il n’y en a qu’une. C’est que leur succession se fait d’arrière en avant, et que
la dernière qui se montre pousse devant elle celle qui l’a, precedee et la remplace
à son tour, de sorte qu’il n’y en, a même jamais deux entièrement visibles;
quand l’antérieure ést tout-à-fàit sortie des alvéoles, la postérieure nest sortie qua
demi et quand celle-ci se montre tout entière, la première est aux trois quarts
usée;' et cet état de choses est le même pour les deux mâchoires. Ces dents se
composent de lames plus ou moins nombreuses, suivant l’âge de l'animal, entourées
d’émail, et les intervalles qui les séparent sont remplis de matière corticale
ou cément. Sur la coupe des dents, telle qu’elle se montre quand les dents
sont usées à un certain point par la mastication, ces lames présentent des rubans
de largeur à peu près égale dans toute leur longueur, et dont les bords d email
sont festonnés; lorsque l’usure commence seulement, au lieu de ruban elles
montrent une chaîne de trois ou quatre anneaux plus ou moins arrondis , qui ne
tardent pas à se réunir et à former les rubans. On a compté,quelquefois jusqua
vingt lames à ces dents. Outre ces mâchelières, ce5 animaux ont aux intermaxillaires
supérieures deux défenses qui, dans certaines races, prennent des dimensions tres-
considérables, et elles se composent d’un ivoire qui présente sur ses coupes transversales
des cercles excentriques qui se coupent réciproquement, et qui font jusqua
présent le caractère exclusif de l’ivoire des défenses d Éléphant. Ces dents se
recourbent en haut et sont de.puissantes et dangereuses armes. . ; .
Ces animaux sont plantigrades, et leurs pieds sont formes de cinq doigts, mais
ces doigts sont enveloppés par la peau et ne se montrent au dehors que par leurs
ongles larges, plats et arrondis, qui sont attachés à celle-ci et qui quelquefois ne
sont pas en même nombre que les doigts et ne .leur correspondent pas; de sorte
que les mouvemens de ces doigts né sont guère plus libres que s ils étaient enveloppés
dans un sabot. Les yeux sont fort petits, à pupilles rondes, et leur troisième
paupière-est fort étendue. La conque externe de l’oreille est fort grande, mobile,
U i s , au lieu d’être en cornet, elle est aplatie et évasée autour de 1 orifice du
canal auditif qui est à sa partie antérieure. La langue est tres-douce et singulièrement
renflée à sa partie moyenne. La peau épaisse et dure n’est revetue que de
. quelques soies rares et fines. Le sommet de la tête en est le plus garni. On voit
que ces organes ont une structure peu favorable pour accroître 1 influence des. sens
auxquels ils sont associés; mais ceux du sens de l’odorat prennent une prépondérance
qui paraît suppléer à ce qui manque aux autres. En effet, la trompe de
l’Éléphant est un prolongement du nez, et il en,fait un usage continuel pour re-
connaître les corps, en les flairant et les palpant; d’un autre côte, les nombreux
sinus qui remplissent-.l’épaisseur de ses frontaux communiquent avec ses narines
et; étendent peut-être les surfaces olfactives. Cette trompe n’est cependant point
proprement l’organe de l’odorat, qui ne paraît commencer qu’avec les cornets du
nez ; elle ne lui est qu’accessoire; tout ce qui est antérieur aux cornets ne peut
être’ considéré que comme un organe d’appréhension et de toucher; car- l’anima
s’en sert principalement pour porter à sa bouche l’eau ou- les substances dont i
se nourrit, ou pour se mettre en communication avec les corps dont il ne peu
prendre connaissance autrement : dans le premier cas il aspire l’eau, et, après en
avoir rempli sa trompe, il la verse ou la laisse çouler dans son gosier, en y introduisant
l’extrémité de ce singulier organe; quant à ses alimens, il les saisit en les
entourant de sa trompe qu’il a la faculté d’enrouler sur elle-même de dessus en
.dessous. Cette trompe est aussi pour lui une arme puissante; il frappe arc^me
ÉLÉPHANT D’ASIE.
