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 p é n é trè ren t de nouveau  en  Syrie,  ravageant  to u t  e t  chassant  devant  eux  dix  
 mille  familles  éplorées  qui,  sous  la conduite  de Lâdjyn;  gouverneur de  la  Syrie,  
 v in ren t  ch erch e r u n   refuge  au Kaire. 
 Aussitôt  il  provoqua une  réunion des  principaux  ém irs ,  lesquels  prononc 
 èren t  la  déchéance  d ’un  soultan  qui, négligeant tous  ses .devoirs,  ne  se mettait  
 pas  à  la  tê te   de  l ’armée  e t laissait envahir son  te rritoire . 
 On  déposa  donc Ketboghâ  en 696  de  l’hégire  (1.297),  deux  années  après  
 son élévation.  Lâdjyn  fut  élu  (1297)  à  sa  pla c e,  sous  le  nom  de  Melek-el-Man-  
 sour  (le  ro i  victorieux). 
 Le  règne de  ce  nouveau  soultan ne  fut pas  long,  car,  au bout de deux  ans, 
 u n   de  ses mamlouks  le   tuait  aussi  d’un  coup  de poignard. 
 L’émir  Seif-el-Din  ou Tadji  réussit  à  se  faire  nommer  à  sa place; m a is, 
 vingt-quatre  heures  après,  il fut  assassiné  p a r  les mamlouks. 
 Enfin,  p endant un   interrègne de quarante jo u rs, le grand divan  se  concerta  
 e t discutait  les  titre s   d ’un   concurrent  qui  ralliât  toutes  les  dissidences,  quand  
 u n   vieil  émir  songea au fils de Qalaoûn,  EJ-Melek-el-Nâcer,  qui,  depuis sa dépossession  
 p a r Ketboghâ,  était demeuré  prisonnier  au  château  de  Karak %  où  il  
 avait  été  relégué.  Malgré  quelques  opposants,  réduits  immédiatement  à  l ’impuissance, 
  on l’élut,  e t une députation  fut envoyée pour  l’aller qu é rir et le  ramen 
 e r dans  sa  capitale. 
 Ce  jeune p rin c e ,  que  les  émirs  prosternés  proclamèrent  soultan  d’Egypte,  
 avait  à peine  a tte in t  sa  quinzième  âfinée;  c ependant,  dès  son  a rriv é e ,  il  fut  
 obligé  de  se mettre  en  campagne  p our  repousser  les  Tartares  qui  assiégeaient  
 Émesse  (Hims),  Les  p remiers  combats  des  Égyptiens  ne  furent  pas  heu reu x ;  
 El-Nâcer  fut obligé  de  regagner  le s frontières  pour  refaire  son  armée  et  pouvoir  
 recommencer  la  lutte.  Ayant  re çu  de nombreux  re n fo rts ,  il  re joignit  l’ennemi  
 près  de Damas ;  les  troupes mogoles  furent  taillées  en  pièces  et  rejetées  
 hors  du  te rrito ire   syrien.  Le  soultan vainqueur  re n tra   au Kaire p a r  la  porte  (le  
 la  victoire,  avec  tous  les  honneurs  e t les  cérémonies  des  marches  triomphales  
 usitées  dans de  telles  occasions. 
 Délivré  de  son  plus  redoutable  ennem i,  il  s’occupa  de  refouler  dans  le  
 d é se rt les  Arabes débordés  su r  les  rives  du   Nil.  Ceux-ci  laissèrent  en tre   les 
 \ .   Le  château de  Karak,  dit Ebn-Batouta,  est un  fort  des  plus  admirables,  des plus inaccessibles  e t  des  
 plus célèbres. On l’appelle le château du Corbeau; il se trouve entouré de tous  côtés par la rivière  e t n’a qu’une  
 seule  porte,  dont l’ouverture a été  taillée  dans la roche vive,  de  môme que  le vestibule. C’est  dans ce  château  
 que  les  rois cherchent un refuge  dans les calamités e t qu’ils se fortifient. 
 m a i n s   de  leurs  vainqueurs plus  de  c en t  mille  moutons,  près  de  tren te   mille  
 têtes  de  gros bétail,  cinq mille  chevaux  e t quantité  de  femmes  e t  enfants  qui  
 furent vendus, .contre  l’usage.  . 
