JEUNES MÉTIS DE LION
ET DE TIGRESSE.
C es jeunes animaux nous offrent un nouvel exemple de l’union féconde de deux
espèces très-distinctes ; car si le Lion et le Tigre appartiennent au même genre, ils
ont des différences tellement capitales qu’ils se placent en quelque sorte aux deux
extrémités de la série naturelle que forment les chats diurnes. Ils nous offrent aussi
une nouvelle preuve que la propagation des individus n’est point le caractère de leur
unité spécifique : nous avons des exemples de fécondation d’une espèce par une autre,
dans tous les états où peuvent être placés les animaux, excepté dans l’état sauvage.
Dans l’état absolument domestique, le Cheval féconde l’Ane, et réciproquement ;
et le Bouc féconde la Brebis; dans l’état domestiqué et dans l’état captif, le Chien a
fécondé le Loup, l’Ane a fécondé le Zèbre, le Bison a fécondé la Vache, le Mouflon
a fécondé la Brebis. Enfin, dans l’état entièrement captif, le Chakal de l’Inde â
fécondé celui du Sénégal, et le Liona fécondé le Tigrei Conclura-t-on de ces phénomènes
, comme quelques-uns l’ont fait, que des animaux en domesticité ou en
esclavage, ne jouissant pas d’une entière liberté, n’agissent point conformément à
leur nature, et ne nous donnent, dans cet état, que des exemples d’une dégradation
dont nous sommes seuls coupables? Non, sans doute, car autant vaudrait
dire que les hommes ont la puissance de changer l’essence des êtres, et de rivaliser
avec le pouvoir créatèur. Quels que soient les changemens* que les animaux éprouvent,
quel que soit ce que nous appelons leur dëgénération ou leur perfectionnement,
tous les phénomènes qu’ils sont susceptibles de présenter résultent toujours
de leur nature ; ce n’est que sur leurs facultés qu’ont pu agir les circonstances qui
les ont modifiées; en un mot, le Lion et la Tigresse, qui se livraient entre eux au
besoin de la reproduction, ne cédaient pas moins à leur naturel que ne l’auraient
fait, dans le même cas, le Bélier et la Brebis, l’Etalon et la Jument. On a tant écrit
d’inutilités sur les Animaux, en admettant en principe un certain état de nature, qui
consisterait dans une liberté absolue, et hors duquel il ne pourrait plus y avoir pour
eux que des souffrances et de la corruption, qu’il serait bien temps de reconnaître
que ce principe n’est qu’une erreur, qu’il égarera tous ceux qui s’y soumettront,
et qu’il ne peut point y avoir de liberté sans mesure pour des êtres placés au milieu
des innombrables forces de la nature, toujours agissantes, toujours variables¿ et dont