égale, e t sauver plusieurs chameaux chargés des trésors appartenant au khalife.
Il en re ç u t p our récompense une esclave admirablement belle nommée Myasseh,
dont il eut plus tard un fils qui fut nommé Khoma-Rouyah, e t qui devait lui
succéder su r le trô n e d ’Egypte.
A peine investi du pouvoir, Ahmed, en a rriv an t à Fostat, manifesta ses
projets ambitieux. Son p rem ie r soin fut d’établir un système défensif, à l’appui
de ses projets d’indépendance. Le palais des gouverneurs, situé hors des murs,
dans le faubourg El-Asker (l’armée), n ’é ta n t pas assez grand pour contenir ses
richesses, son harem, sa domesticité, sa garde e t ses chevaux, il choisit su r les
hauteurs du Yechkas, à l’o rie n t de Fostat, au pied du Moqattam, un plateau
dont il distribua les te rre s aux chefs de son armée; puis il y fit construire une
citadelle e t un manège. On appela cette nouvelle cité El-Qatayah (le s fie fs ),
parce que, Ahmed ayant je té les fondements d’un magnifique palais, autour de
ce palais s’élevèrent bientôt, comme p a r en ch an tem en t, de riches habitations
p o u r tous les grands officiers de l ’armée.
Au-dessus de toutes ces constructions s’élevait le palais de Touloun, su rmonté
d ’u n belvédère qui embrassait, dans son vaste demi-cercle, tout l ’horizon
des pyramides. Là le soultan, car Ahmed s’était donné ce titr e , aimait venir se
rep o s e r; il y pouvait suivre de l’oeil les mouvements d’une foule animée, car il
gouvernait en bon prince des populations malheureuses sous ses prédécesseurs.
Resté enfin seul m aître, malgré les traverses suscitées à la cour de Samarrah,
mais qu ’il avait su déjouer avec son habileté ordinaire, il ne p rofita de son pouvoir
que pour dégrever ses sujets des taxes onéreuses. Il rétablit les perceptions
dans les bornes du possible, en leu r donnant des formes moins acerbes et
plus justes, e t se fit aimer enfin à l’égal d’Amr.
Il ne reste plus aujourd’h u i, de toutes ces splen d eu rs, qu’un amas de
décombres a u -d e s su s desquels sont demeurées debout quelques ruine s des
Medresseh d ’El-Ghouly e t d ’Alem-el-Dyn, e t, u n peu plus au s u d , les magnifiques
restes de la grande mosquée d ’Ahmed dont nous avons donné différentes
vues, temple splendide dont il avait d it : « Je veux, si Fostat pé rit un jo u r p a r
l ’eau ou par le feu, que ma mosquée lu i survive. »
Il avait déterminé lui-même le lieu où la k ib la h devait ê tre placée, précisé
la forme des minarets, surveillé les détails les plus minutieux de la construction,
e t fait graver dans l ’in té rieu r de nombreux versets du Qoràn.
Par son o rdre, de précieuses mosaïques décorèrent ce lieu vénéré, des
lampes d ’a ira in fu ren t suspendues aux arcades ; le pavé se couvrit de nattes de
Samana e t le plafond étincela d’étoiles d’or ; puis, au milieu des parvis, sous un
élégant pavillon, un je t d’eau mêlait constamment son murmure à la voix de la
priè re . Ahmed y assistait aux cérémonies religieuses e t venait y é co u te r, avec
toute sa famille, les instructions des Imâns, en tran t toujours le p rem ie r au
temple pour en so rtir l’un des derniers.
L’inauguration s’en fit avec une grande magnificence, l’un des vendredis
du mois de Ramadam, de l ’année 265 de l’hégire ( 879 ) ; l’enceinte de la
mosquée, pendant la cérém onie, fut jonchée de pastilles d ’ambre qui enveloppèrent
les fidèles dans un nuage odorant. Le p rem ie r Iman de ce temple
fut Bakkar, fils de Kofeïnah, e t son premier prédic a teur fut R abié , fils
de Souleyman. La construction entière avait coûté 120,000 dynars (environ
1,800,000 francs).
Mais tant de richesses dépensées si fastueusement passè rent bientôt pour
ne pas avoir une origine ordinaire chez ce peuple ami du merveilleux ; la
légende raconta donc qu ’un jo u r Ahmed, voyant tomber le cheval d ’un homme
de sa suite, dont le pied s’était engagé dans un trou, descendit précipitamment
de sa monture,-fit fouiller l ’excavation et l ’on y recueillit environ u n million de
dynars (15,000,000 de francs). Quelque temps après, ayant encore fait une
semblable découverte, il se s e ra it exprimé en ces termes : « Ce que Dieu donne,
il faut le rendre à Dieu. »
Quelques révoltes, en tre autre s celle d ’Abbâs, son fils, e t celle d’El-
Monaffeq, le frère du khalife tro u b lèren t la fin de ce règne si bien rempli.
Ce fut à Anlioche qu’Ahmed ressentit les premières atteintes du mal qui
devait l ’emporter; il se fit tran sp o rte r en litiè re ju sq u ’au p o rt le plus voisin et
s’embarqua pour Fostat; il rendit le d e rn ie r soupir, le 10 de Dou-l-Qadeh,
l ’an 270 de l’hégire (10 mai 884 de l ’ère vulgaire).
Quoique âgé de cinquante ans à peine, il laissait tre n te -tro is enfants dont
dix-sept fils e t seize filles, féconde pépinière qui promettait à sa dynastie de
nombreux rejetons ; et p ourtant ce trône fondé avec une habileté persévérante,
cette autorité qui s’était en si peu de temps fait respecter e t re co n n aître , cet
échafaudage de durée pour des siècles, ce rêve favori d ’Ahmed-ibn-Touloun,
tout cela, vingt-deux ans plus tard, devait s’abîmer e t p é rir devant d ’autres
ambitions conquérantes et d’autre s fortunes dynastiques.
Le successeur d ’Ahmed à la souveraineté d ’Égypte fut son fils Khoma-
Rouyah; ce règne peut ê tre aussi appelé, mais relativement, u n règne de justice
e t de clémence.
L’inféodation de l’Égypte à la dynastie] Toulonide ne semble pas avoir
louché au vif la cour de Baghdad; il n ’y eut aucun compétiteur, ni à cette cour,