PORTES.
(p l a n c h e s x c v a c v i i .)
Afin de protéger l’intérieur des mosquées et dans le but de clore certaines parties d’une-
destination secondaire, l’islamisme avait compris qu’à l’imitation des anciens dans leurs
temples et des chrétiens dan§ leurs églises, il devait faire usage, comme système de fermeture
de portes, de vantaux de forme, de nombre et de dimensions divers, dont les faces antérieures
et postérieures pouvaient-, suivant les circonstances, recevoir une décoration d’une1
plus ou moins grande richesse.
Selon toute apparence, la nature ou la constitution de ces vantaux fut assez variée.
Ainsi, on en fit de bois sculpté, peint et doré, ou de pièces rapportées, avec des compartiments;
on en composa également de métalliques, c’est-à-dire de fer ou de bronze.
Dire qu’il y a eu, chez les Arabes, des vantaux de portes de bronze, c’est avancer que la
fonte de ce métal a été pratiquée par ce peuple et assigner aux oeuvres de cette industrie'
une date particulière, c’est prouver que cet art a parcouru des phases diverses. Or tout travail
qui, par sa nature, tendrait à rechercher ces transformations, à les définir, à les classer,
pourrait être considéré comme une espèce d'histoire de cette branche de la technique.
Ce serait un sujet assez intéressant à entreprendre que l’histoire de la métallurgie arabe,
et nul doute qu’il y aurait là, sous plusieurs rapporte, bien des notions à connaître et bien
des faits à signaler; car pour le traiter d’une manière convenable, il ne faudrait rien moins
que passer en, revue tout ce qui, .comme métaux, a pu être employé ou exécuté à différentes
époques.
Ces oeuvres, qui donnent au moins une idée de l’état de l’art à l’époque de leur exécution,
fournissent une preuve irréfragable que la fonte des métaux, mais plus spécialement
celle du bronze, fut dès une certaine époque pratiquée et cultivée par les Arabes. ,
Il est peu de mosquées, au Kaire, dont les portes principales ne soient pas ornées
d’appliques de bronze, niellées ou damasquinées d’or ou d’argent. .Nous avons représenté de
ces portes en grand nombre et toutes variées : quelques-unes remontent à une époque reculée.
Les plus élégantes et les plus complètes sont celles de la mosquée d’El-Youçoufy, dont
les damasquinures ont disparu, mais dont on retrouve encore les traces. Celles delà mosquée
d’El-Khanqah, que nous avons reproduites aussi, contiennent des figures d’animaux qui subsistent
dans un des angles; ces figures ont été probablement dessinées par le compositeur,
mais elles ont été oblitérées dans les autres compartiments par un ciseleur trop scrupuleux.
La disposition et l’ornementation de ces portes ne varient guère. On retrouve tous les
éléments d’une donnée générale dont on ne s’écarte p as, car les mêmes parties constitutives
y occupent constamment les mêmes places. Si ce n étaient les inscriptions* la disposition
est la même que celle de certains panneaux de marbre ou de faïence, et de la plupait
des tapis de cette époque.
Les portes de bronze qui ornent les mosquées du Kaire ne sont pas fondues ën
bronze solide, mais seulement faites de bronze appliqué sur un fond de bois. Les portes de
l’église de. Sainte-Sophie, transportées de Gonstantinople à Venise où elles décorent l’église
de Saint-Marc, sont fondues en bronze massif.
A la mosquée de • Cordoue, il y a cinq portes de bronze, ou revêtues de plaques de cè
métal; il y en avait jadis vingt et une semblables.
Mosquée de Thélây Abou-Rezyq. Face et revers de la principale porte (pl. XCV). —
Cette porte est d’une époque plus récente que l’édifice dont elle fait partie, et nous paraît
dater des restaurations faites après le tremblement de terre, par ordre du soultan Moham-
med-ben-Qalaoûn.
On voit sur la même planche l’ensemble et les détails de la double ornementation de
cette belle porte. Elle est décorée d’un revêtement de bronze découpé et ciselé. Le tracé
géométrique, au lieu de së dessiner en relief par un boudin ou une mouluré, apparaît au
contraire en creux, comme si la décoration était incomplètë; mais on ne. remarque aucune
trace des clous qui auraient servi à assujettir les baguettés, et'il est certain qu’elles n’ont
jamais été appliquées. Du reste, la porte de la mosquée d’El-Maz présente la même singularité.
Certaines parties de la décoration de l’Alhambra sont faites aussi par petits compartiments
en saillie sur le fond, , de manière que tout le tracé géométrique soit en creux.
Au revers, la porte est décorée dans le bois par des arabesques entaillées sur les cinq
panneaux, qui forment un vantail encadré par une découpure de bronze.
Gama Barqouq. Porte de bronze (pl. XGVI et XGVII). — Au lieu d’arabesques, cette
porte extérieure est couverte de godons symétriquement distribués, d’un très-bel effet ; elle
né porte aucune trace de damasquinure, et tout nous fait croire que ce revêtement était
de bronze uniforme, sans autre effet que le relief même.
Vantaux dans le tombeau de Saleh Salah-el-Dyn (pl. XCIX). -rf. L’Exposition universelle
de Paris, en 1867, a donné une bien fausse idée des édifices arabes et, en particulier,
des portes. Excepté celles du Salamlik, décorées d’appliques de bronze moulées sur l’entrée
de Sibyl Kyahya (pl. CV), toutes les portes de bois présentaient de mauvais pastiches. Elles
avaient été faites, au Kaire, par un ébéniste piémontais qui avait intercalé quelques panneaux
authentiques dans des cintres, des bordures et des colonnettes d’un style bâtard, inspiré
par les planches de l’Alhambra. Les badauds, et même les artistes, s’y sont laissé prendre.
Les portes arabes sont beaucoup plus simples, et leurs lignes principales plus régulières.
Celles que nous,publions ici,, et qui datent du xiv® siècle, sont d’un style admirable.
Il serait bien difficile, avec si peu de lignes, de produire un plus bel effet.
Le vantail d’une armoire, avec ses ornements qui simulent ou rappellent des caractères
koufiques et son couvre-joint orné d’arabesques d’un goût exquis, est fort beau.
Le vantail d’un volet, tiré du même tombeau, est moins original; mais, avec ses panneaux
ornés d’inscriptions, il est aussi sévère qu’élégant.