Amr. — Et Je so rt de la féconde n ourrice des grands hommes, dé la mère des
a rts, fut décidé !
Au moment où le général arabe pénétrait en Egypte, la population de ce
pays é ta it divisée en deux partis : celui des Grecs conquérants, au nombre de
plus de 300,000, qui observaient les principes religieux des Melkites (royaux
ou impériaux) ; ils occupaient les principales fonctions ou dignités de l ’arméè,
de l’administration ou de la magistrature, et, selon l’usage, s’é taient faits
oppresseurs; celui des Égyptiens autochthones, qui, quoique de différentes
origines, é taient compris sous le nom de Coptes, ils suivaient le rite ja co b ite;
ce d e rn ie r parti comprenait les évêques, les prê tre s, les scrib es, les
a rtisa n s, les marchands e t les laboureurs. Grâce aux conseils de leurs
évêques, les Coptes s’é taient organisés e t armés pour résister à leurs adversaires
et avaient choisi pour leu r chef un des leurs, habile et rusé, nommé
Makaukas, déjà gouverneur de l’Égypte au temps de Kosro'ès et qui s’était
approprié le trib u t tout entie r de la province. L’emploi qu’il avait fait de ses
richesses, sa libéralité envers ses compatriotes, lu i avaient procuré une grande
influence; Mahomet lui-même avait envoyé u n messager à Makaukas et n ’avait
pas dédaigné ses présents. Confiants dans leurs forces militaires, les Grecs, qui
n ’avaient d’au tre souci que de lever les contributions et de p ressurer le
peuple p our lui soutirer tout ce qu’il é ta it possible d’en extraire, négligèrent
la précaution banale de m e ttre la province en état de défense; on comprend,
dès lors, qu’à l’apparition des Arabes, ce ne fut pas la crainte qui domina dans
la contrée, mais l’espérance e t la joie, c a r ces nouveaux venus 'apparurent
comme des lib é ra teu rs qui allaient p e rm e ttre de songer à se débarrasser enfin
du joug intolérable des tyrans de Byzance.
Battues dans un premier combat à l’entré e de l’isthme de Suez, les troupes
impériales se re tirè re n t dans les places fortes. Sans le u r donner le temps de se
refaire, Amr se présenta devant la ville de Farama, l ’ancienne Péluse, qui commande
l ’entrée du Delta et, malgré l’inexpériénce des Arabes, la ville fut
soumise au bout d’un mois.
Cette clef de l ’Égypte en le u r possession, deux routes s’ouvraient aux
musulmans : suivre le littoral jusqu’à Alexandrie, p our couper aux troupes
grecques toute communication avec la mer, ou se diriger p a r le désert, vers la
capitale de la moyenne Egypte. Ils choisirent le désert, cette route eû t dû leur
ê tre fatale; mais ils se sentaient appelés par les populations envahies, e t peu de
jo u rs après, ils mettaient le siège devant Kars-el-Chama (le château de la
Bougie), forteresse assise su r l’une des croupes du Moqattam, bâtie, croyait-on,
pa r les conquérants perses ; on lu i donnait aussi le nom de Bab-el-Oun (porte
du Soleil).
Amr, après s’être épuisé sept mois devant ces hautes murailles, fit sonder
Makaukas, il promit la vie sauve à tous les Coptes e t le u r g a ran tit la liberté
religieuse, la sûreté individuelle, l ’inviolabilité des propriétés ainsi qu ’une ju s tice
impartiale pour tous.
Gagné dès lors à sa cause, Makaukas, sous p ré tex te que l ’île de Roudah
était pour la garnison u n meilleur camp de défense, fit évacuer la forteresse,
qui fut forcée de se rendre et la garnison réfugiée dans l ’île, se trouvant cernée
de toutes parts, se résigna à capituler.
Après ce succès, Amr se trouva renforcé de tout le contingent des tribus
du littoral arabique accourues à son appel e t p u t songer à la prise d’Alexandrie.
Héraclius, bien qu’il possédât encore une marine puissante e t une nombreuse
armée, ne fit rien pour conserver cette place importante. Il semblait avoir
oublié que le royaume de l ’Égypte faisait pa rtie de son empire. Les habitants,
abandonnés à leurs seules ressources, ne négligèrent cependant aucun moyen
de défense et tinrent quatorze mois contre l’armée d ’Amr. Ce général tomba
même un instant au pouvoir des assiégés : emporté p a r son a rd e u r dans un
assaut furieux, il avait pénétré dans l ’in té rie u r d e là ville e t là, séparé des siens,
pressé par le nombre, il avait été pris et mené devant le Patrice, où sa fière
attitude, sa parole tranchante, donnèrent à penser au chef grec qu ’il tenait en
son pouvoir un des premiers de l ’armée ennemie : « Qu’on lui coupe la tête! »
avait d it le Patrice. —^ C’e st alors qu’O uerdan, l ’affranchi d’Amr, qui avait
été fait prisonnier aussi et comprenait le langage des Alexandrins, coupant la
parole à son maître, l ’apostropha e t lu i dit, en lu i rep ro ch an t son au d ac e :
« Toi, 1 un des derniers de l ’armée, tu veux expliquer l ’intention des chefs,
tais-toi et laisse p a rle r ceux qui doivent p a rle r. » Et le Patrice, trompé, re n voya
1 Arabe à son camp. Quelque temps après, Amr p ren a it la ville.
« J ai pris la ville de l ’Occident, écrivait-il à Omar, il m’est impossible de
décrire la variété de ses richesses e t la beauté de ce qu’elle renferme. Je dois
me contenter de te dire qu’elle contient quatre mille palais, au tan t de bains
publics; quatre cents théâtres ou lieux d’amusements; douze mille boutiques
pour la vente des végétaux e t q u a ran te mille juifs tributaires. La* ville à été
soumise sans traité, ni capitulation. »
Suivant quelques auteurs arabes (Aboul-Farag e t Aboul-Féda), la prise
d Alexandrie aurait été suivie de l ’incendie de la fameuse bibliothèque du Séra-
pion; mais, si l’on songe que la ville même ne fut pas saccagée dans le premier