Six gouverneurs suivirent; ils ne mé ritent que le blâme de l ’historien et
une mention chronologique.
L’an 961 (1554), Mohammed-Pacha, sévère e t v io len t, ne gouverna pas
longtemps ; il fut remplacé p a r Iskander-Pacha, qui ne re sta que trois mois ;
puis, l ’an 968 (1560), p a ru t A ly-Pacha-Khadem ; ensuite, l’an 969 (1561), Mous-
ta fâ -P a c h a , e t en 971 (1563) Aly-Pacha-el-Soufi, qui altéra le titre e t le poids
des monnaies pour s’en ric h ir; enfin, en 973 (1566), Mahmoud-Pacha, qui fit
étran g le r des émirs p o u r s’empa re r de leu rs richesses ; sa cruauté, son avarice
n ’épargnaient personne et fu ren t cause qu’il périt assassiné.
Après sa m o rt, Sinân-Pacha, gouverneur d’Alep, fut désigné p our gouv
e rn e r l’Égypte; mais à peine avait-il pris possession de son pachalik, qu’il fut
envoyé comme généralissime dans l’Yémen. Pendant la g u e rre , il fut suppléé
au Kaire p a r Tcherltes-lskander-Pacha, dont l'administration sage e t prospère
d u ra près de trois ans. En 979 (1571), il remit le gouvernement à Sinân-Pacha
q u i, après avoir administré encore pendant deux a n s , fu t élevé en 981 (1573)
au grand vizirat. Ce fut alors qu’il fit érige r des monuments qui ont perpétué
ju sq u ’à nos jo u rs sa charité e t sa piété, tant en Égypte qu’en Syrie : il bâtit des
mosquées grandioses, des oratoires, des couvents, etc. Jamais vizir ne l ’a surpassé
n i même égalé p a r d’aussi grandes fondations.
La mosquée de Boulak, élevée p a r ce pacha e t qui- porte son n om , Gama
El-Sinânieh, e st remarquable p a r son p la n , qui rappelle les traditions byzantines.
Elle se compose d ’une vaste salle couverte d’u n dôme e t entourée d ’un
cloître.
Housseyn-Pacha succéda à S in ân ; il était le ttr é , aifable, mais, d’une faiblesse
qui l ’empêcha de rép rim er les p e rtu rb a te u rs , e t, sous sa gestion, des
bandes de brigands infestèrent l ’Égypte impunément. « Vive mille ans la vipère
qui ne me pique pas, » d it un proverbe turlc.
Khadoun-Messyh-Pacha, qui joignait à une physionomie sévère une fermeté
e t une intégrité également rigides e t incorruptibles, fut envoyé pour
gouverner l’Égypte, l’an 982 (4575). Son p rem ie r soin fut de ré p rim er les brigandages
qui désolaient le pays, e t su rto u t les environs du Kaire. Cruel et sanguinaire
pour les malfaiteurs, il ordonna de les re cherche r dans toute l’étendue
de son gouvernement, et, après leu r avoir fait b rise r p a r le bourreau les os des
b ra s e t des jambes, il les faisait exposer su r les grands ch em in s , où le u r mort
lente e t douloureuse te rrifia it les méchants. Ce genre de supplice le fit surnommer
le briseur d'os; mais dix m ille exécutions p urgè rent en peu d’années l’Égyple
des brigands qui l ’infestaient.
Ce pacha fit b â tir, près de la porte du faubourg de Karafeh, une grande
mosquée avec un médresseh appelé de son n om , El-Messyeh, e t u n mausolée
dans lequel il comptait être in h um é , oubliant ce verset du Qorân : « L’homme
ne sait ni le profit qu’il doit faire le lendemain, n i quelle te rre recevra son
corps après sa mort. » Messyh-Pacha fut rappelé d’Égypte l’an 988 (1580); il
l’avait gouvernée près de six ans.
Quatre gouverneurs lu i succédèrent rapidement a u Kaire : Hassen-el-Khâ-
dim en 988 (1580); convaincu de vols e t de concussions, il fut étranglé et rem placé
en 991 (1583) p a r Ibrahym-Pacha, qui se démit de ses fonctions très-peu
de temps après. Un au tre , Sinân-Pacha, lui succéda, mais p rit bientôt la fuite
devant Ayoües-Pacha, envoyé pour lu i faire ren d re compte de ses exactions, et
qui, en voulant ré tablir la d is c ip lin e , souleva contre lu i la soldatesque; ce
pacha fut p ris e t maltraité, ses femmes insultées, son palais saccagé e t pillé. Le
détail du butin, donné p a r les écrivains arabes, mentionne une horloge qui marquait
les jours.
Le gouverneur de Chypre, Hafiz-Ahmed-Pacha-Khadoun, le remplaça en
999 (1590). Habile administrateur, charitable envers les pauvres, il su t se faire
aimer et re sp ec te r; il couronna sa gestion p a r des fondations pieuses; il embellit
Boulak d ’un grand et d’un petit vekialé, d ’un m a rc h é , de plusieurs maisons
destinées à servir de re tra ite aux pauvres familles, e t de palais qu ’il fit
élever dans le q u a rtie r des Chantiers. Le grand vekialé était orné d ’un petit
oratoire placé sur le bord du Nil.
Qourt-Pacha, investi du pouvoir en 1003 (1594), imita la bonne administraf-
tion de son devancier; mais son successeur, El-Seyd-Mohiammed (1004=1595),
auquel on doit la restauration de la mosquée d ’El-Azhar e t du médresseh
Housseyn, ne su t pas prévenir une révolte des tro u p e s, ni se défendre de le u r
agression. Plusieurs émirs fu ren t décapités, la ville fut livrée impunément au
meurtre e t au pillage.
A p a rtir de cette époque e t pendant plus d’u n sièc le , l ’histoire ne relate
que désordres , révoltes successives et fait prévoir vqu e ’ les nouvelles milices
vont devenir maîtresses de l’Égypte, comme l’avaient été les an ciennes, toutefois
avec moins de grandeur e t d ’éclat. C’est à peine si quelques monuments
signalent le passage au pouvoir de ces gouverneurs éphémères et rapaces.
Kheder-Pacha, en 1006 (1597),.fut aussi en butte à l’émeute des troupes
et ne resta pas longtemps en place. Son successeur, le vizir Aly-Pacha, se fit
bien venir des soldats, mais exécrer de la population p a r sa sévérité e t sa ju stice
sanguinaire.