O R IG IN E , D É V E L O P P EM E N T E T DÉCADENCE
DE L’ARCHITECTURE ARABE
Dans les chapitres qui précèdent, en suivant pas à pas dans leurs infimes
détails les révélations historiques, nous avons dû nous astreindre à ne pas sortir
de notre cadre, limité que nous étions p a r la nature même de notre sujet :
L’Art arabe, d’après les monuments du Kaire.
Ici, au contraire, arrivé enfin à notre conclusion, nous sommes tenu,
sous peine de laisser n o tre oeuvre in a chevée, d’embrasser des horizons plus
vastes, to u t en ne pe rd an t pas de vue, pourtant, les éléments constitutifs d ’a rt
dont la coordination permit au génie arabe, si merveilleusement poétique e t si
intelligemment exact, de donner naissance à des conceptions dont la puissance
artistique n ’a pu ê tre surpassée, nous allions dire, n ’a pu être égalée depuis.
Le peuple arabe est, sans nul doute, aussi ancien que les autres peuples de
la race sémitique, puisque son nom apparaît dans l’histoire dès les temps les
plus reculés, dans l’un des plus anciens monuments écrits c o n n u s1.
Cependant ses annales, susceptibles d’intérêt, ne paraissent d a te r réellement
que de l’établissement de l ’islamisme, quoique chez ce peuple la culture
de la poésie a it certainement une origine très-reculée.
Nous pouvons néanmoins, sans témérité, prendre cette transformation re ligieuse
pour point de départ d’une ère nouvelle de la civilisation arabe, parce
qu ’en adoptant l ’islamisme, les Arabes rompirent, à jamais, avec leu r passé
pour la p lu p a rt de leurs institutions e t même dans leurs usages principaux.
Si l ’on considère, en outre, qu ’au moment de cette transformation, les tra ditions
de l ’a rt an té rieu r allaient s ’affaiblissant de toutes parts, on comprendra
facilement combien il nous a été difficile de rattacher, d ’une manière incontestable,
l’a rchitecture sui geriens qui en surgit subitement, au système quelconque
d’une époque plus ancienne de le u r ¡existence nationale.
. Nous Lavons essayé e t nous avons osé d’autant mieux le ten te r, que les
inscriptions découvertes récemment su r les débris d’antiques monuments de
l’Arabie ne permettent encore à personne de leu r a ttrib u e r une origine absolu-*
ment arabe ; on serait plutôt autorisé à le u r supposer une origine éthiopienne :
les Éthiopiens, en effet, se seraient à plusieurs reprises rendus complètement
maîtres de tout l’Yémen.
Maintenant laissons la parole à nos prédécesseurs dans ces recherches historiques
si compliquées et cependant si utiles.
La puissante originalité qu’on observe chez les Arabes, en archite cture et
en décoration, a été remarquable dans tous les pays soumis à leu r domination ;
leu r stylé a conservé partout le même caractère p endant toute l ’existence du
grand empire arabe. Quoiqu’il n ’a it complètement fleuri q u ’après les démembrements,
il n ’est pas difficile de reconnaître que c’est dans l’Egypte (considérée
comme le centre de ces manifestations, tandis que l’Inde e t l ’Espagne n’en
é taient que les deux extrémités) qu ’il a atteint sa suprême excellence, ce pays
ayant été assez privilégié pour garder en témoignage de nombreux monuments
qui. malheureusement, tombent rapidement en ruine aujourd’hui, à tel point
qu ’il n ’en re stera bientôt plus que quelques traces dans un temps peu éloigné.
' Cette originalité se pressentit à peine dans les édifices construits p a r les
architectes chrétiens pour les premiers khalifes, au début de la conquête musulmane,
et cela pendant deux siècles et demi, jusqu’au moment oû, dans une
mosquée du Kaire, élevée dans l’année 176 de l’hégire, elle se révéla d ans toute
sa puissance, affranchie de toute imitation des autres styles, bien que l’on n ’en
a it pas rejeté tout à fait l’évidente adaptation de plus d’un de leurs caractères
particuliers. C’est là, du reste, une vieille question, longtemps reb a ttu e et qui a
été diversement résolue. Les uns ont cru y voir une influence byzantine ou une
conception appliquée aux premières mosquées de l’Arabie, dont on ne connaissait
presque rien en Europe, du moins dans leu r é ta t primitif, conception due
à l’exigence religieuse du mahométisme, qui re je tte Limitation de la nature
tout en prônant l’amour du beau.
Mais ces opinions ne sont que de pures théories, auxquelles fait défaut
l’appui de faits relatés par lès historiens arabes ou tirés du style des monuments
existants. Du reste, la recherche des preuves p our les soutenir ou les condamner
a été regardée longtemps comme dénuée d’in té rê t; elle ne nous p a ra ît pas cependant
étrangère au b u t d’u n ouvrage su r les successeurs de ces admirables