CHAPITRE IV
P R O L É G O M È N E S H I S T O R IQ U E S
3* P É R IO D E .— DE LA CONQUÊTE DE SULTAN SE LYM , JU SQ U ’A LA CONQUÊTE
DE BONAPARTE.
Du xvi° au x v iii0 siè c le .,
Selym Ier, à qui deux batailles venaient de liv rer la Syrie et l’Égypte, re çu t
au Kaire l’investiture du khalifat qui se partageait alors en tre deux autorités,
l’une temporelle, l ’au tre spirituelle. . ' ' " > ■ ’ :
Profitant habilement de sa conquête, le souverain ottoman sut ré u n ir su r
sa tête toutes les attributions politiques e t religieuses, e t transmit à ses descendants
le titre de chef suprême de l ’islamisme dont cette conquête l ’avait investi.
Ce titre passa a in si, du d e rn ie r prince de la maison d ’Abbas (Mohammedr-él-
Metouakkel-Ala-Allah), à la dynastie des fils d’Osman. Après s’être assuré de la
fidélité de ses nouveaux su jets, Selym se rendit à l’île d ’Or, aujourd’hui l’île
de Roudah, remarquable p a r le Mekias (Nilomètre), il y séjourna près d ’une
an n ée , q u ’il employa à établir sa domination dans les diverses parties de
l ’Égypte et à faire plusieurs règlements concernant l’administration de ce
royaume, devenu province de son empire. Après y avoir campé quelque temps,
il quitta ses tentes p our aller h a b ite r le superbe kiosque q u ’il avait fait élever
su r le Mekias, à la pointe de l’île. Voici ce que ra p p o rte , à ce s u je t, un
écrivain tu r c , Kotby : << Sultan Selym était éloquent, agréable dans la conversation
et profond dans les sciences, auxquelles il s’adonnait avec une application
passionnée; il était su rto u t très-versé dans l ’étude de l ’h isto ire , qu’il
avait approfondie dans les livres persans, arabes e t grecs, trois langues qu ’il
entendait également b ie n ; j ’ai lu des vers de sa composition écrits su r les
lambris d ’u n kiosque qu’il avait fait b â tir su r le Mekias. Cet a p partement,
fermé depuis longtemps à to u t le monde, fut ouvert l’an 943 (1536), à l’oceasion
de la crue du Nil, p a r ordre du gouverneur Husrew - Pacha. J’v fus
introduit et j ’y lus les quatre vers suivants, gravés su r un ma rbré blanc en
caractères presque imperceptibles : n Nous tenons tout de Dieu; il nous
« accorde ce que nous d ésirons, nous en prive e t nous le ren d quand il lui
« plaît. Si quelque homme su r la te rre pouvait quelque chose p a r lui-même,
« il serait égal à Dieu. » Sous le quatrain on lisait ces mots : « L’humble Selym
a écrit ces vers.
Pendant son séjour, le sultan, établit un système d ’administration e t de
gouvernement particulier pour l’Égypte, qui fut complété p a r Solyman, son
fils et son successeur.
Selym avait senti to u t d’abord la nécessité de tra ite r àvec les chefs des
mamlouks, craignant cette milice turbulente e t ambitieuse; il eu t soin de partager
le pouvoir entre ses différents corps, afin de lès maintenir dans un équilibre
qui les re tîn t toujours sous sa dépendance., Content de voir sa souveraineté
et celle de ses successeurs re c o n n u e , il laissa aux mamlouks leurs biens et
leurs privilèges, mais il érigea le pays en u n pachalik, divisé en vingt-quatre
étendards (sandjaqlys) ou d épartements, administrés p a r autant de beys ou
sandjags, choisis parmi les mamlouks les plus élevés qui avaient fait le u r soumission;
chaque bey avait voix au divan, et ce conseil réu n i pouvait re je te r les
ordres et suspendre même de ses fonctions le pacha représentant le sultan s’il
attentait à leurs droits ou s’ils é taient fatigués de son despotisme; mais le pouvoir
exécutif, la notification de tous les ordres supérieurs e t la prééminence
hiérarchique su r toutes les autorités, a ppartenaient au pacha, gouverneur général
de toute l ’Egypte. Les troupes que Selym laissa dans le pays se composaient
d’environ vingt mille hommes, commandés p a r u n chef particulier. Elles étaient
partagées en six corps ou odjâqs (ojâqs). On eut forma un septième avec les
mamlouks, qui promirent fidélité au sultan e t demandèrent à servir dans son
armée. Les sept odjâqs é taient désignés p a r les dénominations suivantes : les
montferraqah, élite de la garde du su ltan ; les -tchâouchych, chargés de la levée
des impôts; les gdmoulyan ou chameliers; les tâfekdjxjân, fusiliers ou a rtille u rs ;
les sarakseh; les enkichâryeh ou janissaires, connus aussi sous le nom de moustah-
fezzân ou gardiens; enfin les azabs. L’odjâq des janissaires était le p rem ie r dans
l’ordre hiérarchique, et l’agha, qui en avait le commandement, général d ’armée
plutôt que simple chef de corps, étendait son au to rité su r toutes les forces
ottomanes. On prenait quelquefois les beys dans l ’odjâq montferraqah, e t dès
lors ils cessaient d’appartenir à cette milice..
La Porte s’était réservé le soin de pourvoir au commandement e t à la