
de trois ans ; au lieu que ceux qui font plantés
dans des Jieux humides & marécageux , 8c ceux
qui font fitués à l’ombre des grands arbres,
donnent moins promptement la Candie , ou en
donnent une moins parfaite , moins aromatique,
& qui contient moins d'huile .effentielle- L’écorce
des Canelliers plantés dans des lieux humides
& ombragés, a un peu plus le goût du
camphre que celle de ceux qui viennent dans
un terrein lafeionneux , & à découvert *, c a r ,
l'influence du Soleil rend le camphre fi volatil,
qu’il lé mêle facilement avec les lues de l’arbre,
& s’élevant entre le bois & la membrane «in-
'térie re & : téûdt'e de l’écorce , il fie répand fi
parfaitement entre les branches & dans lès
feuilles, qu'il ne fe. laiffe plus diftinguer.v
L’odeur du Canellier eft: admirable quand il
«fl eh fleur ; & lorfque les vents favorables
fouflent de terre, le parfum en eft porté fort j
avant dans la mer , en forte , qu’ au rapport !
de quelques Voyageurs , ceux qui navigènt ,
dans ces contrées, feritent cette odeur fuave
( qui approche, dit-on , de celle du Muguet
de Mai) à quelques milles de diftance du rivage.
Méthode en ufage po'ur tirer la Canelle de
Varbre. L a CantUe d e s b o u t iq u e s e f t l 'é c o r c e
t i r é e d e s Canelliers d e t r o i s a n c 5 o n a c o u t u m e
d e l ’ e n l e v e r a u p r in t em p s & e n a u t o m n e , d a n s
l e t em p s q u e l ’ o n o b f e r v e u n e s è v e a b o n d a n t e
e n t r e l ’ é c o r û e & l e b o i s : lo r f q u ’o n l ’a e n le v é e ,
o n e n fé p a r e l ’é p id e rm e o u l a p e t i t e é c o r c e
è x t e r i e u r é , q u i e f t g r i s â t r e -, e n f u i t e , o n l a
‘ c o u p e p a r l am e s , o n l ’ e x p o f e a u S o l e i l , & l à ,
e n fie f é c h a n t , e l l e fie r o u l e d 'e l l e -m êm e , c o m m e
n o u s l a v o y o n s »
Toutes les parties du Canellier fiont utiles ;
• ion écorce , fa racine, fon tronc , fes branches,
fies feuilles , fes fleurs & fies fruits -, on en retire
des eaux diftillêes, des Tels volatils, du
camphre, du iuif ou de la cire, des huiles pré-
cleufes : l’on en compofe des firops, des liqueurs,,'
des effences odoriférantes, d’autres qui conver-
tiffent en hypocras toutes fortes de vins, ou
font la bafe de ces épices fuaves , qui
entrent' dans la confedion de nos ragoûts;, en
un mot, le Canellier peut être regardé j à tous
• ces égards , comme l’un .des arbres les plus
précieux que l ’on eoniïoiffe.
On retire d’ une livre de Canelle , lorfqu’elle
eft récente , plus de trois gros d’huilé èflèn-
' tïçlle 5 mais très - peu lorfqu’elJe eft vieille.
■ Au:Ti , l’huile de Canelle, que vend là Compa-
' gnie Hol.andoife , eft-elle diftillée â Geylan ou
à Batavia. Comme cette huile eft très-chère ,
& qu’elle vaut julqu’à 70 livres l’once , on la
falfifie quelquefois , en y mêlant de fihuile de
Gérofle , ou mieux enedre , de l ’huile de Ben t
3’exc'elLence de fon paffürh l’a fait employer
dans les mélanges d’aromates , qu’on nomme
Focs-pourris*
D u camphré que donne la racine de Ca/tdlèefi
Par la diftillation , on retire de l’écorce de la
racine du Canellier, une huile &unfel volatil, ou
plutôt du camphre. L’huile eft plus légère que
rean , limpide , jaunâtre , fiubtile, & fe dif-
fipe aifément dans l’air 5 elle eft d’une odeur
forte , agréable , qui tient le milieu entre le
Camphre 8c la Canelle, 8c d’un goût fort vif.
Sans employer même la diftillation, l’écorce
de la racine du Canellier rend de temps en
temps du camphre, en gouttes oléagineufes,
qui le coagulent en forme de grains blancs.
