De plus, cés miroirs é ta ien t ordinairement fondus, ce qui p ermettait de
rep ro d u ire plusieurs exemplaires du même modèle, mais épurés avec plus ou
moins d ’habileté et de s e in ; ceux qu’on voit dans diverses collections semblent
sortis du même m o u le ; les uns sont plus terminés que les autres, e t quelquefois
des traits de b u rin accusent les détails des figures; mais, généralement, les
fabricants les livraient au commerce grossièrement ébarbés.
Nous en avons rep ro d u it de très-intéressants spécimens (Pl. CLXIV). Le
p rem ie r miroir où l ’on voit deux sphinx ailés ou Martichores, figures qu’on
ren co n tre le plus souvent, est bordé d ’une inscription, qui se tra d u it ainsi :
« Gloire, longue vie, fortune, éclat, élévation, louange, bonheur, excellence,
pouvoir, prospérité, puissance e t bienveillance à son propriétaire, à jamais.
À propos de ces singulières figures, rapportons le dire des docteurs
musulmans :$ £D ieu , disent-ils, a placé dans le Paradis des animaux qui ont
des pieds d ’antilope, un e queue de tigre e t une tête de femme. Mahomet e t
Aly monteront chacun u n de ces animaux, e t distribueront ainsi aux élus
l’eau paradisiaque du Kauther. »
Le second m iro ir, que nous avons déjà pu b lié1, représente un chasseur
ayant u n oisêaü de proie su r le poing, comme u n seigneur du Moyen âge; il est
entouré d ’une bordure ornée d’animaux, e t porte la légende suivante : « Gloire
perpétuelle e t félicité complète, prospérité continuelle, salut, santé, bonheur
toujours renouvelé à son possesseur. »
Le troisième m iro ir, qui représente u n chasseur attaqué par des lions, pst
remarquable p a r le mouvement que l’artiste a cherché à y mettre et p a r une
bordure d ’oiseaux, échassiers ou cicognes. Il appartient à la collection du
d octeur Clot-Bey.
Le quatrième miroir repré sente u n lion, une antilope, un lièvre e t u n chien,
qui se poursuivent dans une zone d’a rabesques; le to u t encadré p a r une
inscription signifiant : « Bénédiction, bonheur, joie, prospérité, sa lu t, exaltation,
santé, force, puissance, secours, d ro itu re et longue vie au possesseur. »
Le talent déployé p a r les artistes arabes dans l’ornementation des coffrets,
ne nous p e rm e t pas de les passer sous silence ; à ce titre , ils sont une des faces
de l’a r t somptuaire arabe.
Yoici la description détaillée du coffret magnifique, d it de Bayeux, dont
nous avons publié la reproduction (Pl. CLVI).
4 . R&iiue archéologique, tome III, page 338, pl. XLVIII-CLXXXIY.
On conserve, depuis u n temps immémorial, dans l’église cathédrale de
Bayeux, en Normandie, la chasuble, l’étole et le manipule de s aint Regnobert,
évêque de cette ville, au vu® siècle. Ces reliques ont l’aspect d’une oeuvre orientale
et sont elles-mêmes renfermées dans un coffret d’ivoire orné d appliques
en argent, qui est u ne véritable e t splendide relique de l’a rt arabe du x i i® siècle.
Ce coffret, parfaitement conservé, a 0m,32 de longueur, 0m,27 de la rgeur
et 0m,10 de hauteur, n o n compris les quatre pieds hauts de 0m,02. Il e st garni
su r tous les côtés d’appliques d ’argent doré, qui sont ornées d arabesques
repoussées e t ciselées avec u n soin et une élégance admirables. Le fond est mat
ou pointillé et doré, les arabesques niellées en bleu e t séparées p a r des filets
ménagés dans l ’argént.
Ces ornements rep ré sen ten t des oiseaux et, en pa rticulie r, des pao.ns disposés
p a r paires, ayant leurs queues palmées e t contournées de manière à se
lie r aux formes des arabesques, comme dans l’étoffe arabe conservée à Sàint-
Sernin de Toulouse. Le couvercle e st composé de deux planchettes d’ivoire,
liées p a r les appliques de vermeil qui dé corent et consolident la boîte. Au
milieu de la face antérieure du coffret, se trouvé une grande plaque d ’argent
du cadre de laquelle so rten t deux pivots saillants dont les têtes sont taillées à
facettes et percées à jo u r pour y faire passer un e goupille, s ervant à m a intenir
u n écusson à charnière qui protège la s erru re . Cette pièce e s t percée d’u n tro u
cruciforme qui répond à Celui de la s e rru re , entourée d ’une inscription en
caractères koufiques, cernés p a r deux tra its de b u rin ; l ’épaisseur des lettres
est formée p a r un émail bleuâtre, qui se détache su r une bande d’arg en t ; le
reste est d o ré1.
L’inscription avait déjà été déchiffrée en 171 II p a r Petis de la Croix, secré-
ta ire 'in terp rè te du roi Louis XIY e t professeur de langue arabe au collège royal.
En 1820, M. de Hammer en donna à son tour une transcription e t une tra duction
moins défectueuse? quoique encore très-imparfaite ; les voici : « Bism'
illah-el-Rhamân-el-Rahim. Birmhrc Kamilet y)<2 niamihi schamilit. — Au. nom de
Dieu clément e t miséricordieux, sa justice est parfaite e t sa grâce immense ! »
Mais il faut lire : « Bism* ülah-el-Rahmân-el-Rahim. Baraka Kamileh we naameh
chamilelï», et trad u ire : « Au nom de Dieu clément e t miséricordieux ! Bénédiction
parfaite e t bonheur complet» (sous-entendu : « à mon possesseur »).
\ . La plupart des objets d’argent qui viennent de l’Orient sont couverts de dessins indélébiles faits avec
un vernis ou niello que l’on introduit dans les traits burinés sur le métal. « Ce fondant, dit M. Spincer Smith,
se prépare avec quatorze parties d’argent, soixante-huit de cuivre, quatre-vingt-quinze de plomb, trois
Cent vingt-six de fleur de soufre et deux de sel ammoniac. »