climat ne fassent fendiller le bois. Les compartiments sont quelquefois très-
compliqués e t d un dessin fort difficile à suivre, quand on n ’a pas l’habitude de
cet enchevêtrement de lignes, qui se croisent en tous sens, comme les fils d ’une
dentelle.
Les grandes pièces que nous venons de décrire p o rta ien t généralement des
noms p a rticu lie rs . Ainsi, dans la maison de Cheikh-el-Sâdat, descendant du
Prophète, maison qui, depuis près de trois cents ans, est restée dans la même
famille, il y a au rez-de-chaussée trois salons q u ’on appelle l’un : Oûm-el-Afrah,
la mère de joies ; le second : Oûm-el-Anouar3 la mère des lumières, à cause des
lu s tre s; et le tro isièm e : Qûm-el-Hamdam, la mère des colonnes. Dans le palais
ruiné, coupé p a r la ru e neuve, on voit une des pièces principales qui s’appelle :
le Salon du Myrthe.
Aux vastes appartements que nous venons de décrire se rattachaient une
multitude de chambres plus ou moins riches e t aérées," à côté de petits réduits
ornés comme des boudoirs, de passages secrets, d ’escaliers dérobés et de nombreuses
cachettes, Comme toutes nos habitations du Moyen âge et de la Renaissance,
les anciennes maisons du Kaire présentaient u n réd u it caché appelé
Muhhba, construit avec solidité e t à l’abri de l ’incendie, p our renfermer les objets
précieux. Enfin elles avaient une porte secrète, Bab-el-Sir, afin de pouvoir
s ’échapper en cas de danger.
Les prescriptions de Mahomet su r la réclusion des femmes et su r la vie des
Arabes, toujours exposés aux avanies du despotisme, avaient réglé la distribution
de ces demeures de façon à cloîtrer la vie et_au besoin à la défendre.
Les murailles des habitations musulmanes ne sont point nues comme celles
de nos demeures. Les murs sont garnis d ’armoires, de niches, de consoles qui
remplacent la p lu p a rt de nos meubles. Une estrade qui lambrisse la paroi du
fond ou les trois principaux côtés de la salle, selon l’importance e t la destination
des pièces* se rt à y placer les divans, qui sont tout à la fois des sofas pour le
jo u r, e t des lits pour la nuit. Avec les moeurs et coutumes des Arabes, il suffit
d apporte r des nattes, des tapis, des coussins et un peu de vaisselle pour meubler
commodément une vaste demeure où rien ne manque du confort q u ’on
recherche dans u n habitation élevée, sous un climat tropical.
Autrefois c’é ta it à la fiancée qu’il était réservé de g a rn ir de beaux vases
l ’habitation conjugale et d ’y apporter le Kourcy El-Emmeh, destiné à recevoir les
vêtements dont on se dépouille le so ir; aujourd’hui on ne lui demande plus rien
de cela : elle y en tre e t elle en so rt presque les mains vides.
L’usage des bains, si fréquents dans l’antiquité, est encore en vigueur en
Orient, et toutes les habitations des gens aisés contiennent deux ou trois petites
pièces consacrées au bain, c’est-à-dire une étuve garnie d ’une baignoire, e t une
petite salle de repos où l’on attend la réaction vitale.
Cette partie des habitations a le plus souffert et nous ne connaissons qu ’une
seule maison où l ’on voit encore quelques restes d ’une époque reculée. L’étuve
et la salle attenante é taient couvertes p a r un plafond percé à jo u r e t g a rn i de
•lentilles de v e rre colorié. Les dalles de marbre qui formaient le pavé de ces
deux salles étaient ornéés d’arabesques en relief, afin que les femmes n ’y
pussent glisser avec les énormes Koubkabs, dont elles ont l’habitude de sè
chausser dans cette circonstance.
Les portes, tant extérieures qu ’intérieures, même celles des armoires, sont
fermées p a r une s e rru re de bois, plus ou moins grande et plus ou moins ornée,
selon lesrCiréonstances.
PARALLÈLE DE MAISONS ÉG Y P T IEN N E S ET ALGÉRIENNES.
Nous avons cherché à donner une idée des anciennes maisons égyptiennes,
qui sont bien différentes de celles que l’on peut voir en Algérie. Il nous a semblé
curieux de comparer les habitations des musulmans dans les deux contrées de
l’Afrique qui ont joué le plus grand rôle dans l ’histoire des Arabes, mais il
est plus facile de s en tir cette différence que de l ’exprimer.
La vie des Arabes, p a r suite de la crainte perpétuelle du despotisme e t de
la réclusion imposée aux femmes p a r la coutume et p a r les moeurs, devait ê tre
toute d ’intérieur, toute de famille. Le silence et la gravité régnaient dans leu r
re tra ite , comme ils faisaient le point le plus saillant de leu r caractère. Pour
n ’exciter ni la cupidité ni la jalousie du pouvoir, il fallait cacher son bien-être
m a té rie l; p a r suite de cette circonstance, toutes les décorations étaient intérieures,
e t les murs ne présentaient du côté d e la rue que quelques ra re s ouvertures,
soigneusement grillées.
En Algérie, les demeures sont plus retirées, plus closes e t plus coquettes
qu’en Égypte; le possesseur semble y vivre en vrai croyant, qui met toute sa
confiance en Dieu e t ne s’-occupe de rien en ce monde, si ce n ’e st de jo u ir des
quatre femmes que le Qorân lui accorde e t auxquelles il a consacré u n appartement
semblable su r les qu a tre faces de son cloître.
En Égypte, l’existence.était plus large, il y avait plus de place p our la vie
publique et pljus de grandeur e t de confort dans la vie privée. La femme semble