Le campare du Canellier eft très-blanc ; il
furpaffe de beaucoup par -la douceur de Ion
odeur, le camphre ordinaire. Il eft très-volatil,
fe diflipe aifément , s’enflamme promptement,
& ne laiflè point de rélidu après là combuftion.
L’huile que l’on retire 4e l’écorce & de la racine
du Canellier eft employée extérieurement au Indes,
dans les rhumatifmes & dans les paralyfies : on
l’y donne intérieurement broyée avec du fucre,
pour excirer les lueurs , les urines ,• fortifier
l’eftomac, chaffer les vents, difliper les catarrhes.
On y regarde le camphre du Canellier
comme. le meilleur dont on puiffe faire ufage
en Médecine.‘. on le ramaffe avec fo in , & il
eft deftiné pour les Rois du pays, qui le prennent
comme uh: cordial d’une efficacité peu
commune.
V e Pufage des feuilles du Canellier. On
obtient, par la ^diftillation des feuilles du Canellier
, une huile qui va au fond de l’çau ;
elle eft d’abord trouble , mais elle devient
tranfparente & jaunâtre avec le temps ; elle a
un peu l’odeur du Girofle j fon goût & fes
propriétés font prefque les mêmes que ceux de
l’huile retirée de l’écorce : cette huile paffe
dans le pays pour un correctif des violens purgatifs.
Les feuilles elles-mêmes font employées
dahs les bains aromatiques.
De Vufage des fleurs du Canellier. On obtient
des fleurs, par la diftillation , une eau
odoriférante* des plus agréables, bonne contre
les vapeurs, & propre à rétablir le' cours des
efiprits, à les ranimer , à adoucir la mauvarfe
haleine , à donner du parfum 8c de ^agrément
à différentes fortes de mets. On prépare encore
avec ces fleurs une conferve très-bonne pour les
perfonnes d'un tempérament leucophlegmatiqué.
• D e Vufage des fru its du Canellier. Les fruits
donnent deux fortes de fubftances; on en tire,
par la diftillation, une huile effentielle, fem-
blable à l’huile de Genièvre, qui feroit mêlee
avec un peu de Canelle 8c de clou de Girofle»
& par la décoction on en tire une certaine
gràiffe épaiffè, d’une odeui* pénétrante, reffem-
blante au lu if, par fa couleur, fa confiftance,
& qu’on met’ en pain comme du favon. La
Compagnie des Indes Orientales Hollandoife
nous l ’apporte fous le nom de cire de Canelle 9
parce que le Roi de Candy, province du Mo-
goliftan, en fait faire fes bougies & fes flambeaux
, qui rendent une odeur agréable , &
font réfervés pouf fon ufiag,e & celui de fa
Cour : elle fort d’un remède intérieur & extérieur
chez les Indiens, foie pour les contu-
fiions, les luxations, les fraétüres.; foit dans
les onguens nervins , les emplâtres, réfôlutifs ,
céphaliques.
De Pufage de la Canelle, de Veau fpiritueufe ,
& de Vhuile qu’ on en retire., par la diftillation..
Mais de toutes les parties du Canellier , nous
n’employons guères en Europe que fon écorce,
l’eau fpiritueufe , & l’huile effentielle qu’on
en retire par la diftillation.
L’écorce du Canellier eft: aromatique , échauffante
, ftimulante, fortifiante* cordiale, fto-
machique , carminative, 8c emmenagogue. On
en fait un fréquent ufage lorfque les forces
font abattues -, dans la Lipothymie, les fièvrës
malignes, les maladies froides de la t ê t e , de
la poitrine , de l’eftomac, de la matrice , &
dàns les douleurs de colique : elle eft encore
utile dans la fuppreflion des règles^ & dans
les accouchemens difficiles -, mais fon ufage
immodéré,'ou trop long-temps continué , ou
enfin mal placé , difpofe à l ’inflammation , ce
qui eft un inconvénient auquel il ne faut pas
manquer d’avoir égard.
. L’eau fpiritueufe de Canelle a les mêmes
propriétés que l’écorce. On la prépare en faisant
macérer, pendant vingt-quatre heures ,>
une livre de Canelle concaffée , dans trois
livres d’eau de Méliffe diftillée,- 8c trois;livrer
de vin blanc.- On diftille la liqueur à un feu
violent dans l’alambic avec un réfjringérent : On
conferve pour l’ufage les trois livres d ’eau qui
paffenr les premières. Cette eau eft trouble ,
blanchâtre, laiteufe, à ,caufe des parties hui-
leufes de la Canelle qui y font incorporées,
8c qui lui donnent beaucoup de force.
