les plus influents des mamlouks, le rejoignit à la frontière; de nombreux partisans
se dé clarèren t alors en sa faveur et marchèrent avec lui. :
Squtenu de la sorte, Melek-el-Nâcer re n tra triomphalement au Kaire, se
re n d it directement au palais e t, pour la troisième fois, re p rit le soultanat.
Beybars, voyant la fortune l’abandonner, s’enfuit à la h â te , assailli au so rtir
du palais, de sarcasmes, d’injures et de coups de pierres. Il se réfugia
dans la haute Egypte, mais, dans sa dé tre sse , il n ’avait pas oublié cependant
d’emporter ses trésors e t d’en d istribue r p our se conserver quelques
partisans.
Le soultan se h â ta d’envoyer à sa pou rsu ite ; on le p rit à Akhnuin; on
l’amena au Kaire où il fut aussitôt étranglé, e t tout l’or qu’il emportait fit re to u r à
l’État. Telle fut l’animosité d ’El-Nâcer, q u ’il fit fermer le couvent (Bokniah) que
Beybars avait fait construire au Kaire e t dans lequel était son tombeau.
In s tru it p a r l’expérience du passé, p a r les dures épreuves de ces révolutions,
le soultan El-Nâcer, à peine âgé de vingt-cinq a n s , combina avec une
sagesse, une prudence e t une fermeté rema rq u ab le s, les moyens d ’asseoir solidement
son autorité au dedans e t au dehors, et de gouverner son peuple en
p ren a n t souci de ses intérêts à l’égal des siens propres.
Il réu ssit d ’abord à établir une paix durable, en épousant la fille de l ’empere
u r ta r ta r e , Esbek-Khan, l ’an 720 (.1322), p u i s ‘il~s’occupa avec a rdeur de
toutes les branches de son gouvernement. Administration, justice, instruction
publique, travaux d’utilité générale, constructions monumentales, il ne négligea
rie n ; son règne e st celui qui a laissé le plus de souvenirs honorables ; il est l ’un
des plus remarquables de l ’histoire des Mamlouks. Passionné pour la chasse et
surtout p our les chevaux, il fit b â tir en 714 (1314), en tre Fostat et le Kaire un
hippodrome qui p o rta it son nom : El-Meïdah-el-Nâceri ; il le planta d ’arbres
fruitiers, qu ’il fit venir de Damas; chaque semaine il venait s’y exercer à la
course e t au je u de paume e t y d istribue r des récompenses. Cette noble passion
des chevaux l ’a rendu si célèbre, qu ’il a inspiré le beau e t savant tra ité d ’hippologie
e t d ’h ip p ia trie intitulé El-Nâceri. Enfin il a mérité qu ’on fît l’apologie
de sa vie dans les termes suivants, que nous transcrivons pour l’édification
de nos lecteurs :
« El-Nâcer était un roi sage e t vertueux; son plus grand titre de gloire est
justifié, au tan t p a r sa sollicitude pour les deux villes saintes que par les pieux
sacrifices qu’il fit chaque année, dans le b u t d’aider les pèlerins. En effet il
entretenait des convois d’eau, des provisions e t des montures, échelonnés su r la
ro u te qui passe en tre la «Syrie e t l’Égypte, pour ramasser les malades ou les gens
attardés. On admire avec raison la magnifique Zaouïa (Ibn-Batoula) qu’il fit bâ tir
à Sériaqos, en dehors de Misr. »
Mohammed-el-Melek-el-Nâcer mourut l’an 741 (1343) à l ’âge de cinquante-
sept ans, après en avoir régné quarante-deux. Il laissa h u it fils qui montèrent
tour à to u r su r le trône après lui, paraissant former comme une dynastie qui
aurait cherché .à s’établir parmi les Baharites, mais qui passèrent rapidement
sans laisser de glorieuses traces. Le septième fils, El-Melek-el-Nâcer III, devait,
comme son père e t homonyme, descendre du trône e t y rem o n te r; la première
phase de son pouvoir dura trois années ; déposé et enfermé à la citadelle en 752
(1353), il fut remplacé par son de rnie r frère, huitième fils d ’El-Nâcer e t nommé
Saleh-Salah-el-Din (El-Melek-el-Saleh II). L’émir Seif-el-Din-Cheykoun, ancien
esclave d’El-Nâcer et qui commençait à faire pa rle r de lu i dans toutes les
affaires, gouverna, p our son maître, pendant trois ans e t se re n d it plus célèbre
que lui.
El Melek-el-Saleh II fu t déposé en 755 (135fi), au profit de son prédécesseur
El-Melek-el-Nâcer-Haçen qui parvint à se maintenir dans ce poste élevé
pendant sept ans, après lesquels il p é rit, victime d’un complot tramé p a r les
principaux émirs; mais il ne disparut pas sans avoir laissé une trace de son
passage au pouvoir. C’est à ce prince que le Kaire doit la belle mosquée située
sur la place de Roumelyeh, 'q u ’il semble avoir bâtie, comme une forteresse en
face de la citadelle, pour s’opposer aux prétentions de ses rivaux.
La mort de flaçen valut le trône à son neveu, âgé de quatorze a n s , qui
prit le titre d’El-Melek-el-Mansour; mais, deux ans ap rè s, il cédait le soultanat
à son cousin Châban-Melek-el-Achraf I I I , a rrière-petit-fils du soultan Qalaoûn.
Ce règne , d’abord assez p a isible, se termina p a r une longue série de catastrophes
e t de meurtres.
Yl-Boghâ-el-Amry, régent du royaume en 776 (1378), fut assassiné dans
son palais e t coupé en morceaux p a r ses propres mamlouks. Le nouveau régent,
Olgay-el-Yousoufy, capta la .faveur du soultan e t alla jusqu’à épouser la mère
du prince; puis, s’é tant fait un parti avec les trésors dont elle le ren d it possesseur,
il leva le m a sq u e , poignarda sa nouvelle femme e t co u ru t vers le palais
du soultan, espérant le surprendre. El-Melek-el-Achraf était su r ses gardes; il
attaqua et poursuivit les conspirateurs et*les accula au bord du N il, où ils se
noyèrent tous. De nouveaux complots avortèrent, mais le soultan, obligé de fuir
pour échapper à un guet-apens, sè réfugia dans une maison où il fut étranglé.
Son fils, encore enfant, fut mis su r le trône ; la régence fut remplacée à
deux reprises, et enfin on y plaça un ancien esclave d ’Yl-Boghâ, l ’émir Bar-
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