soultan était un ancien mamlouk de Qaytbay, pauvre, dévot, de moeurs simples
e t vivant dans la retraite. Avant de monter su r ce trône, qu’il était loin d’ambitionner,
il le u r fit ju re r su r le Qorân de respecter ses jours s’ils devenaient
mécontents.de sa m anière de gouverner.
Parvenu au* pouvoir, il chercha to u t d’abord à raffermir le prestige du
trône, grandefnent affaibli p a r cette milice tu rb u len te ; puis il s’occupa d’améliorations
in té rieu re s; il fit élever divers monuments (une mosquée magnifique,
u n splendide mausolée e t un q u a rtie r to u t e n tie r, construits à cette époque,
p o rten t encore le nom d’El-Ghouryeh) ; on lui doit aussi l’aqueduc de Fostat,
qui conduit l ’eau à la citadelle, e t diverses restaurations de monuments.
Mais ce prince s ’a ttira bientôt la haine de sultan Selym en donnant, non-
seulement l’hospitalité à Korkoud (Dragut), frère et rival du sultan ottoman,
mais encore en lui fournissant une flotte pour l’aider à s’emparer du trône de Con-
stantinople. Selym, pour se venger, marcha avec une armée su r la Syrie; alors
El-Ghoury, afin de conjurer le péril, envoya une ambassade chargée de négocier
la paix. N’ayant pu y pa rv en ir, il se p répara à la lutte avec ré solution; mais,
trah i p a r ses deux généraux, Khaïr-Beg et Kauberdy, le soultan d’Égypte p é rit,
foulé sous les pieds des chevaux, dans la bataille qu’il livra à Selym aux environs
d’Alep en 922 (1524), après un règne de seize ans. Suivant l’u sag e , les
habitants allèrent au-devant du v a inqueur, mais en chan tan t, p a r allusion à la
défaite de le u r m a ître , ce verset du Qorân : « Ce que tu renverses n ’est point
renversé pm* ton bras, mais p a r celui de Dieu. » Le sultan Selypa les accueillit
cependant avec bonté e t se ren d it avec eux à la principale mosquée pour y
faire la p riè re ; e t là il eu t la satisfaction, p our la première fois, d’entendre
ré c ite r en son nom le Khotba, et d’y ê tre désigné sous le glorieux titre de serviteur
des deux villes saintes, la Mekke e t Médine.
Le neveu d’El-Ghoury, T om ân-Bay, deuxième du nom, d’une conduite
irréprochable e t d ’une grande bravoure, fut promu au rang suprême p a r les
ém irs , qui lui donnèrent le surnom de Melek-el-Achraf, l ’an 922 (1524). Il
s’empressa de réorganiser l ’armée, de la renforcer de tribus arabes e t d ’augm
en te r les fortifications; puis il acheta à prix d’or, des Vénitiens, quatre-vingts
pièces d’artille rie pour livrer bataille.
Le sultan Selym, déjà arrivé à Gaza, s’achemina alors vers l’Égypte; par
une marche habile, il évita l ’armée égyptienne e t vint camper à El-Khanqâh,
su r la route du Kaire, où les mamlouks lu i liv rèren t bataille dans la plaine
d ’El-Ridanieh.
Après avoir combattu avec un courage et une valeur qui étonnèrent les
deux armées, après avoir tué de sa main le grand vizir, Tomân-Bay, vaincu,
trahi, comme son oncle, p a r les mêmes émirs Khaïr-Beg e t Kauberdy, essaya
à diverses reprises e t pendant plusieurs jo u rs de faire tourner la fortune des
combats; mais sans soldats, accablé par le n om b re , il p a rtit pour le Delta afin
de tenter un dernier effort contre l’invasion ottomane. Découvert dans sa retraite,
il fut livré au sultan Selym, surnommé El-Djaouz (le féroce), épithète qu’il n ’a
que trop méritée, qui le traita avec égards pendant quelques jo u rs ; mais, après
en avoir obtenu tout ce qu’il voulait savoir su r l’Égypte, il le sacrifia à ses vues
politiques e t fit pendre ce malheureux prince à Bab-el-Zoueleyh , où il resta
trois jours exposé aux outrages de la populace, avide p a rtout du spectacle des
supplices, et joyeuse en tout temps de narguer la souveraineté, alors même qu’elle
n ’est plus représentée que p a r un cadavre.
Ainsi périt, âgé de quarante-quatre an s, en 922 (24 avril 1524), le vingt-
quatrième et de rnie r sultan tcherkesse.
Pour faire excuser ce m e u rtre , le sultan Selym fit en te rre r avec une
pompe magnifique le souverain supplicié dans le mausolée^d’El-Ghoury ; il
envoya, pour cette cérémonie, des étoffes précieuses de Mossoul e t fit faire des
aumônes considérables.
Avec Tomân-Bay finit la turbulente dynastie des mamlouks circassiens ou
borgites qui régna cent trente-neuf ans su r l’Egypte.