L’huile .effentielle de Canelle, eft de toutes
les parties du Canellier , celle qui a le plus
de force , les propriétés les plus aâives ; auffi,
lorfque cette huile eft pure, elle eft vraiment
cauftique : adoucie par le mélange du fucre ,
fous la forme d’un oleo - façchàrum , elle elfc
d’un goût délicieux : on la prefcr.it encore
depuis une goutte jufqu*à fix , dans Un oeuf où
quelques liqueurs convenables. G’efl: dans cette
huile que réfide toute l’efficacité de la Canelle ;
aufli eft-elle étonnante par fes effets. Rien de
plus agréable ni de plus admirable, pour animer
, échauffer , fortifier tout d’un coup la
machine -, mais il faut bien fe garder d’en faire
un ufage déplacé. Comme elle eft extrêmement .
*cre, brûlante & corrofive,. elle cautérife avec
promptitude, quand on l ’applique extérieure-
ment. En effet , du coton, trempé dans cette
»ude. e f f e n t i e l l e & mis dans le creux des
dents, lorfqu’elles font mal, appaife les douleurs»
parce qu’elle défseche 8c brûle le nerf par fon
âcreté cauftique.
Obfervatioru Les Hollandois font parvenus à
faire l’euls le commerce de la Canelle , ainft
que celui du Girofle & de la Mufoade , en
conquérant fur les Portugais, d’un côte les Mes
. Moluques qui produifent fouis le Girofle ( Voje^
, Giroflier);, 8c de l’autre , rifle de Ceylan:y
feule féconde en Canelle. Les Hollandois, pour
fie rendre maîtres exclufivemenc du commeroe
de cette écorce précieufe , après avoir chaffé
les Portugais de Cey lan , , conquirent encore
[.fur eux,le Royaume de Cochin , fur la côte
de Malabar , pouf leur enlever le commerce
d’unie Canelle qui croiffoit dans ce pays , 8c
qu’ils vendoient fous le nom de Canelle pôrtu-
g a ife , Canelle fauvage ou Canelle grife. La
première chofè qu’ils firent après cette conquête,
fut d’arracher cette Canelle fauvage.
Toute la Canelle, dont les Hollandois four-
niffent les deux Hémifphères , fie- récolte dans
un efpace d’environ quatorze lieues , le lottg
des bords de la Mer , .à Ceylan. Cet endroit,
qui porte le nom de Champ de la Cane lle, eft
depuis Négambo jufqu’à Gallières : ils ne laifi-
fent croître qu’une certaine quantité de ces
arbres, & ont grand loin de faire arracher de
temps en temps une partie des Canelliers qui'
croiffent fans culture, mu même ceux qui feroierit
cultivés ailleurs que dans certains diftrids de-
filfle ,. connoiffant, par une expérience de plus
de cent vingt ans, la quantité de Canelle qu’il
leur faut pour le commerce, & perluadés- qu’ils
n’en débiteroient pas davantage quand même ils
la donnereient à meilleur marché. On eftiirie
que ce qu’ils en apportent en Europe, va à fix
cents mille livres pëfant par■ an ,- & qu’ils en
débitent à peu-près autant dans les Indes. Il
•s’en conlomme une grande quantité en Amé^-
rique , particulièrement au Pérou , pour le
cho co la t, dont les Efpagnols ne peuvent fo
paffer.
Mais ce commerce, que les Hoil^ndois font
feuls depuis long temps, des épiceries fines, va
ceffer ineeffamment , d’être exclufif, car , les
arbres qui les produifent , font maintenant
dans nos poffefïïons. Voye{ aux articles Giroflier
& Mufcadier , la note hiftorique de la manière
dont nous nous fommes procurés ces arbres
précieux, & le nom de ceux à qui nous avons
l’obligation de les pofléder.
C’eft , dit Aublet , aux foins de M. !è
Commandeur de Godheu , 8c aux ordres de
M. foa frère , Direéleur de la Compagnie des
Indes, & Commandant-général de nos établif-
femens dans cette partie, qu’on doit les arbres
de la vraie Canelle. Ces Meilleurs employèrent
une fiomme confidérable pour cet .o b je t, 8c ’
M. Torché , Coirunaodant à Mahé, chargé de