extrême violence, en la jetant pour ainsi dire en avant, et de la sorte il peut sans
peine et d’un seul coup renverser plusieurs hommes; il s’en sert aussi en appuyant
par sa base,»c’est-à-dire par l’endroit où elle a le plus d’épaisseur, sur les corps qui lui
font obstacle, et je l’ai Vu ainsi renverser les portes et les barrières les plus fortement
construites. Cet organe supplée, et avec de grands avantages, les mouvemens
du cou qui, chez l’Éléphant, sont extrêmement restreints à cause de sa brièveté
sans doute occasionnée par la pesanteur des défenses. Chez tous les animaux herbivores,
la longueur du cou est proportionnée à la hauteur des jambes, et cette
disposition semble motivée sur la nécessité où ils sont d’abaisser,- pour paître, leur
tête jusqu’à terre ; maisSi-à l’extrémité du cou, qu’on peut considérer comme un
grand levier, se trouvait une tête d’une grande pesanteur, elle nécessiterait des
muscles d’un tel volume que l’économie animale pourrait en être détruite. Pour
obvier à cet inconvénient, l’Éléphant a reçu, avec un cou extrêmement court, une
trompe très-allongée. « Les muscles-qui meuvent cet organe, dit mon frère, sont
de deux sortes : des longitudinaux divisés en une multitude d’arcs, dont la convexité
est en dehors, et dont les deux bouts adhèrent à la membrane interne; et
les transversaux, qui vont de la membrane interne à l’externe, .comme les rayons
d un eercle; ces derniers-rétrécissent l’enveloppe externe,, sans fermer le- canal
interne, avantage que les muscles circulaires n’auraient pas eu :■ par cette action
ils allongent la trompe en forçant les muscles longitudinaux de s’étendre. Ceux-ci
en se contractant, raccourcissent la trompe, soit en totalité, lorsque tooe agissent’
soit par parues, et cela d’un ou plusieurs côtés, et dans une ou plusieurs proportions
de sa longueur, ce qui produit toutes les courbures imaginables dans un
ou plusieurs plans,, et même en spirale régulière : mécanisme en même temps le
plus simple et le plus fécond qu’il fût possible d’imaginer. »
La couleur de notre Éléphant est d’un gris brun terreux ; cependant lors-
qu il sort de l’eau, on aperçoit sur plusieurs parties -de son corps et particulièrement
sur sa trompe, à son origine, des taches blanches légèrement teintes de
couleur de chair, et fort irrégulières pour la-grandeur, la forme et la situation.
Les poils sont de la couleur de la peau.
<= C’est.surtout à cette espèce, dit encore mon-frère, qu’on attribue cet instinct
dont on a fait tant de récits exagérés,-et qu’on a transformé en véritable intelligence
et en sentiment moral. Cette supériorité de l’Éléphant sur les-autrés animaux,
est en partie-fondée, sur des avantages réels : la perfection de son organe
du touchée; la facilité qu’il lui donne de compléter les sensations de la vue ; la finesse
de son ouïe et de son odorat; la longueur de sa vie et l’accumulation d’expériences
et d’habitudes qui en résulte; enfin,- sa grandeur et sâ force, qui, le faisant respecter
de tous, les animaux, lui garantissent un repos et une aisance constante.
Cependant ces organes extérieurs, si avantageusement conformés, ne sont point
animés par un système nerveux plus énergique ni plus délicat que celui des autres
animaux; son cerveau est fort petit à proportion de sa masse; mais cês sinus dont
nous avons parlé lui grossissent le crâne, et le font paraître presque aussi, bombé
que dans l’homme : il résulte de cette conformation Une physionomie grave ét
réfléchie, qui n’aura pas peu contribué à faire donner à l’Éléphant cette réputation
de raison et de décence qui l’a rendu si célèbre.
V Les Malais désignent l’Ëléphant par un nom qui lui est commun avec l’homme
et qui implique Tidéé d’un être raisonnable. Les anciens ne se b ornaient pas à
reconnaître sa douceur, la facilité avec laquelle il s’apprivoise, son attachement pour