l’érection d’un moristan e t de plusieurs tékyeh, bien avant ce moristan devenu
si célèbre au Kaire ; mais il n ’en reste plus aucun vestige.
Le Moristan El-Kébir est construit au centre de la ville, dans le q u a rtie r
appelé Beyn-el-Qasrein, en tre les deux châteaux. L’emplacement qu ’occupe cet
hôpital fait face au beau collège qu ’avait fondé en 662 (1263) le soultan Bey-
b ars, p rem ie r du nom, prin c e de la dynastie des Baharites.
Ce te rra in appartenait o riginairement à Sitt-el-Moulk (la dame du royaume),
fille du khalife fatimite Aziz-Billah et petite-fille de Moez-le-Din-Illah. Cette
princesse avait consacré sa pro p riété à une fondation pieuse, en y faisant cons
tru ire une maison de re tra ite où h u it cents jeunes filles é taient logées e t en tre tenues.
L’hospice de Sitt-el-Moulk, déchu de son ancienne splendeur e t ayant
p e rd u presque tous ses revenus p a r l’extinction du kh a lifa ten Egypte, — El-Man-
sour Qalaoùn, père d’El-Melek-el-Nâcer, jugea convenable de tra n sp o rte r dans
un e a u tre maison un établissement dont l’importance ne répondait plus aux
vastes locaux qu’il occupait, e t il établit dans ces bâtiments un petit hôpital,
un e école publique et un oratoire qui p rit le nom de Qoubbet-el-Mansouryeh
(coupole d ’El-Mansour). Cette première fondation a fait reg a rd e r p a r quelques
écrivains le soultan Qalaoùn comme le véritable fondateur du moristan, e t c’est
p a r suite de cette croyance que plusieurs auteurs donnèrent à cet hôpital le
nom d’El-Mansoury, du surnom que portait le soultan Qalaoùn.
Les p remiers bâtiments fu ren t édifiés l ’an 682 (1283) ; les travaux furent
dirigés p a r l ’émir Alem-el-Dyn Sangar-el-Chougay, et conduits avec une telle
activité qu’ils fu ren t terminés en onze mois e t quelques jours.
Un des mamlouks de Melek-el-Mausour Qalaoùn, d it Qualremère, lém ir
Alem-el-Dyn Sangar-el-Chougay, avait été nommé inspecteur des travaux de
construction de l’hôpital El-Mansoury, situé entre les deux palais. 11 faisait tra vailler
les ouvriers et les maçons à coups d’arbalète, e t ceux mômes qui se trouvaient
à une grande distance ne pouvaient échapper à la surveillance qu’il
exerçait du h au t d’un e échelle. Suivant ce que l ’on rap p o rte , l’un des ouvriers
é tant un jo u r tombé d’une échelle à côté de lu i et s’é tan t tu é , cet accident ne
causa aucune émotion à Sangar, qui ne quitta pas même sa place; il se conten
ta de faire e n te rre r ce malheureux.
L’acte de donation est de l ’année 685 de l’hégire. Qalaoùn o rd o n n a , en
mourant, qu’on l ’ensevelît dans l’oratoire qu’il avait fondé, sous la coupole à
laquelle il avait donné son nom.
Dès que le second fils de Qalaoùn, El-Melek-el-Nâcer, se v it affermi su r le.
trô n e , il consacra ses soins à l ’agrandissement ë t aux conforts de l ’hôpital
qu’avait fondé son père..Ces agrandissements fu ren t si importants q u e , depuis
cette époque, El-Naceri, comme on l ’appelait vulgairement, fut considéré généralement
comme le véritable fondateur du moristan. C est à ce fastueux prince,
si bélèbre au Kaire par maintes in s titu tio n s , que cet établissement d u t l’extension
et la splendeur qui lu i avaient fait donner le nom de Moristan El-Kébir,
ou le grand hôpital.
D’abord l’oratoire construit par Qalaoùn fut agrandi e t converti en une
belle mosquée ; puis on en construisit une au tre non moins splendide en face
de là première. Les bâtiments d e - l’hôpital devinrent plus considérables ou
furent partagés en divers corps de logis où chaque espèce de. maladie avait un
local p articulier et son médecin spécial, choisi parmi ceux qui s’é taient illustrés
pa r la science. Une partie importante de l ’édificë fut réservée p o u r les aliénés
des deux sexes; qui y fu ren t soigneusement traités dans de vastes portiques
rendus aussi sains qu’agréables p a r des eaux jaillissantes e t des canaux d eaux
vives dont la fraîcheur invitait au repos e t au bien-être.
Des revenus considérables fu ren t attachés à l’établissement et fo u rn iren t
abondamment à l’achat des remèdes, aux émoluments des médecins e t aux
secours distribués* journe llement aux pauvres et aux valétudinaires de la
ville.
Pour donner un e idée de la libéralité d’El-Nâceri,' il suffit de savoir que la
dépensé de chaque malade é ta it fixée à 1 dynar (12 à 45 francs de notre mon-
• naie) p a r jo u r. Les personnages les plus importants briguaient l’honUeur d ’étrd
chargés de l ’intendance e t de l’administration de cet établissement de bienfaisance.
Les cheikhs se disputaient ces fonctions honorables, toujours gratuites,
e t ceux qui les avaient exercées se glorifiaient du surnom d ’El-Moristany, qu’on
p eu t trad u ire p a r celui d’hospitalier; plusieurs ont porté ce titre toute leu r
vie, c a r là p lupa rt ont jo u i pendant toute leu r existence des bienfaits du fondateur.
Les médecins apportaient plus d’attention à l’air qu’aux a lim en ts, parce
qu’on ne mange que p a r intervalles, tandis qu’on respire continuellement. Ils
plaçaient le s malades dans de grands ou de petits appartements dirigés vers le
midi ou vers le nord, chauffés par des fumigations aromatiques'; ou refroidis de
différentes manières, suivant la nature de l’affection. 11$ donnaient du mouvement
à l’a ir au moyen d’immenses éventails qui allaient d’u n bout à l’au tre de
la salle, comme ceux de l’Inde, appelés Pankas; ailleurs, ils couvraient le plancher
de branches de henné, de grenadier, de lentisque o n d e pampres odorants.