaniftes confbnuncs; con-
fidération qui eft cependant de conféquence pour
ceux qui fè propofent de donner leurs obferva-
tions au public. En attendant ce tacl que donne
l’experience , il fera bon de faire attention à ce
que nous venons d’expofèr, afin de tendre continuellement
a fe procurer cet avantage.
La première réglé a obferver lorfqu’on recueille
un échantillon pour VHerbier, eft qu’il foit de
grandeur convenable. Or, cette grandeur ne doit
jamais être moindre, quand la plante le com-
porte , que le format du papier qui doit la contenir
j & à cet égard nous dirons que le papier doit
etrç in-folio ( c’eft-à-dire que ce doit être une
feuille pliee en deux ) , & n’avoir pas moins de
quatorze à quinze pouces de hauteur, fur une
largeur de neuf ou dix pouces. Que peut-on faire
en effet d’une fommité de plante , d’un petit bouc
de^ rameau qui n’offre pour l’ordinaire qu’une
idee très-incomplète du port très-naturel de l’e£*
pcce, en un mot d’un brin chétif, comme le
recueillent ceux qui commencent l’étude des plantes
, & qui croient que ces petits bouts peuvent
leur fuffire , parce qu’ils font alors incapables de
s arrêter aux confidérations qu’on doit avoir en
vue lorfqu’on defsèche des plantes?
Lorfque la plante que l ’on recueille n’eft pas
phis grande que le papier dans. lequel on veut
1 enfermer, il convient de la prendre toute entière
, même avec fa racine , que l’on débarrafle
avec ménagement de la terre qui peut y adhérer.
Si la plante n’eft qu’une fois plus grande que le
papier, on la cueille encore toute entière avec fa
racine, 8c on la partage en deux portions que I on
defsèche & que l ’on tient dans le même papier ,
ou dans deux papiers renfermés dans une enveloppe
commune, c’eft-à-dire dans un troifième
papier qui les réunit.
Dans beaucoup de plantes herbacées , dont la
hauteur eft plus d’une fois plus grande que celle
du papier dont on fe lert, plantes que l’on ne juge
pas à propos de prendre en entier pour les deflecher
, en les partageant en différentes portions ,
il convient alors d’en prendre la partie fupérieure
en un morceau de la grandeur même du papier ,
& enfuite il faut avoir loin ou de prendre la partie
inferieure de ces mêmes plantes , ou au moins
d’en prendre les feuilles inférieures & les radicales
pour les deflecher, parce que très-communément
ces feuilles inférieures font diftinguées des
autres par des cara&ères qu’il importe de con-
noître.
Pour ce qui concerne les arbrifleaux & les
arbres, on fent bien qu’on n’en peut prendre que
des branches ; mais , nous le répétons, il ne faut
pas négliger de les prendre toujours à peu près
de la grandeur du papier de 1 * Herbier. Outre cela ,
comme beaucoup d arbres ne font garnis de fleurs
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