L’arcade de la porte est à plein cintre e t soutenue p a r des pieds-droits
ornés de moulures ; la corniche à modifions qui les coupe aux deux tiers de
leu r h au teu r e st de bon goût et d ’une belle exécution. Des boucliers, ornés
d ’épées, sculptés su r les deux tympans de l ’arcade, ressemblent à un ornement
romain, ainsi que les écus,-qui décorent les faces des deux tours (fig. 8 e t 9).*
Tout rappelle ici l’architecture du Bas-Empire; les sofïites à crochets e t les
légendes de la frise prouvent seules que ce beau et sévère monument appartient
à l ’archite cture arabe e t a ttestent que les constructeurs de cette époque savaient
va rie r leu r architecture, suivant la convenance et l’objet de leurs édifices.
Une petite mosquée construite près de Bab-el-Nasr, e t qui semble lui servir
de terme de comparaison, fait encore mieux ressortir le style grandiose de cette
porte.
La porte de Bab-el-Foutouh ou porte des conquêtes, bâtie l ’année â8Zt de
l’hégife e t attribuée aux trois frères du pays d’Orfa, a des to u rs rondes ou p lutôt
elliptiques (fig. 10) ; elle est d’une construction plus lourde que la porte de
Bab-el-Nasr, mais les sculptures dont elle est revêtue sont aussi soignées, quoique
les ornements en soient rép a rtis avec moins de goût. Les moulures plus
nombreuses s’encadrent au lieu de suivre les assises de ï ’édificê. Les ornements
de cette porte, son plein cintre, orné d ’u n découpure en festons; ses arcs de
décharge au-dessus de sofïites plates, ses m eurtrières, les créneaux qui la couronnent,
to u t en elle porte bien plus le cachet de l ’a rt arabe que dans .'délie de
Bab-el-Nasr. Quoique le style soit plus sévère que celui d e là p lupa rt des édifices
arabes, on n ’hésite pas u n seul instant ¿ a ttrib u e r ce monument à l’architecture
arabe, tandis qu ’au premier coup d ’oeil on p ren d ra it la porte de Bab-el-Nasr
p our u n édifice romain, e t qu’il faut u n long examen pour la re stitu e r à s e s s
véritables constructeurs.
Malgré toutes ces particularités, cette porte, comme la précédente, surpasse
de beaucoup les monuments du même genre, construits au Kaire, dans les
siècles suivants.
La h a u te u r de l’une e t l’au tre de ces portes, sous clef de voûte; est infé-
rieu re à celle de la porte Saint-Denis, à Paris. Elles ont une o uverture d e moitié
de la grandeur de celle-ci e t leur élévation totale ne passe pas 22 mètres.
La porte de Bab-el-Zoueyleh est la troisième porte attribuée aux célèbres
architectes d’Orfa; elle se trouve aujourd’hui dans l’in té rieu r de la ville,
a ttenant à la mosquée d ’El-Moyed; c’est le co nstructeur de cette mosquée qui
fit surmonter la porte de deux minarets symétriques. (Pl. III, p. 78.),,: .
Ce qui contribue su rto u t à faire de cette porte u n monument remarqué,
c’est qu ’elle a servi de d emeure à u n santon, mort en odeur de sainteté, et que
l’on vient encore y attacher des mèches de cheveux, en forme d ’ex-voto. En
outre, toutes les exécutions capitales de haute importance y ont eu lieu ; ainsi
le sultan Selym, après la défaite de Tomân-Bay, le fit p endre à cette p o rte , où son
corps re s ta pendant trois jo u rs exposé aux outrages de la populace.
La célébrité dont cette porte a joui lui a valu de la p a rt du poëte arabe,
Mohammed-ebn-Sely, cet éloge pompeux : « 0 mon ami, si vous aviez vu Bab-
el-Zoueyleh ! C’est une porte qui a la voie lactée pour vêtement, et Sirius pour
ornement, e t l’idole nommée le Lat brille su r sa façade. Si Pha raon eû t vu cette
porte, il n ’au ra it plus voulu de son palais, ou il n ’en a u ra it pas ordonné la construction.
» Cette description a été beaucoup surfaite, car cette porte n ’a que
de simples moulures pour ornements e t ses deux tours rondes n e correspondent
pas au style de la mosquée. Seuls, les deux minarets qui la surm o n ten t aujourd’hui,
mais qui sont d’une époque bien postérieure à sa construction, ont une
certaine valeur artistique.
Sur le pourtour de l ’enceinte fortifiée du Kaire, il existait u n grand nombre
d’autres portes, mais leu r architecture ne mérite aucune mention.
Cette enceinte existe encore en grande partie, quoique su r certains points
elle a it été détruite p a r des constructions particulières qu’on n ’a pas c ru devoir
interdire. C’est le côté no rd , près duquel devaient jadis se voir les tombeaux d ’un
certain nombre de khalifes e t des plus notables personnages, qui est le mieux
conservé. Nous avons pu en v isiter en détail la plus grande pa rtie ; nous avons
pa rcouru ces anciennes fortifications, depuis Bab-el-Charié ju sq u ’au delà de Bab-
el-Nasr : elles p résentent un ensemble de tours de formes diverses, reliées p a r
une double muraille qui enferme un chemin couvert d’environ trois mètres de
largeur. Cette double muraille é ta it percée de m eu rtrières e t, d ’espace en
espace, se trouvaient des escaliers conduisant au niveau du sol; des p uits é taient
ménagés à l ’in té rieu r e t des mâchicoulis é taient construits à l’exté rieur. La partie
qui avoisine Bab-el-Foutouh a conservé les anciens c réneaux arabes, dans lesquels
on a pratiqué des m eu rtrières en les remplissant.
Les tours e t les portes, fort inutiles pour un pacha souverain, puisque
les habitations les envahissent aujourd’hui de chaque côté, sont encore armées
de vieilles caronades françaises de fer, montées su r leu rs affûts. Tout y est resté
à peu près dans l’é ta t où l’a laissé le dép art de l’armée de Bonaparte. Nous avons
encore pu lire avec plaisir, au-dessus des portes, les noms p a r lesquels on les
désignait pendant l’occupation. Nous avons passé successivement p a r la tour
Janot, la tour Pérault et la tour Milhaùt, p our arriver à Bab-el-Foutouh, qui