Le palais d’Ahmed-ibn-Touloun dépassa toutes ces constructions p a r son
étendue e t sa magnificence; il ne le cédait qu ’à celui élevé plus tard par
Khoma-Bouyah, son successeur. Non loin du palais se trouvaient les écuries, qui
contenaient plus de vingt mille chevaux de race. On voyait aussi dans les, édifices
appelés Kataï, construits p a r ordre du soullan, une étable p our les girafes.
Cette ville d’A hm e d ,— dont il ne reste plus qu ’une grande e t belle mosquée
e t le vaste emplacement, connu aujourd’hui sous le nom de Hart-Touloun
(q u a rtier de Touloun), e t probablement aussi toutes les parties dénommées
fiab-Tùuloun (porte de Touloun), Birket-el-Kymân (étang e t buttes de Touloun),
décombres auxquels le peuple a conservé son nom, — n ’e st plus aujourd’hui
qu ’un vaste emplapement abandonné e t dangereux. Certaines parties de la
ville du sud, au to u r de la mosquée, semblent avoir appartenu aussi à ce
quartier. Enfin, l ’édifice que les habitants nomment indifféremment Mestabet-
Faraoun (trône de Pharaon) ou Qalah-el-Kabch (château du Bélier) pa ra ît avoir
appartenu au bastion qui défendait une des portes du palais.
LE VIEUX K A IR E , OU FOSTAT.
On ne se rend pas bien compte des motifs qui ont fait choisir ce point de
la vallée du Nil pour y fonder une ville. Niebuhr d it que les Arabes, en s’établissant
à Fostat, avaient cherché un lieu qui fût à la portée de le u r pays, dont
il le u r fallait souvent tir e r des secours, et placé en même temps d’une manière
centrale, c a r il n ’eû t pas été prudent pour eux de s’établir su r la rive gauche du
Nil. Mais il a u ra it dû ajouter, en p rem ie r lieu, que le voisinage de la vallée de
l ’Égarement, qui vient s’o u v rir su r le cours du fleuve, à El-Baçatyn, a dû
déte rm in e r ces conquérants à fixer près de là l’emplacement d ’un poste déstiné
à devenir un c entre de population; en second lieu, que ce point (la Babylone
d ’Égypte) se trouvait sous la protection de la montagne arabique placée à l ’est
e t qui s ’avance au nord comme un long promontoire; ë t enfin, que ce même
point était à l ’en tré e du canal qui communiqûàit avec celui des deux mers.
Abd-el-Khalif remarque, avec raison, que l ’emplacement de Fostat é ta it mal
choisi sous le rapport de la salubrité, comme trop voisin dû Moqattam et privé,
p a r ce fait, de la salutaire influence du soleil levant. Mais les Arabes ne
pouvaient guère à cette époque avoir fait toutes ces réflexions. On d i t que c’est
après s’ê tre emparé de la ville capitale, occupée p a r les Grecs et appelée Masr
p a r les auteurs arabes, q u ’Amr-ben-el-Aas marcha su r Alexandrie, e t que
l’emplacement de sa tente, qu ’il avait laissée debout pour un motif assez puéril,
devint le siège de la ville nouvelle.
La ville de Fostat-Masr continua d 'ê tre la Capitale, depuis l ’an 20 de
l’hégire (6ft0) ju sq u ’en l’année 359 (969), époque de la conquête de l’Égypte
sous le khalife Moez-le-Din-Illah, prince fatimite qui fit je te r les fondements
du Kaire, c’est-à-dire p endant trois cent vingt-neuf ans. Cependant, Fostat n ’a
été le siège réel de la puissancé politique, que ju sq u ’au moment où Ibn-Touloun
construisit son palais d’El-Qatayah, qui devint le siège du gouvernement des
Toulonides. „
A ce propos Aboul-Féda rapporte que, l ’an de l’hégiré 56/t, les Français
conduits p a r Amaüry s’emparèrent de la ville, e t que Chaour, vizir du khalife
Adhed, craignant que Fostat ne demeurât en tre leurs mains, y m it le feu; la
ville b rû la pendant cinquante-quatre jours. Nous pouvons sans difficulté conclure
de là , que la ville de Fostat ayant encore cette importance lors de la fondation
du Kaire, il est impossible qu’elle a it cessé d’ê tre la capitale u n siècle
avant cette même fondation, e t que le Kaire ne saurait l’avoir été alors, puisqu’il
ne fut entouré de murs qu’en 576 (1176).
Nous n ’entreprendrons pas d’expliquer ces difficultés. Le nom actuel de la
ville qui a succédé à Fostat est Masr-el-Atyqahj l’ancienne Masr, mais on lui a
donné un nom impropre en l’appelant le Yieüx Kaire, puisque jamais Fostat n ’a
porté le nom de Kaire, qui fut donné p a r Moèz à la ville fondée p a r lui.
Qasr-el-Chama renferme des vestiges àntiquesv e t plusieurs couvents coptes.
La mosquée d ’Amr fut construite à la place d’une église de chrétiens, q u ’il
avait rasée. Selon Abd-el-Rachyd-el-Bakaouy, le Qorân to u t entier y é ta it
enseigné en koufique, su r des tables dé ma rbre blanc, avec les titres ornés
en Or e t en azur.
IL E D E RO U D A 1 I.
Ce fut dans cette île que le général Makaukas, qui commandait p our l’empere
u r Héraclius, se réfugia avec une pa rtie de la garnison grecque e t égyptienne,
après avoir été défait p a r Amr et chassé de la citadelle. Elle p a ra ît ê tre le
résultat de l ’ouverture du Canal, connu sous le nom d’Amnis Trajanus, ouvrage
d ’Adrien. Le pe tit bras du Nil qui est à sa droite est-il le commencement de ce
même canal, élargi p a r la puissance du courant, lequel dans cette p a rtie tend
fortement à l’ouest ?
Les Grecs avaient coupé le pont qui unissait cette île à Babylone, mais
10