privilège d ’aller à cheval et en u san t dans toute son étendue.: à la ville, à la
campagne, en visite même de porte en porte, on ne les voyait jamais qu’à
cheval. Leur habillement s’était joint aux préjugés, p our leu r en imposer l ’obligation
; aussi, allons-nous donner les moindres détails su r cet h abillement.
C’était d’abord une ample chemise de toile de coton claire et jaunâtre,
p a r-d e s su s laquelle ils revêtaient une espèce de robe de chambre en toile des
Indes, ou en étoffes légères de Damas et d’Alep ; cette robe, appelée Antari,
descendait depuis le cou ju sq u ’aux chevilles e t croisait su r le devant du corps
jusque vers les hanches, où elle se fixait p a r deux cordons. Sur cette première
enveloppe on en mettait une seconde, de la même forme, de la même ampleur,
e t dont les larges manches tombaient également ju sq u ’aux bouts des doigts, on
l'appelait Qoft&n; elle é ta it de soie, mais d’étoffe toujours plus rich e que la
p remière. Une longue c e in tu re -serraitce s deux vêtements à la taille, partageant
le corps en deux pa rtie s. Par-dessus ces deux robes on en p o rta it une troisième
qui se nommait Djaubé; elle é ta it de drap sans doublure e t de la même forme
générale, à l ’exception des manches qui é taient coupées au coude. Dans l ’hiver
e t souvent même dans l’été, ce djoubé était garni d’une fourrure e t prena it
alors le nom de Pelisse. Enfin, par-dessus tous ces vêtements, 011 en mettait un
d e rn ie r, appelé Beniche ,\c ’était le manteau ou plutôt l ’habit de cérémonie; son
emploi se b o rn a it à couvrir exactement tout le corps, même le bout des doigts,
q u ’il eû t été très-indécent de la isse r p a ra ître devant les grands; sous le b eniche,
le corps avait l ’a ir d ’u n long sac d ’où sortaient u n cou n u e t une tête sans
cheveux, couverte d ’un turban. Enfin, dl y avait encore un au tre habit de cérémonie,
appelé Qaoûq, qui formait un cylindre jaune, garni au dehors d’un
rouleau de mousseline artistement compassé. Les pieds des mamlouks étaient
couverts d ’un chausson de c u ir jau n e qui remontait ju sq u ’aux talons e t d ’une
pantoufle sans q u a rtie rs, toujours prête à re s te r en chemin. La pièce la plus
singulière de le u r habillement était une espèce de pantalon, dont l ’ampleur
é ta it telle que dans sa h a u te u r il a rriv a it ju sq u ’au menton, et que chacune de
ses jambes a u ra it p u recevoir le corps tout e n tie r; il é ta it fait d ’un drap de
Venise qui, quoique aussi moelleux que l ’Elbeuf, était plus épais que la bure.
Pour ma rche r plus à l ’aise, ils y renfermaient, sous une ceinture à coulisses,
toute la partie pendante des vêtements dont nous avons parlé : on conçoit
a isément qu ’ainsi emmailloltés, les mamlouks ne pouvaient devenir des piétons
agiles.
Passons maintenant à l ’équipement de le u r cheval, lequel a laissé dans
bien des imaginations l ’idée romanesque d ’une splendeur légèrement surfaite.
Suivant l’usage traditionnel, les mamlouks donnaient au cheval une selle dont la
charpente grossière était chargée de fer, de bois e t de c u ir: su r cette selle,
s’élevait u n troussequin de h u it pouces de hauteur, qui couvrait le cavalier
ju sq u ’aux reins, tandis que, su r le devant, un pommeau de quatre à cinq pouces
menaçait sa poitrine, quand ii se penchait su r la selle. Au lieu de coussins, ils
plaçaient trois épaisses couvertures de laine. Le tout était fixé p a r une sangle
qui passait su r la selle e t s’attachait, non p a r des boucles à ardillon, mais
p a r des noeuds de courroies peu solides e t très-compliqués. Ces selles avaient
un large poitrail, mais sans c ro u p iè re ,'c e qui les je ta it su r les épaules du
cheval ; les étriers consistaient en une! plaque de cuivre plus longue e t plus large
que le pied, dont les côtés, relevés d’un pouce, venaient m o u rir à l'anse d ’où
ils pendaient; les angles de cette plaque é taient tranchants e t servaient, en place
d ’éperon, à ouvrir les flancs p a r de longues blessures. Le poids ordinaire
d'une paire de ces é trie rs était de 9 à 10 livres : de leu r côté, la selle et les
couvertures pesant près de vingt-cinq livres, le cheval supportait ainsi, tout
d ’abord, un poids d’au moins trente-six livres, poids exorbitant p o u r des chevaux
Égyptiens qui sont très-petits de taille. Quant à la bride, elle était de
l’espèce dite — à la genette, sans articulation; la gourmette, qui n ’é ta it qu ’un
simple anneau de fer, s e rra it le menton, au point d’en couper la peau.
Nous parlerons peu de leurs a rm e s, parce qu’elles ont va rié -san s cesse
avec les besoins de la guerre. Celles du temps des croisades sont connues par
des spécimens conservés dans divers musées. Cependant nous devons dire que,
sous leurs magnifiques vêtements de so ie, brochée d’or, ils p o rta ien t des
armures ; à l ’arçon de la selle pendaient souvent une masse d’armes et des javelines
renfermées dans u n é tu i; l’épée droite était Usitée dans les anciens temps,
mais le sabre courbe ou cimeterre, dont l ’usage a été tardif parmi eux, était
devenu leu r arme de prédilection.
L’exercice des armes fut l’occupation favorite e t constante des mamlouks;
en effet, là où les évolutions sont ignorées, où les jeux guerriers suffisent p our
les apprendre, l’exercice des armes est to u t l’a rt militaire ; le maniement de
l’arc et du djerid exigeait en effet une constante occupation, avant l ’invention
des armes à feu. Pourtant l’exercice du djerid s’est continué ju sq u ’à nos jo u rs,
parce qu’il est p our tous un amusement et u n jeu d’adresse.
On se réunissait dans une plaine à proximité du Kaire, et là, courant à toute
bride, les amateurs se lançaient d’assez loin, — selon les principes qui ont dû
ê tre ceux des Romains p our le pilum, — se lançaient, disons-nous, au lieu de