dans le tombeau du sou] tan Qalaoûn, les tapis p résentaient de préférence à cette
époque des entrelacs ornés de fleurons.
Enfin, depuis le xvn® siècle, les grands tapis sont décorés de rosaces alternées
d ’arabesques. La p lu p a rt offrent toujours la môme disposition. Au centre,
se trouve une grande rosace que l’on répète p a r quarts aux angles, en variant
les couleurs ; le fond est parsemé de rinceaux, de fleurons, e t le to u t est entouré
d ’u n e la rg e b o rdure, doublée d ’une ou de deux autre s plus petites. Quand le
tapis a de grandes dimensions, les parties de rosaces situées, aux angles se
doublent ou se quadruplent de façon à rep ré sen te r dé nouvelles rosaces
formant avec celle du centre, qui se répète également, un véritable quinconce
d’u n tapis sans fin.- Du re ste, cette disposition se rencontre assez fréquemment
dans l ’ornementation arabe : dans les portes de bronze, dans les panneaux de
faïence, dans les couvertures de livres, etc.
Divers tissus servaient cjhez les Arabes à recouvrir les m u rs et surtout le
p o u rto u r des tentes somptueuses. La plupa rt é taient de grandes étoffes historiées
et bordées d ’inscriptions qui avaient quelquefois 25 centimètres de hauteur.
Un passage de Makrizy nous donne de précieux renseignements à ce sujet.
« Yoici, dit-il, des vers qu’un contemporain a composés, pour, qu’ils soient
brodés su r les tentures dorées et artistement travaillées que le sultan El-Man-
sour, fils d’Abbas, a fait faire p our couvrir les quatre parois d ’une grande salle.
Ces tentures sont appelées Hciyeh, dans le Magreb. »
Nous avons donné plusieurs spécimens de te n tu re s ; celle qui porte la
dénomination de Heitha (Pl. CL1 Y),ou te n tu re de revêtement, étoffe soutachée et
brodée, servait à g a rn ir l ’hiver les pourtours d ’un Divan ou Salamlik3 lambrissé
de marbres et de faïences. Elle représente une suite d’arcades cissoïdales, c’est-
à -dire en forme de feuilles de lie rre, élégamment décorées, ainsi q u e . les
pilastres qui les soutiennent ; les intervalles sont ornés alternativement de
rosaces e t de panneaux simulant des fenêtrages.
Levfond de cette te n tu re est en toile, les orneinenls sont en soie découpée
soutachée; elle est du xvm® siècle.
Une seconde étoffe que nous avons désignée seulement sous le titre de.:
Étoffe de tenture (Pl. CXLYI1), est du xn e siècle. Cette étoffe, conservée aujourd’hui!
au musée de Nancy, provient d ’une église où elle servait à envelopper les
reliques d’u n saint. Elle est tissée de lin et de soie dont les couleurs ont presque
toutes, d isparu, à l’exception du bleu, qui dessine encore nettement les principaux
contours.
D’après les tons qui restent, elle nous paraît avoir été autrefois décorée des
couleurs suivantes : 1° u n bleu foncé, d ’un ton rompu, dessinant presque entièrement
les formes e f isolant les fonds ; 2° un rouge laqué d’un ton cerise, pour
le fond qui cerne le médaillon; 3° un ro s e ■ çf un ton plus clair e t tirant lég è re ment
su r l’orangé, qui servait de fond au médaillon ; le même ton fait d étacher,
en clair, les ornements du fond cerise, a insi qu ’un des chiens ; Zi° un ton très-
pâle dans la même gamme, isolant les griffons du champ; ces trois derniers
tons forment camaïeu ; 5° ùn jaune faisant dorure d ans le ru b an qui entoure le
médaillon e t qui contourne presque toute.s íes parties bleues : il accentue les
effets et isole le fond cerise d ’avec le ton extérieur du médaillon. Les deux chiens
médiaux sont jaunes.
Nous avons cru un instant que cette étoffe était d ’origine byzantine, mais
le dattier, qui sépare les deux cerbères affrontés, ne laisse aucun doute, su r sa
provenance, car jamais les Byzantins n ’ont fait u n dessin aussi crâne,-ni d un je t
aussi hardi.
On sait que les belles étoffes d ’Orient ont été souvent imitées en Italie et
ailleurs; celle-ci a dû servir de modèle au suaire de sainte Colombe, conservé à la
cathédrale de.Sens. Malheureusement, il n ’en est qu’une grossière imitation, exécutée
en quatre couleurs. Les arabèsques sont bleues, le champ des médaillons
jaune et le fond général orangé ou plutôt henné; quelques détails y sont blancs.
Là, les deux cerbères sont devenus de simples caniches aveugles e t bouffis. Enfin,
l’élégance des contours, la richesse des détails e t la pu re té des formes, qui font
l ’a ttra it du modèle, ont entièrement disparu.