Peu de mosquées sont des lieux uniquement consacrés à la p riè re : la plup
a rt ont des annexes d’utilité publique ; c’est souvent une école p our les enfants,
c onstruite en forme de kiosque saillant su r la ru e , c’est-à-dire, en dehors de la
mosquée; au-dessous se trouve généralement une fontaine, Sibyl, qui tire son eau
d ’une citerne. Dans les pays orientaux,-les fontaines sont toujours publiques.
On pèut encore considérer comme annexe le tombeau d ’un saint personnage
ou du fondateur, surmonté d’une Qoubbet ou coupole*, à moins toutefois que la
mosquée elle-même ne soit une annexe du tombeau auprès duquel on l’a bâtie,
tan t l’orgueil humain l ’emporte su r le véritable sentiment religieux.
Pour mieux étudier ces édifices, nous allons suivre l’ordre chronologique
de leu r construction.
Mosquée d’Amrou du d'Amr..
20® année de l’hégire, — 640 de l’ère chrétienne.
C’est au règne d’Omar, successeur d ’Àbou-Beker, qu’il faut faire remonter
l’origine de l’archite cture arabe. La mosquée bâtie p a r ordre d ’Amr, lors de la
prise de l’Égypte, en est aujourd’hui le plus ancien spécimen, puisque la mosquée
élevée p a r ordre d’Omar à Jérusalem fut rebâtie su r u n nouveau plan,
l ’an 80 de l ’hégire, par El-Walid, qui la couvrit d ’un dôme de cuivre doré, riche
dépouille d ’une église de Baalbek. C’est aussi El-Walid qui, le premier, lit
construire ces tours élevées,nommées minarets, qui sont actuellement une partie
essentielle des mosquées.
À l ’époque où les Arabes s ’emparèrent de l ’Égypte, ils n ’a v a ie n t’éncore
d ’au tre temple que la Kâabah de la Mekke et ignoraient entiè rem ent ce qu ’on
appelle « a rc h ite c tu re» .
La mosquée d’Amr, bâtie avec les anciens matériaux qu’on ramassa à
Bab-el-Oun, fut, d ’après la tradition, construite p a r un a rchitecte chrétien
nouvellement converti à l ’islamisme.
Imbu du style des édifices de son ancienne religion e t des idées de cette
époque d e ’décadence et de b a rb a rie , il se serait peu préoccupé, d ’assortir les
matériaux de toutes provenances préparés pour le nouvel édifice : il s’y rencontrait
à la fois, en effet, d ’anciennes colonnes de m a rb re , des fûts et des chapiteaux
de tous ordres et de tous âges, égyptiens, gre c s, rom a in s, byzantins,
dérobés aux anciens temples e t aux églises chrétiennes.
Le plan de la mosquée présente un c arré de 120 mètres de côté; au
milieu se trouve une grande cour entourée de péristyles. Là, près de trois cents
Colonnes s’alignent, su r u n seul rang du côté dè l’entrée, su r deux rangs dans
les côtés latéraux, et su r cinq du côté de l’orient, ou se voit un mihrab (lieu
d’adoration) assez mal orienté.
Construite en brique e t presque ruinée aujourd’h u i, cette mosquée fut
cependant réparée, modifiée e t agrandie à diverses époques.
L’an li38, le khalife Mostanser fit déplacer la p ie rre qui faisait face au
mihrab p o u r faire élargir le maqsourali, des deux côtés de l’o rien t e t de l ’occid
e n t; par son ordre,, on attacha su r le devant du grand mihrab une plaque
d ’argent sû r laquelle fut gravé le nom du khalife : Omar, e t les deux colonnes
du mihrab fu ren t entourées de bandes du même métal.
L’an Mi 1, on revêtit d’une couche d ’or la muraille méridionale de la mosquée,
jusque près du inimbar.
L’année suivante, on construisit un mihrab en planches de sadj, bois précieux
aujourd’hui inconnu, employé pour les meubles à cette époque; il était
couvert d’ornements peints e t soutenu p a r deux colonnes de bois de sandal. 11
y avait alors un maqsourah de bois destiné à recevoir l ’iman pendant l ’été et
que l’on enlevait pendant l ’hiver, parce que, à cette époque, l ’iman se plaçait
dans le grand maqsourah.
Trois ans après, on fit bâ tir u n nouveau minaret qui est également disparu
aujourd’hui.
Enfin, cette mosquée fut encore réparée ou plutôt reconstruite en grande
p artie p a r Mourad-Bey peu de temps avant l ’invasion des Franç a is; il en avait
relié les deux minarets e t la piscine octogonale.
Observons ici, à propos des colonnes des péristyles qui supportent aujourd’hui
les arcades ogivales su r lesquelles s ’appuie la terrasse au-dessus des galeries,
que l’inspection de quelques vieilles fenêtres à plein cintre e t ornées d ’un
bandeau, nous porte à croire que, primitivement, toute la mosquée devait être
construite dans le u r style.
Les chapiteaux en sont aussi curieux à é tu d ie r; ils forment une série des
types les plus variés : la p lupa rt appartiennent au composite romain des bas-
temps e t au byzantin. Comme exemple nous citerons le gros abaque cubique
e t celui qui porte une croix au milieu du tailloir.
La mosquée se ruine incessamment et nécessite de constantes rép a ra tions.
Quand une pa rtie s’é croule, on la re stau re tant bien que mal; on double
les colonnes au besoin, on substitue des piliers aux colonnes brisées, et, lorsque
l’on ne rencontre plus de matériaux à la portée de la main, on l’abandonne à la
garde de Dieu ; c’est le cas aujourd’hui!.;' '