excepté une large bande blanche qui naît au sommet de la tête, se prolonge en
arrière des épaules, où elle se divise en deux rubans qui s’étendent de chaque côté
jusqu’au-dessus des cuisses; là ces rubans sont interrompus par des poils noirs
dans la longueur d’environ deux pouces, et reparaissent pour se terminer sous la
queue, une petite tache blanche se voit au milieu du chanfrein. Cette description,
quelle que soit son exactitude, ne ferait, comme nous venons de le dire, qu’ajouter
aux embarras de la science, si nous ne pouvions y joindre quelques observations
de plus; heureusement M. Lesueur, l’ami et le compagnon de Péron, qui
a déjà rendu de si nombreux services à l’histoire naturelle, et à qui nous avons
dû la possession de cet animal, nous a fait connaître les changemens que cette
Moufette a éprouvés pendant qu’elle a été sous ses yeux, et les différences qui existaient
entre elle et deux autres individus qu’il a possédés en même temps, ce qui
donne, dans certaines limites, la mesure des variations de l’espèce. Je vais transcrire
les propres paroles de M. Lesueur :
« J’ai depuis les derniers jours de juillet (1826) un Poolcalj il a été pris lui et
son frère dans le creux d’une vieille souche. Lorsque je les reçus, ils différaient
par les couleurs : l’un, qui est mort depuis, étoit d’un beau noir, avec une bande
blanche qui naît très-étroite au bout du museau, acquiert sa plus grande largeur
entre les oreilles, et se prolonge, sans changer de mesure, jusqu’au-dessus des épaules,
où elle se divise en deux parties ou rubans qui s’étendent jusqu’à la queue, laquelle est
presque entièrement blanche. Ces deux rubans ne sont séparés l’un de l’autre sur le
dos que par une ligne noire étroite, qui s’avance jusqu’à moitié de la queue. L ’autre
ne différait de celui-ci que parce que la ligne noire du milieu du dos était beaucoup
plus large, et ne s’avancait que jusqu’à la base de la queue, qui étoit formée de poils
noirs mélangés de quelques poils blancs. Les poils noirs de l’un et de l’autre étaient
plus courts que les blancs; mais tous étaient rudes et durs. Après deux mois ces premiers
poils ont été remplacés par de plus doux et de plus courts. Celui que j ’ai pu
conserver, et que je vous envoie, est devenu plus noir; la queue n’est plus composée
que de poils de cette couleur, excepté sa pointe qui est restée blanche, et les rubans
sont interrompus par une tache noire près des hanches. Ces animaux, qui ne pouvaient
être nés que depuis un mois ou un mois et demi lorsqu’ils me furent apportés,
avaient environ un pied six pouces de longueur, depuis le bout du museau à l’origine
de la queue. Un troisième individu, d’un pied dix pouces, a la plus grande partie
de son corps couvert de poils blancs ; les parties noires sont les membres, le dessous
du corps, et une ligne noire sur le dos qui ne passe pa£ les reins ; encore on
voit sur les membres antérieurs un faisceau de poils blancs qui s’étendent du coude
jusqu’à l’articulation du métatarse; et une ligne de semblables poils se trouve en
arrière des membres postérieurs tout le long de la jambe. »
ce Ces animaux se nourrissent de toute espèce de chair, mais ils sont très-friands
d’oiseaux : ils les saisissent par la tête qu’ils écrasent, et ils les dévorent en les as-
sujétissant sur le sol par leurs pâtes de devant. Ils peuvent jeûner fort long-temps ;
mais par contre, ils ont la faculté de manger beaucoup plus qu’ils ne peuvent digérer;
alors ils rejettent ce qu’ils ont de trop, et le mangent de nouveau lorsque leur
estomac est débarrassé. Ils sont très-propres; on ne trouve jamais la moindre saleté
au lieu où ils se couchent, et qu’ils choisissent toujours obscur; et après qu’ils ont
mangé ils se nettoient le museau avec leurs pâtes. Ils remuent soigneusement le foin
qui garnit leur gîte; et quand le froid se fait sentir, ils se ramassent en boule, la
tête entre les jambes, de manière à ce qu’aucune des extrémités ne reste isolée des
parues centrales qui sont les plus chaudes. Lorsque ces animaux sont en repos ils
portent la queue relevée, et elle est étendue horizontalement lorsqu’ils courem-
i s grimpent avec peine, et quoique fort apprivoisés et habitués à venir à la voix’
ils ne s approchent pas de vous sans vous présenter le derrière et la queue relevée’
prêts a vous lancer leur épouvantable parfum au moindre sentiment d’effroi qu’on
leur ferait éprouver. Ils boivent en lapant, mais fort peu, et cependant ils urinent
beaucoup. Cette urine n a point la puanteur que ces animaux répandent dans le
danger, ce qui prouve bien que ce n’est point par elle, comme quelques auteurs
1 ont dit, qu ils eloignent leurs ennemis en les infectant. Us passent leurs journées
à dormir, mais des que le crépuscule arrive, ils s’agitent, poussés par l’instinct qui
les porte a pourvoir alors à leurs besoins, même quand ces besoins ne se font
point sentir. »
^ On voit par les renseignemens que nous donne M. Lesueur, que les variations
de cette espèce peuvent être portées très-loin, et qu’elles pourraient renfermer au
moins toutes les Moufettes qui se sont présentées avec deux lignes dorsales, quelles
qu aient été leur largeur, et que la queue ait été blanche ou noire, c’est-à-dire le
Conepatl de Hernandès (Mexic. p. 3 3 a ) , la Moufette du Chili de Buffon ( t . v u
pl. 5 7 ) le Chmche du même auteur ( t . x i h , pl. 39 ) , celùi de Feuillé (Obs. phy!
et mathém., t . 1 , p . 27a), et le Yagouare de D’Azara (Anim. de Par., trad. franc.,
t . 1, p. 211). Cependant comme ces animaux sont originaires de climats très-diffé-
rens, il est, je pense, nécessaire de suspendre son jugement sur leur identité spécifique
; mais je crois qu’on peut sans crainte réunir dans la même espèce tous ceux
qu! ont été observés dans l’Amérique septentrionale, et par conséquent le Chinche
de Button, et celui que nous avons déjà décrit; aussi ne considérons-nous l’individu
dont nous donnons aujourd’hui la figure que comme une variété de ce Chinche
qui est le Vivena mephitis des auteurs systématiques.
Décembre 1821.