 D’autres  embarras  surgirent,  causés  p a r les  jalousies  ou  les  rivalités  des  
 émirs du Kaire,  q u i,  fraotionnés  en  divers  p a r tis ,  se  tendaient  'des  pièges  et  
 cherchaient  à  s’e n tre -d é tru ire ;  mais  ils  cachaient leu r b u t en paraissant vouloir  
 sé;  ré u n ir  contre  leu r  soultan.  Un  violent  tremblement  de  te rre   couvrit  de  
 ruines  l’Égyple  e t  la  Syrie.  Melek-el-Nâcer,  ne  pouvant douter dès  lo rs  du  sort  
 qu’on  lui  réservait,  voulut prévenir  sa  chute plutôt  que de  l ’attendre.  Feignant  
 un pèlerinage à la Mekke, il  p a rtit  sous  ce prétexte  avec  une  escorte nombreuse  
 et  fidèle.  Lorsqu’il  fut  parvenu  au  défilé  d’Aïlah,  il  se  réfugia  au  château  de  
 Karak,  où  il  avait  réu n i  ses  trésors,  des  provisions  e t une  garde  dévouée;  puis,  
 s’y  voyant  en  sûreté,  il renvoya- au Kaire  les  insignes  de-  la  ro y a u té 1,   avec  une  
 lettre  aux mamlouks,  pour  leu r  annoncer  qu ’il  renonçait  au  pouvoir,  l’an  708  
 (1809). 
 Les mamlouks, d’abord fort  embarrassés, proclamèrent  sans  enthousiasme,  
 souverain, Beybars ou Beybaras  (tous les ulémas  du  Kaire prononcent Beybaras,  
 peut-être pour  le  distinguer  du  premier Beybars), qui se donna le titre  de Melek-  
 el-Mozaffer  (le  roi  victorieux).  Son  nom  complet.est Kousk-el-Din,  Beybaras-  
 el-Djâchengir,-,;ou  le  Dégustateur.  Beybaras  était un   esclave  de  la  famille  des  
 Qalaoûn,  et  surintendant. 
 Ce  choix  déplut  à Melek-el-Nâcer,  qui  se  rep en tit  d ’avoir  liv r é ,  p a r  son  
 abandon,  le  trône  à  u n   des  esclaves d e   son père,  et  lui causa  de  si  vifs  re g re ts ,  
 qu’à la nouvelle de  cet  avènement, il p a rtit p o u r Damas,  dont  les  émirs  étaient  
 venus vers lui,  s’y  fit  reconnaître  comme  souverain;, y  assembla  des  tro u p e s,  
 puis  se mit  en marche p our  re to u rn e r en Égypte. L’émir Berlak,  l ’un   des  chefs 
 4.  Les  insignes  de la royauté  se composaient : 
 De la  kaloutah  (calotte),  ou  turban en brocart; 
 Des rbbès  d'honneur ou k h ila h f il-y en  avait de différentes sortes plus ou moins luxueuses;  un ceinturon  
 d’or,  orné de pierres fines,  accompagnait la  robe  d’honneur; 
 Du raqabeh,  espèce  de  collier en  soie,  brodé  d’or et  enrichi  de  pierreries; 
 De Ÿépëe ë l du sabre; 
 De la cliabraque  ou rachieh du  cheval  du soultan :  elle  était faite d’une peau légère,  toute semée de  broderies  
 d’o r;’ 
 Du parasol  (chitr)  en  satin ja u n e ,  brodé  en  or,  orné  d’un  petit  dôme  d’argent,  surmonté  d un  oiseau  
 en  vermeil ; 
 Des drapeaux y  tissus  de  soie  et  d’or,  plus  ou moins riches,  surmontés de  banderoles  et  d une touffe  de  
 crins nommée isâbah.  •  •