senti de bonne heure la nécessité d’adopter des couleurs e t des symboles
personnels, p o u r servir de drapeaux et de guidons à leurs troupes.
Dès le xie siècle, on vôit les princes orthokides et même tous les émirs
po rte r des armoiries, si l’on peut appeler ainsi des
marques ou insignes dépendant du goût, des passions
ou du caprice des individus; cependant elles n ’en
on t pas moins, en fait, la même origine que le blason,
ayant été inspirées p a r les mêmes besoins.
En Orient comme en Occident, c’est donc à l ’époque
des croisades que l’usage des m arques distinctives,
emblèmes ou armoiries, s’est imposé à toute
la caste militaire: ce sont, en effet, les croisades qui
ont fait e n tre r dans n o tre blason plusieurs couleurs e t la p lupa rt des pièces.
En Europe, on ne peut pas faire remonter au delà du xe siècle l’apparition
des a rmoiries ; elles semblent avoir commencé avec les tournois et être devenues
d ’un emploi plus général lors de la première croisade, mais elles n ’ont été
régularisées q u ’au xnc siècle, p a r les soins de Louis VII, puis de son fils PhilippeÀugüste;
au xme siècle enfin, elles ont été soumises au code héraldique et
rendues fixes et héréditaires dans les familles.
Les princes orthokides, dès le xn° siècle, avaient adopté pour armoiries
une aigle à deux têtes (fig. 1) qui se re marque
encore su r leurs monnaies e t su r certains
de leurs édifices, ce qui prouve que ce ne fut pas
:l ’empereur Sigismond qui employa le premier
l’aigle à deux têtes dans ses armoiries, comme
l’ont affirmé, à to rt, les héraldistes.
On connaît aussi de nombreux blasons des
soultans e t des émirs. Le mot Renk, qui se rt à les
désigner, n ’est au tre que le terme persan qui veut
dire couleur, et il s’é crit à peu près de la même
iuçon dans lés deux lan g u e s; dans le langage
arabe d’Égypte, il signifie marque distinctive,
insigne, armoirie, bannière.
Mohammed-ben*el-Àhmar, qui créa en Espagne
u n état puissant, p rit en 1248 le titre d ’El-Ghaleb-Billah (le victorieux par
Dieu) e t adopta, su r son écusson (fig. 2 ), la devise : « Il n’y a d ’au tre vainqueur
que Dieu », conservée p a r ses successeurs e t répétée su r toutes les
parties du palais de; l ’Alhambra. Ces armoiries ne sont pas blasonnées bien
régulièrement : la bande qui porte la devise est tantôt alaisée e t tantôt va
d ’un bout à l’autre de l’é c u , qui lui-même est parfois bordé e t quelquefois
ne l ’est pas. Néanmoins, c’est une des armoiries arabes des plus héraldiques et
des mieux blasonnées.
Ahmed-ibn-Touloun avait adopté un lion, emblème de la force e t de la
domination. 11 en avait placé deux à la porte qui servait de communication de
son palais à la mosquée qui p orte son nom.
Salah-el-Din avait choisi, comme symbole de sa puissance, une aigle
éployée, au vol abaissé; on la voit sculptée p a r une main habile et exercée
su r les murs de la citadelle du Kaire, gravée su r des vases e t peinte su r des
coupes émai liées.
Barqouq avait pris p o u r emblème une aigle blanche ou u n gerfaut blanc.
Le gerfaut est u n oiseau de proie, au vol rapide, de la taille du faucon et le
plus grand de ceux que l’on dresse. Suivant l ’opinion commune, l ’aigle est le
roi des oiseaux, mais en réalité ce litre ap p artien t au Sonkor (gerfaut) qui est
toujours mis au premier ran g p a r les a rabes. <
Les armoiries de M elek-el-Daher Beybars sont u n lio n , m a rch an t ou passant,
qu’on voit su r les monnaies et la p lu p a rt de ses édifices (fig. S).
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