élan de la victoire, on cro ira difficilement qu’un tel acte de barbarie a it été
ordonné sans motif. Quoi q u ’il en soit, il ne nous est pas permis.de passer sous
silence une tradition à laquelle la p lupa rt des écrivains modernes ajoutent foi
e t qui p a r suite semble aujourd’hui acquise il l ’h isto ire ; on suppose donc
q u ’Amr ayant consulté le khalife su r la destination il donner aux livres trouvés
dans la ville, Omar répondit : « Si ces livres sont contraires au Qorân, ils sont
nuisibles; s’ils lui sont conformes, ils sont in u tile s; ainsi détruis-les. >t
En réalité aucun historien contemporain ne raconte ce fait; et, fût-il vrai,
il n ’aura it pu concerner qu ’un petit nombre de livres, cette b ibliothèqueayant
été d é tru ite en 390, sous Théodose.
La conquête achevée, un système de sage e t prudente administration fut
aussitôt mis en pratique. L’impôt, qui n ’était établi auparavant q u e -su r les
Coptes seuls, fut étendu indistinctement à tous les hab itan ts; puis, en sus de
cette capitation uniforme, ceux qui possédaient des fermes et des métairies
furent soumis à une taxe proportionnelle 4 la valeur de leurs fonds et la perception
en ‘fut confiée aux Coptes eux-mêmes, comme plus capables que lesf
musulmans de diriger les diverses branches de 1 administration.
Ce qui fit que les Coptes obtinrent un grand ascendant su r leurs rivaux, qui
se trouvèrent dès lors privés de toutes leurs prérogatives antérieures.
Benjamin, le patriarche copte, fu t reçu avec courtoisie par le conquérant,
qui lu i confia la direction de toutes les églises e t de leurs fidèles.
Les impôts rap p o rtè ren t bientôt des sommes considérables, dont le khalife
employa la plus grande partie à des travaux utiles pour le pays. C’est p a r ses
ordres qu ’on rétablit le nilômètre e t qu’on rouvrit l ’ancien canal de Kobzoum
qui joignait le Nil à la m e r Rouge. Amr voulait p ercer l’isthme de Suez, mais
Omar s’y opposa dans la crainte d’ouvrir aux Grecs le chemin des villes saintes.
Enfin, sous son gouvernement éclairé, libéral et b ienfaisant, l ’Égypte, en quelque
temps, se trouva pour ainsi d ire entièrement régénérée.
Le gouvernement ainsi réorganisé, Amr se rappela sa tente de Bab-el-Oun,
e t revint y je te r les fondements de ce qui plus tard devait ê tre le grand Kaire ;
ce fait mérite d'ê tre raconté en détail.
Lorsqu’Amr partit pour le siège d’Alexandrie et qu’il donna au matin
l’ordre de lever le camp, les soldats, chargés de la Conservation des abris de l’armée,
trouvèrent sur le sommet de la tente de ce général' un nid de colombes;
dans leur surprise, ils ne voulurent pas y toucher sans avoir consulté le chef.
« A Dieu ne plaise, d it Amr, qu’un musulman refuse sa protection à une
c ré atu re de Dieu qui s’est fiée à son hospitalité, nous sommes d’ailleurs dans le
mois de Moharrem, mois sacré d u ran t lequel la religion nous in te rd it to u t acte
de violence; qu’on respecte ces oiseaux devenus mes hôtes, q u ’on laisse ma tente
debout jusqu’à notre retour.-»
Après la prise d’Alexandrie, comme il se dirigeait vers l ’Égypte inté rieure :
« Où irons-nous camper? se demandèrent les soldats. — A la tente du général, »
s’écria l ’un d’eux, et plusieurs milliers de voix rép é tè ren t : « A la tente du
général. »
La ville d ’El-Fostat (en arabe la tente) n ’eut pas une autre origine.
Autour de cette tente s’é taient élevées des habitations temporaires; peu à
peu elles se convertirent en demeures solides e t permanentes. Les chefs subalternes
se firent b â tir des maisons spacieuses, les généraux des palais, puis la ville
eut besoin de remparts p our sa défense, c’est alors qu’elle devint le séjour des
gouverneurs de l’Egypte, qui la dotèrent de grands établissements civils et
militaires.
Bientôt Amr, à son nom de Fostat, ajouta celui de Mesr, p a r lequel les Égyptiens
eux-mêmes avaient désigné de tout temps la capitale de le u r pays.
Ce fut à ce 'moment qu’Othman, qui avait succédé à Omar dans le khalifat,
poussé par un népotisme mal entendu, le rappela à sa cour (6/1.5) (23° année de
l ’hégire).
Cette disgrâce imméritée irr ita fort les Égyptiens, dont il s’é ta it fait aimer.
Son successeur Abd-Allah, frère de la it d ’Othman, ne se signala que p a r des
augmentations d ’impôts. La taxe produisait déjà 12 millions de dynars, Abd-
Allah l ’éleva à 1 h millions. « Mon frère a su tra ire la chamelle après toi, » dit
Othman à Amr. — « C’est vrai, lu i rép o n d it Amr, mais il affame les petits. »
Les mauvais effets ne se firent pas attendre, c a r les Grecs, profitant des
mauvaises dispositions dans lesquelles se tro u v a it la co n tré e , re p riren t
Alexandrie.
Les Coptes redemandèrent Amr à grands cris, celui-ci re to u rn a devant la
ville et, furieux de voir répandre le sang arabe su r des remparts qu ’il avait déjà
pris d ’assaut, il ju ra de renverser cette funeste cité e t de ne pas en laisser pie rre
sur pierre. Il tint sa parole; sur l’emplacement des palais détruits, il fonda une
mosquée, à l ’endroit même où il avait a rrê té ses soldats altérés de vengeance, et
donna à ce temple le beau nom de Djami-el-Zakmet (la mosquée de la Miséricorde).
On n ’en voit plus aujourd’hui les moindres vestiges.
Qu’on nous permette ici, limités que nous sommes p a r l’objet de ce livre,
de manifester le reg re t que les historiens, auxquels nous avons emprunté nos
récits, n ’aient pas essayé de remonter aux causes qui hâ tè rent cette violente et