de résister à l’oppression, les fictions poétiques les
plus propres à exciter notre pitié sont celles qui
nous représentent des êtres sensibles enfermés
dans des corps immobiles ; et les pleurs de Clo-
rinde, sortant avec son sang du tronc d’un cyprès,
dévoient arrêter les coups de l’homme le plus farouche.
Mais indépendamment de la chaîne qui lie ces
deux facultés , et du double appareil d’organes
qu’elles exigent, elles entraînent encore a leur suite
plusieurs modifications dans les facultés communes
à tous les corps organisés ; et ces modifications,
jointes aux deux facultés propres, sont ce 'qu i
constitue plus particulièrement la nature des animaux.
Par exemple, pour ce qui concerne la nutrition,
les végétaux, qui sont attaches au sol, absorbent
immédiatement par leurs racines les parties nutritives
des fluides qui l’imbibent : ces racines,
subdivisées à l’infini , pénètrent dans les moindres
intervalles, et vont, pour ainsi dire, chercher au
loin la nourriture de la plante à laquelle elles
appartiennent j leur action est tranquille , continue,
et ne s’interrompt que lorsque la sécheresse les
prive des sucs qui leur sont nécessaires.
Les animaux, au contraire, qui ne sont point
fixés, et qui changent souvent de lieu , dévoient
pouvoir transporter avec eux la provision de sucs
nécessaire à leur nutrition ; aussi ont ils reçu une
cavité intérieure dans laquelle ils placent les niatières
qui doivent leur servir d’aiimens, et dans les
parois de laquelle s’ouvrent des pores ou des vaisseaux
absorbans , qui sont, selon l’expression énergique
de Boerhaave, de véritables racines inté-
B rieur es. La grandeur de cette cavité et de ses orifices
I permettoit à plusieurs animaux d’y introduire des
I substances solides. Il leur a fallu des instrumens
I pour les diviser , des liqueurs pour les dissoudre :
K en un mot la nutrition n’a plus commencé immé-
K diatement par l’absorption de substances telles que
i le sol ou l’atmosphère les fournissoient j il a fallu
I qu’elle fût précédée d’une multitude d’opérations
■ préparatoires , dont l’ensemble constitue là di-
\ gestion.
^ Ainsi la digestion est une fonction d’un ordre
“ secondaire , propre aux animaux , et dont l ’existence,
ainsi que celle de la cavité alimentaire
; dans laquelle elle s’opère, est nécessitée chez eux
|par la faculté qu’ils ont de se mouvoir volontairement
j mais ce n’en est pas la seule conséquence.
Les végétaux ayant peu de facultés, ont une
[organisation très-simple ; presque toutes leurs parties
sont composées de fibres parallèles, ou peu
[divergentes. De plus, lèur position fixe permettoit
|que le mouvement général de leur fluide nourri-
'cier fût entretenu par les simples agens extérieurs :
'aussi paroît-il qu’il se porte de bas en haut par l’effet
[de la succion de leur tissu spongieux ou capillaire
et de l’évaporation qui se fait à leur cime, et que
8011 mouvement dans ce sens est d’autant plus