Nil complet (Ouafa), ce qui n ’avait pas eu lieu une seule fois depuis le renversement
de la dynastie si reg re tté e des Toulonides et le rétablissement du
gouvernement d ire c t des Àbbassides ; le peuple en tira la conclusion que Dieu
réprouvait ceux-ci e t favorisait ceux-là.
Voyant l ’Egypte h eureuse e t tranquille sous son administration et les
ennemis extérieurs peu redoutables, Djouhar fit succéder à ses soins adminis-;
iratifs l’exécution d’u n immense p ro je t; la formation d’une nouvélle capitale
p o u r le royaume d ’Egypte.
La fondation de nouvelles villes était, en ce temps-là, devenue dans
l’Orient unie mode générale. Les princes souverains, les vice-rois des provinces,
laissaient s ’é croule r e t devenir désertes les villes déjà existantes; puis, près de
la ville abandonnée, souvent même avec ses débris, ils en bâtissaient une nouvelle
qui p o rta it le nom d u fondateur, ju sq u ’à ce que, tombée en ru in e à son
tour, elle v în t fo u rn ir les matériaux d ’une autre.
Les capitales de royaumes changeaient donc ainsi d’emplacement; l’Egypte
avait vu Thèbes, remplacée p a r Memphis sous les rois de races égyptiennes;
Memphis avait ensuite partagé le titre de capitale avec la Babylone des Perses;
puis l’une e t l ’au tre l’avaient cédé à l’Alexandrie du conquérant grec e t des
Ptolémées. L’invasion musulmane avait déshérité celle-ci en faveur de Fostat,
la ville d ’Amr, qui, sous les Toulonides, avait été presque abandonnée pour les
cités militaires d’El-Qatayah et d ’El-Aslter.
Le nouveau conquérant de l’Egypte, Djouhar, prétendit, à son tour, transmettre
aux siècles futurs le souvenir de sa conquête p a r la fondation de la ville
des Fatimites e t il résolut de la ren d re digne de rivaliser avec Baghdad, la ville
des Abbassides ; le tracé de la nouvelle ville fut exécuté l ’an 359 de l’hégire
(970 de l ’ère vulgaire).
Son enceinte embrassait un espace beaucoup plus considérable que celui
des cités qu’elle devait remplacer ; ses murs, p a rtan t de ceux de Fostat, remonta
ien t au nord en s’éloignant du fleuve e t longeaient à gauche le Khalig; puis,
après l’avoir traversé, s’éca rtaien t de la rive orientale et, redescendant au midi
ju sq u ’au-dessous du Moqattam, venaient se ra tta ch er encore à Fostat, enfermant
ainsi les qu a rtie rs déjà habités d ’El-Qatayah, d ’El-Asker e t de Touloun.
Suivant l ’usage de l ’Orient, les fossés qui indiquaient l ’enceinte fu ren t
creusés avant qu ’aucune construction ne fût commencée; mais l ’in stan t précis
de la pose de la première p ie rre d u t ê tre déterminé par les horoscopes des
astronomes, e t cela, d ’après les ordres mêmes du khalife fatimite El-Moez-le-
Din-Illah.
L’instant précis devait ê tre à l’h eu re de l ’ascension de la planète Mars, dont
le nom arabe El-Kaher signifie : le vainqueur.
La nouvelle ville en tira le nom de Mesr-el-Kahirah (la victorieuse), selon
l’usage on y ajoutait le nom de Mesr, qui signifie l ’Égypte, parce que de to u t
temps il avait été affecté au pays et à sa capitale; mais cette appellation fut
bientôt abrégée p a r l’usage, en celle de El-Kahirah (la victorieuse) q u ’elle a
conservée jusqu’à nos jours.
Ce nom doit ê tre considéré, disent les historiens orientaux, non-seulement
comme u n témoignage de la victoire qui venait d’être remportée p a r les Fatimites,
mais encore comme le présage de celles que le ciel leu r accorderait par
la suite contre leurs ennemis.
Ce nom d ’El-Kahirah a été altéré par les historiens des croisades qui ont
écrit Al-Caïro; nous en avons fait le Kaire.
Les fondations de la nouvelle cité furent, avons-nous dit, inaugurées avec
une solennité remarquable; les matériaux, les ouvriers placés au pied d’oeuvre,
étaient prêts à être employés, pendant que les astronomes observaient avec leurs
instruments le passage de la planète Mars au méridien.
L’instant favorable fut à peiné annoncé p a r eux qu ’aussitôt les matériaux
furent mis en place au milieu de mille cris d ’allégresse. Suivant quelques historiens
arabes cependant,|le hasard seul avait p résidé aux destinées de la nouvelle
ville; des cordeaux ayant été tendus to u t autour de l’enceinte e t garnis de sonnettes
pour avertir les travailleurs simultanément du moment précis qui devait
être fixé p a r les astronomes, ceux-ci semblaient ne devoir pas parvenir à s’entendre,
lorsque des oiseaux de proie fondirent to u t à coup su r ces cordeaux et
firent re ten tir le signal convenu ; les ouvriers, trompés, se m iren t en toute hâte
au travail, e t il se trouva que cet instant, indiqué p a r le hasard, fu t précisément
celui de l’ascension de la planète Mars.
Aussitôt la ville tra c é e , Djouhar fit élever u n palais p o u r le khalife et u n
au tre p our son vizir dans le q u a rtie r qui se nomme encore El-Qasrein (les deux
palais) ; puis des maisons furent désignées pour les principaux chefs de l ’armée
et les officiers subalternes. Le re ste des troupes re ç u t l’o rd re de se construire
des demeures autour des édifices qui ornaient déjà la nouvelle capitale.
Trois ans après sa fondation, la ville du Kaire était presque b â tie ; vers la
fin de l’an 361 de l’hégire (971 de l’ère vulgaire), le khalife El-Moez-le-Din-Illah
se décida à q u itte r ses Etats barbaresques p our v en ir jouir de sa conquête. Ce
prince, s’il faut en croire son historien Ben-Chomah, avait fait fondre, avant
son départ, tous ses trésors d’or et d’arg en t en lingots énormes, dont la gros